Techniques de l’Ingénieur : L’informatique quantique reste encore un concept pour de nombreuses personnes. Votre objectif est de démocratiser l’accès à l’informatique quantique ?
Notre plateforme permet aux programmeurs de profiter des performances de l’informatique sans être des experts dans ce domaine. Ils peuvent créer rapidement des circuits quantiques pour être déployés sur n’importe quel matériel quantique.
Est-ce que votre solution peut être considérée comme du No-Code ou du Low-Code[2] ?
SF : Notre solution se rapproche du low-code. Nous avons développé Qmod (Quantum Modeling Language). C’est le premier langage de haut niveau (HLL- high-level language) pour le codage quantique. Qmod peut être utilisé par les développeurs, chercheurs et entreprises du monde entier. Qmod facilite la modélisation quantique avancée et permet de décrire des algorithmes quantiques à un haut niveau d’abstraction. Cette approche innovante permet aux développeurs de se concentrer sur l’intention fonctionnelle de leurs algorithmes, tandis que le puissant compilateur et le moteur de synthèse de Classiq gèrent les détails complexes de l’implémentation quantique tenant compte du matériel.
La roadmap d’IBM indique que l’informatique quantique ne remplacera pas tout de suite l’ordinateur classique. Pourquoi les entreprises devraient-elles déjà s’intéresser au quantique ?
SF : C’est exact. Mais je pense, j’espère, que d’ici 12 à 18 mois, il y aura des applications du quantique dans la finance. La chimie et la science des matériaux devraient également connaître des applications à plus court terme. Et dans d’autres domaines, ce sera peut-être plus long, dans 10 ou 20 ans. Entre ces deux échéances, nous allons découvrir de nouvelles applications et innovations au fur et à mesure de l’évolution des ordinateurs. Les entreprises doivent donc dès aujourd’hui développer des algorithmes et des programmes pour être prêtes lorsque ces machines quantiques seront performantes et optimisées.
Cependant, des experts estiment que l’IA est capable de répondre à de nombreux besoins d’entreprises.
SF : Absolument. La génération actuelle d’ordinateurs quantiques n’est généralement pas encore assez puissante pour surpasser les capacités des ordinateurs classiques pour des applications commercialement pertinentes. Actuellement, l’IA est sans doute beaucoup plus développée, notamment grâce aux puces graphiques de Nvidia. Ce que nous verrons probablement, c’est un mélange des deux. Les solutions seront peut-être hybrides. Certains calculs et problématiques seront traités par des ordinateurs classiques, car le quantique à certains stades ne présente pas d’avantages significatifs en termes de coût et de temps. Toutefois, les calculs le plus complexes auront besoin d’un ordinateur quantique. C’est pour cela qu’on imagine plutôt des solutions hybrides. L’idée ici est que certains calculs sont mieux adaptés aux ordinateurs classiques, tandis que d’autres sont effectués plus efficacement par des ordinateurs quantiques. L’objectif est donc d’orienter chaque calcul vers la machine la plus adaptée à la tâche.
Concernant la réduction des circuits, pourquoi et quels sont les avantages ?
SF : Un des principaux problèmes des ordinateurs quantiques est le bruit généré lors des calculs ; plus le programme est long, plus il est exposé aux erreurs dues à ce bruit. Si un programme doit s’exécuter pendant plusieurs minutes, il devient presque impossible de lire des résultats exploitables, car les erreurs s’accumulent. Réduire donc la longueur devient crucial, car cette optimisation joue un rôle important dans l’évolution de ces machines et dans la correction des erreurs, notamment pour des constructeurs comme Google. Il existe des milliers, voire des millions de façons d’écrire un même programme quantique ; l’enjeu est dans son optimisation.
Même si l’IA a pris de l’avance, quelles sont les principales pistes de recherches menées actuellement par Classiq ?
SF : En février 2024, nous nous sommes associés à Citi Innovation Lab – un centre de développement fintech du groupe bancaire Citibank basé à New York. L’objectif est de tester le potentiel de l’informatique quantique dans la finance et de comprendre son impact sur la résolution de problèmes commerciaux, en particulier l’optimisation de portefeuille. En avril 2024, nous avons lancé une collaboration avec Quantum Intelligence Corp. (une start-up coréenne) visant à accélérer le développement de médicaments en appliquant l’informatique quantique à la pharmacologie. Classiq travaille aussi avec BMW pour trouver l’architecture optimale des systèmes électriques et mécaniques des véhicules. Récemment Classiq s’est également associé à Florence Quantum Lab, afin de concevoir des solutions quantiques dédiées à l’agriculture de précision.
[1] Avant de rejoindre cette entreprise, Simon Fried a cofondé et occupé un poste de direction chez Nano Dimension, en se concentrant sur la fabrication additive et les solutions de l’industrie 4.0. Il est notamment titulaire d’un MBA obtenu à la Bocconi School of Management en Italie et d’un master en économie comportementale obtenu à l’Université d’Oxford.
[2] Les plateformes de Low-Code et de No-Code permettent de créer des sites web et des applications avec peu ou pas de connaissances techniques. Le No Code est une technique qui ne nécessite aucune notion de codage. Le Low Code permet d’ajouter quelques lignes de code, aux plateformes No Code.
[3] Architecte d’Applications Quantique chez Classiq, Guy Sella est titulaire d’une licence en informatique de l’Université Reichman et d’un MBA de l’Open University of Israel. Avec plus de huit ans d’expérience en programmation classique, il a auparavant travaillé dans le secteur des technologies financières à Londres. © Classiq Technologies