Les 6 et 7 novembre derniers se tenait à Séville le sommet spatial, réunissant les 22 membres de l’ESA, l’agence spatiale européenne. Si le financement d’Ariane 6, principal cheval de bataille français, a été assuré, l'événement semble confirmer une période compliquée pour le spatial européen.
Si Bruno Lemaire a qualifié le sommet spatial de Séville de “tournant décisif dans l’histoire spatial européenne”, les principaux acteurs du secteur spatial continental se sont montrés plus mesurés. Il faut dire que les deux têtes de gondole de l’ESA, Ariane 6 et le lanceur Vega-C, enchaînent les déconvenues. En effet, alors que le dernier vol d’Ariane 5 a eu lieu en juillet 2023, le programme de développement d’Ariane 6 prend du retard, à cause de nombreux problèmes techniques notamment. Le lanceur Vega-C, lui, est toujours à l’heure actuelle cloué au sol après l’échec de son premier lancement commercial – à cause d’une pièce défectueuse ukrainienne – le 23 décembre dernier. De fait, l’Europe n’est aujourd’hui plus souveraine en ce qui concerne ses lancements : elle doit compter sur les lanceurs américains pour mettre des satellites en orbite, et n’est plus capable seule d’envoyer des astronautes dans l’espace. Une situation inédite, qui illustre un recul sans précédent de l’Europe sur la scène spatiale mondiale.
Ainsi, le sommet spatial de Séville, s’il n’apporte pas de réponse immédiate sur le long terme, a le mérite de pérenniser l’avenir immédiat du spatial européen, en l’occurrence Ariane 6 et Vega-C.
Sécurisation du financement d’Ariane 6
Trois décisions d’importance ont été prises lors du sommet de Séville, qui contentent chacune à leur façon les trois pays qui financent majoritairement l’ESA, à savoir la France, l’Allemagne et l’Italie.
D’abord, Ariane 6. La France a réussi à trouver un compromis avec l’Allemagne et l’Italie pour financer à hauteur de 340 millions d’euros par an le programme Ariane 6, entre son 16ème et 42ème lancement. Ces subventions, assurées à hauteur de 55% par la France, sont une bouffée d’oxygène pour les industriels français, nombreux, qui travaillent au développement du sixième lanceur lourd de l’histoire d’Ariane, au premier rang desquels Airbus et Safran. Rappelons que les 15 premiers lancements d’Ariane 6 sont d’ores et déjà assurés par un accord passé précédemment. Aussi, l’accord prévoit 4 lancements institutionnels par an. En contrepartie, les industriels engagés dans la programme Ariane 6 devront s’acquitter d’une réduction des coûts de 11% par an sur la période qui comprend les 42 lancements.
L’Italie a de son côté également tiré son épingle du jeu. En effet, la société italienne Avio récupère la commercialisation de la fusée Vega-C, au détriment d’Ariane Espace. Il s’agit là d’une demande de longue date de la part du constructeur italien, qui obtient également 21 millions d’euros ainsi que trois lancements, le tout chaque année.
Enfin, l’Allemagne a également obtenu ce qu’elle était venue chercher, à savoir la mise en concurrence entre fournisseurs, notamment en ce qui concerne les minis lanceurs. Une victoire pour le spatial allemand, dont l’écosystème se compose de nombreux acteurs développant des mini lanceurs à fort potentiel. Cerise sur le gâteau, l’ESA prévoit une aide qui pourra aller jusqu’à 150 millions d’euros pour les projets innovants les plus prometteurs. La concurrence ne fait donc que commencer.
Enfin, dernière décision notable, le déblocage de 75 millions d’euros pour le développement d’un service de transport cargo vers la Station spatiale internationale d’ici 2028.
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