Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA) a ajouté dans un laconique communiqué que la « perspective du développement industriel » des réacteurs de quatrième génération n’était « plus envisagée avant la deuxième moitié de ce siècle ».
Astrid – acronyme de Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration – est un projet de réacteur à neutrons rapide, dit de génération quatre (l’EPR en construction constitue la génération trois, et les tranches en service actuellement en France forment la génération deux), refroidi au sodium.
Un projet contrarié
Il devait être construit à un horizon 2030 sur le site du CEA à Marcoule, au sud de la France, et sa capacité prévue sera de 600 MW. Une technologie fondée sur les réacteurs Phénix (250 MW) et Superphénix (1 200 MW) tous deux arrêtés désormais. Et une technologie relancée dans un cadre international, le Forum GIV, qui visait à étudier six types de réacteurs nucléaires de quatrième génération.
Jusqu’alors, l’objectif, annoncé sous la présidence de Jacques Chirac, était d’exploiter un réacteur de démonstration rapide en France autour de 2030 après avoir pris une décision de construction en 2024. Mais la programmation pluriannuelle de l’énergie du gouvernement en janvier dernier indiquait qu’en raison de la grande disponibilité d’uranium, une série de réacteurs rapides ne serait pas nécessaire au plus tôt avant la deuxième moitié du siècle. Ce que confirme le communiqué du CEA daté de vendredi 30 août.
Des enjeux multiples
La déclaration du CEA fait suite à un article paru jeudi dans Le Monde, citant une source anonyme au CEA, que ce dernier avait complètement abandonné le projet Astrid et que l’équipe dédiée au projet (25 personnes) avait été démantelée en février.
Le CEA déclare dans son communiqué que, sur la base de ses engagements pris avec les pouvoirs publics, le CEA « proposera d’ici la fin de cette année un programme de recherche révisé sur les réacteurs de quatrième génération pour 2020 et les années suivantes. »
Le CEA ajoute que le programme de recherche de quatrième génération qu’il entend proposer vise à lui permettre de maintenir son expertise dans la technologie des réacteurs refroidis au sodium.
Un rapport de la Cour des Comptes publié en 2017 indiquait que 738 millions d’euros avaient déjà été dépensés pour le programme Astrid, dont 500 millions d’euros provenant du programme d’investissements d’avenir (PIA) du gouvernement français.
L’enjeu d’Astrid était également, selon le CEA, de « fermer » le cycle du combustible, en « brûlant » le plutonium issu du retraitement des combustibles usés dans les réacteurs de génération deux et trois. Ce report risque ainsi de ne pas être sans conséquence sur la « doctrine » française qui vise à considérer toutes les matières nucléaires nobles (donc avec de l’uranium et du plutonium) comme valorisables, les excluant des déchets, même si, la PPE souligne la poursuite de cette voie. Les débats sur la Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, en cours s’instruction, qui jusqu’alors conservait cette doctrine, risquent d’être relancés par la décision de reporter sine die Astrid… Et de relancer le débat sur un potentiel stockage de combustibles usés dans le futur centre de stockage ultime des déchets de haute et de moyenne activités à vie longue, Cigéo.
Au plan international aussi, cette décision présente un enjeu. Au-delà du Forum GIV, en 2014, aux termes d’un accord entre la France et le Japon, le Japon aurait accepté de payer une partie non divulguée du coût de la construction du réacteur rapide Astrid, dans l’espoir d’obtenir des connaissances techniques et une expérience opérationnelle. La France visait aussi la possibilité de tester certains combustibles pour Astrid dans le prototype nippon, Monju (240 MW), qui avait enregistré nombre de déboires.
Les organisations environnementales se sont toutes réjouies de cette décision d’arrêt. En revanche, Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains au Sénat, s’est fendu d’un communiqué estimant que « nous ne pourrons pas protéger notre environnement sans la recherche et l’innovation », estime que c’est « une faute, écologique, stratégique et politique », et accuse le gouvernement de céder « aux ayatollahs d’une écologie régressive et décroissante ».
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