Une nouvelle start-up de l’ordinateur quantique est née. Elle s’appelle Siquance et elle est française. Choix technologique, développements en cours, planning... on vous dit tout !
C’est un nouvel acteur dans le monde de l’ordinateur quantique. Lancée le 29 novembre lors d’un événement presse au CEA de Grenoble, la start-up française Siquance souhaite développer et commercialiser un ordinateur quantique à base de semi-conducteurs en silicium. « Nous sommes partis d’un transistor FD-SOI, l’unité de base du calcul classique, pour fabriquer un bit quantique, l’unité de base du calcul quantique, explique Maud Vinet, cofondatrice et directrice de Siquance, issue du CEA. Ensuite, on utilise la technologie de la microélectrique, c’est-à-dire qu’on fabrique un circuit intégré qu’on encapsule et qu’on vient poser dans une carte mère d’une dizaine de centimètres carrés. »
Ensuite, direction le cryostat pour mettre les transistors en conditions extrêmes de froid afin de révéler leurs propriétés quantiques. « Cela fait plus de 20 ans que nous refroidissons des dispositifs et que l’on mesure à basse température, ajoute Maud Vinet. Nous avons une connaissance solide de ce qu’il se passe à basse température quand nous refroidissons ces objets. » La nouvelle start-up s’insère dans le marché du calcul intensif et va, in fine, fournir des utilisateurs finaux comme les grands industriels, pour augmenter leur performance. Le temps de calcul sera fourni par trois types de fournisseurs que Siquance va servir : des centres de calcul partagé, des fournisseurs d’accès au cloud et des systémiers.
Vers des bits quantiques parfaits
Lancer une start-up en 2022 est le résultat de nombreuses étapes précédentes, dont deux majeures. La première date de 2016 : le CEA a réussi à transformer un transistor FD-SOI en bit quantique et a, l’année suivante, déposé un brevet. La seconde date de 2019 : le premier circuit intégré quantique. Grâce à ces deux innovations, « nous avons obtenu une bourse de recherche à l’ERC[1] de 14 millions d’euros afin de lever les verrous technologiques de l’ordinateur quantique à base de silicium, explique Maud Vinet. Nous avons donc décidé d’accélérer afin d’augmenter la maturité de la technologie en mettant en place des outils et des méthodologies, comme la caractérisation statistique, la conception d’échantillons et l’utilisation de la simulation, pour préparer son industrialisation. » L’équipe va également travailler sur les logiciels proches du circuit intégré qui permettront de le piloter et de corriger les erreurs quantiques.
L’enjeu est d’obtenir des bits quantiques qui ont une fidélité parfaite, c’est-à-dire 1. Aujourd’hui Siquance utilise des bits qui ont une fidélité à 0,996 voire un peu plus. « Ils ne sont pas particulièrement bruyants, mais nous utilisons un code correcteur d’erreur, c’est-à-dire un certain nombre de qubits physiques pour en faire un logique avec une fidélité de 1, détaille Maud Vinet. Nous avons démontré que les codes correcteurs fonctionnent. Tout notre pari est de l’implémenter afin que nos qubits, qui sont très bons, deviennent parfaits. » Le nombre de qubits nécessaires autour d’un qubit pour le corriger va dépendre de sa qualité. Pour avoir un ordre d’idée : pour 100 000 qubits physiques, il est possible d’obtenir un millier de qubits logiques.
Un prototype dans deux ans
Un ordinateur devrait voir le jour d’ici quelques années. « Notre objectif est d’être capables de fabriquer un ordinateur quantique dans 10 ans » affirme Stéphane Siebert, directeur de la recherche technologique au CEA. Mais d’ici deux à trois ans, la start-up compte bien proposer un prototype fonctionnel accessible depuis le cloud. « Nous ne savons pas encore combien il aura de qubit, mais nous y travaillons, explique Maud Vinet. Nous avons des circuits à 16 qubits, et nous allons monter. » Et il ne faut pas imaginer des centres gigantesques de machines de calcul, son empreinte au sol ne sera que de 2 m². L’avantage de la technologie : « Quand on monte en puissance, on change la carte mère, explique Maud Vinet. Sur un millimètre carré de circuit, on met quelques centaines de milliers de qubits. Pour 200 000 qubits, soit 2 millimètres carrés, ça rentre toujours dans le cryostat. Une fois qu’on a une infrastructure, on ne va pas la changer. »
Un écosystème robuste
Pour la start-up, utiliser la technologie FD-SOI qui est née au CEA est un élément différenciant pour aller plus vite vers l’ordinateur quantique. « L’industrie du semi-conducteur permet de fabriquer des milliards de transistors, sait les piloter et y implémenter des algorithmes, ajoute Maud Vinet. Et l’avantage, c’est que nous serons fabless : nous n’allons pas créer des lignes qui n’existent pas dans l’industrie pour fabriquer notre ordinateur quantique, mais l’existant pour créer de la plus-value. » La start-up va d’ailleurs travailler avec des partenaires industriels tels que OVH (cloud quantique), Atos, ou encore Air Liquide (cryostat).
« Dans la course à l’ordinateur quantique, en fonction du choix des technologies, il y a des phases plus rapides et d’autres plus lentes, souligne Stéphane Siebert. Nous, c’est le départ qui est lent, car nous mettons beaucoup de temps à faire des qubits et les architectures, mais ensuite nous irons beaucoup plus vite à produire. »
[1] European Research Council ou Conseil Européen de la Recherche
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