73 MW d’éolien, c’est en moyenne une seule éolienne de 3,3 MW par région (puissance aujourd’hui standard pour l’éolien terrestre). Et 88 MW de solaire, c’est 1,3 Watt par français, soit environ un millième de la puissance d’un grille-pain.
« Par rapport au premier trimestre de 2012, la puissance [éolienne] raccordée sur le trimestre a baissé de 31%. » commente le Commissariat. Concernant le photovoltaïque, « comparées au premier trimestre 2012, les puissances raccordées ont diminué de 76 % ».
Pour Arnaud Gossement, ex porte-parole de France Nature Environnement, « la loi du 12 juillet 2010 a volontairement multiplié les freins juridiques au développement des énergies renouvelables. Insécurité juridique, procédures sans fin, refus nombreux, opposition des opérateurs radars, recours des opposants, tarif d’achat gelé, appels d’offres compliqués : la situation est préoccupante et elle l’est depuis trop longtemps. » Et l’avocat spécialisé en environnement d’ajouter que « dans le même temps, une campagne de dénigrement assez efficace a été orchestrée pour porter atteinte à l’image des énergies vertes. En conséquence, nous bouchons des débouchés pour les nombreux étudiants qui souhaitaient s’orienter vers ces filières. »
Pire, alors que la France bénéficiait de panneaux solaires chinois très bon marché qui permettaient de générer de nombreux emplois non délocalisables en France, le gouvernement français a fait campagne auprès de la commission européenne pour taxer lourdement ces panneaux chinois. Une position ubuesque bien entendu dénoncée par Berlin, qui a qualifié la position française de « grave erreur ».
Du solaire et du vin
Non seulement la France pénalise les consommateurs d’électricité ainsi que les entreprises spécialisées dans l’installation des panneaux PV en France avec cette politique, mais en plus la Chine va réagir vigoureusement en visant spécialement un secteur très français : les vins et spiritueux, un domaine dont le montant des exportations européennes annuelles vers la Chine s’élève à plus d’un milliard d’euros, dont 60 % pour la France. Et c’est aussi le deuxième poste excédentaire, derrière l’aéronautique, de la balance commerciale hexagonale. Une balance commerciale globalement très négative et qu’il serait bon de veiller à ne pas aggraver…
Au final, la France va terminer perdante sur tous les plans : dégradation des relations commerciales avec la Chine, mise sous pression des producteurs viticoles, renchérissement du prix des panneaux PV qui pénalisera le pouvoir d’achat des consommateurs français, non création d’emplois dans le domaine des installateurs de panneaux PV et des bureaux d’étude associés, et non respect des engagements pris par la France en matière d’énergies renouvelables qui conduira à des sanctions européennes. Difficile de faire pire.
Qui peut se plaindre que les panneaux solaires soient très bon marché ?
En Allemagne, sur les 10 000 entreprises du secteur photovoltaïque, seules 350 sont spécialisées dans la fabrication de modules PV. Toutes les autres (9750) sont des bureaux d’étude, des installateurs, des fabricants d’onduleurs et autres matériels associés, et des revendeurs. Berlin a bien compris que des panneaux solaires chinois très bons marchés créeront davantage d’emplois locaux en Allemagne que des panneaux solaires made in Europe. Et si la Chine subventionne ses producteurs de modules PV, c’est une excellente nouvelle pour les consommateurs européens qui n’ont alors plus besoin de financer ces subventions ! Et c’est surtout une très bonne nouvelle pour la planète : la cause environnementale n’a pas de frontières. Plus les panneaux solaires seront bon marchés, plus vite aura lieu la transition énergétique.
Le gouvernement français a organisé un grand débat sur l’énergie, qui dure depuis plusieurs mois. Il y a ceux qui parlent. Et il y a ceux qui, comme les allemands, réellement motivés pour passer à de hauts niveaux de renouvelables, agissent de manière pragmatique. Dans l’ombre de cette affaire, la réalité est que l’éolien et le solaire constituent une menace très concrète et imminente pour le business du nucléaire français. Après avoir tout fait pour mettre des bâtons dans les pâles de l’éolien, la France cherche à présent à empêcher que des panneaux solaires très bon marchés soient disponibles pour les consommateurs français. Consternant.
* Olivier Daniélo est un journaliste collaborant pour les Editions Techniques de l’Ingénieur, pour la revue Systèmes solaires d’Observ’ER et créateur du blog Objectif Terre.