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S’inspirer de la dégradation des protéines pour repenser le recyclage des polymères

Posté le 6 octobre 2021
par Arnaud Moign
dans Chimie et Biotech

En prouvant qu’il est possible de transformer de la soie en une protéine utilisée en technologie biomédicale, une équipe de chercheurs de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) a voulu démontrer le potentiel des polymères à séquence définie, comme réponse aux enjeux d’économie circulaire. Ils s’inspirent de la nature, et en particulier des protéines, pour proposer une nouvelle approche autour du recyclage des plastiques.

Le paradigme actuel en matière de recyclage pousse généralement à considérer qu’un matériau recyclé doit avoir la même nature et les mêmes propriétés que le matériau d’origine.

Pourtant, le vivant nous démontre chaque jour que nous avons tort. Prenons l’exemple des protéines. Ces molécules, tout comme l’ADN, font partie de la famille des polymères. Ces très longues chaînes sont en effet constituées de plusieurs monomères, les acides aminés. Chaque combinaison d’acides aminés constitue une séquence qui confère à la molécule des propriétés particulières.

Que se passe-t-il lorsque ces protéines se décomposent ? Les acides aminés qu’elles contiennent sont alors libres de se recombiner pour créer de nouvelles protéines qui ont des fonctions différentes.

Concevoir et recycler des matériaux, en s’inspirant des protéines : une piste envisageable ?

Chaque jour, les organismes vivants se nourrissent de mélanges de protéines et les « recyclent » pour les adapter aux besoins de leurs propres cellules.

Si nous étions capables d’en faire autant avec les polymères synthétiques, nous serions en mesure de résoudre bon nombre de problématiques liées au recyclage des plastiques, en créant une boucle de recyclage infinie.

Les chercheurs de l’EPFL se sont donc intéressés à ce mécanisme de dépolymérisation/synthèse ribosomique des protéines. Dans un papier publié dans la revue Advanced materials, ils expliquent avoir développé le concept de NaCRe (Nature Inspired Circular economy Recycling), une approche qui peut être illustrée par l’exemple suivant :

Ce concept assez général a ainsi été mis en application pour transformer de la fibroïne de soie en une protéine utilisée dans le domaine biomédical. Ceci leur a notamment permis de démontrer la faisabilité du recyclage de structures polymères de masse moléculaire élevée.

Illustration schématique du concept de NaCRe. (Crédit : EPFL)

Un concept qui n’en est qu’à ses débuts

Dans un communiqué de presse, Francesco Stellacci, directeur du Laboratoire des nanomatériaux supramoléculaires et interfaces (SUNMIL) de l’EPFL, dit être conscient que le développement de telles technologies ne sera possible que sur le long terme, et il ajoute que « cela nécessitera un véritable changement de mentalité ».

En outre, il n’existe pas encore de technologie capable d’assembler différents monomères, en contrôlant leur séquence, de manière à obtenir un polymère sur mesure.

Pour l’heure, les chercheurs de l’EPFL ont réussi à montrer qu’il était possible de recycler des matériaux à base de protéines, en environnement contrôlé, à l’extérieur d’organismes vivants. Avec ces travaux, ils espèrent mettre en évidence l’étonnante capacité des polymères à séquence définie à être recyclés en accord avec les principes d’économie circulaire.


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