« Les conséquences du changement climatique pour l’homme et les écosystèmes sont déjà perceptibles en Europe, assure Gonéri Le Cozannet, chercheur au BRGM, co-auteur du deuxième volet du rapport du GIEC paru fin février 2022. On voit que les températures, les précipitations et l’élévation du niveau de la mer augmentent, que ce soit en termes de moyennes ou d’extrêmes. On voit que cela a des conséquences négatives pour les personnes, les écosystèmes, la production alimentaire, les infrastructures, l’énergie, les ressources en eau, la santé publique et l’économie. »
Sur une planète réchauffée en moyenne d’environ +1,1°C depuis l’ère préindustrielle, le monde souffre déjà des effets du changement climatique. Désormais, plus les pays tarderont à atténuer leurs émissions de gaz à effet de serre, plus les impacts seront importants. « Si on dépasse les 1,5°C, le risque d’impacts irréversibles et de dépassement de points de bascule augmente », prévient Gonéri Le Cozannet. Que l’on parle des extrêmes de chaleur, de précipitations extrêmes ou de sécheresses, « il y a un vrai écart entre +1,5 et +3°C », avertit-il.
Planifier l’adaptation dès maintenant
Face à ces impacts et menaces, l’Europe s’adapte trop peu. « L’adaptation progresse en Europe, mais demeure insuffisante face à la rapidité des changements », s’alarme l’expert du BRGM. En particulier, l’Europe prend insuffisamment en compte l’élévation du niveau de la mer. Or, sa capacité à gérer les conséquences de cette élévation dépend de ses actions immédiates, prévient le GIEC.
Atténuer le changement climatique est capital pour stabiliser l’élévation du niveau de la mer autour de 4 mm par an. « Au-delà de 2°C, on ne peut plus éviter l’accélération de l’élévation du niveau de la mer, prévient Gonéri Le Cozannet. Le taux d’élévation du niveau de la mer s’élèverait alors entre 6 mm et 1 cm par an dans les années 2050-2060. » Dans cette perspective, l’élévation du niveau des mers est le point le plus difficile, mais le plus capital, à anticiper. Et il convient de planifier l’adaptation à cet horizon dès maintenant.
Et pour cause : « L’adaptation côtière prend énormément de temps », rappelle Gonéri Le Cozannet. Par exemple, pour relocaliser la plupart des infrastructures, le GIEC estime qu’il faut compter entre trente et quarante ans. « Et pour certaines infrastructures industrielles, portuaires, énergétiques près de la côte, qui ont des durées de vie extrêmement longues et qui sont très difficiles à déplacer, il faut réfléchir près de 100 ans à l’avance », met-il en garde.
En fonction de la hausse des émissions de gaz à effet de serre, la planification de cette adaptation peut être particulièrement compliquée. Gonéri Le Cozannet explique : « Le niveau de la mer réagit très lentement au changement climatique alors que l’augmentation des précipitations extrêmes est immédiate. À chaque hausse de 1°C de changement climatique, on stocke 7 % d’eau en plus dans l’atmosphère qui retombe principalement sous forme de précipitations extrêmes. Si vous atteignez +2°C en 2050, vous ne serez qu’à 20 cm d’élévation du niveau de la mer, mais 200 ans après, vous aurez une hausse entre 0,5 et 4 mètres. »
Accélérer le mouvement
« Aujourd’hui on devrait être en train de planifier l’adaptation aux submersions à marée haute que l’on va voir de manière de plus en plus fréquente entre les années 2030 et 2050, recommande Gonéri Le Cozannet. À marée haute, par simple superposition de l’élévation du niveau de la mer et de la marée, vous aurez des submersions dans les ports. »
En fin de compte, ne faudrait-il tout simplement pas interdire dès maintenant toute artificialisation supplémentaire des littoraux ? « Si on veut limiter les risques liés au changement climatique dans les littoraux, effectivement la chose la plus intelligente à faire déjà c’est d’éviter d’aggraver la situation en construisant dans les zones basses », conclut Gonéri Le Cozannet.
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