L’éolien et le solaire se portent au plus mal en France. François Hollande a-t-il décidé de passer enfin à l’action pour qu’émergent sérieusement ces énergies d’avenir ? Le choix de Ségolène Royal à la tête d’un Ministère aux responsabilités élargies (« Ministère de l’Ecologie, du développement durable et de énergie ») semble annoncer un réveil.
Avec la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim annoncée pour « fin 2016 » l’énergie va être au centre du débat de l’élection présidentielle de 2017. La droite avait trouvé un angle d’attaque stratégique contre le PS : fustiger son alliance avec EELV, un parti que Nicolas Sarkozy a comparé en 2012 à « une forme de secte » car prônant l’idéologie de la décroissance opposée au progrès techno-scientifique, à l’ingénierie.
Le nouveau gouvernement dirigé par Manuel Valls ne comprend pas un seul ministre issu d’EELV. Le refus d’EELV est peut-être, paradoxalement, une opportunité pour un rebond des politiques en faveur des énergies renouvelables en France.
L’écologie de la décroissance mène à l’impasse
EELV est en réalité divisé au sujet de cette doctrine. « On ne fonde pas un parti de la décroissance » avait alerté Daniel Cohn-Bendit en 2009, essayant de faire évoluer les mentalités sur ce thème central. Un point de vue partagé par Corinne Lepage pour qui « la décroissance n’est pas porteuse d’espoir » et qui soutient la « troisième révolution industrielle » prônée par le prospectiviste américain Jeremy Rifkin. « Il faut une croissance des énergies renouvelables ! » hurlait Daniel Cohn-Bendit bien au fait, en tant que citoyen allemand, du développement de ces énergies outre-Rhin. Cette approche positive a valu à ce député européen d’être traité d’« éco-tartuffe » par « Le Journal de la décroissance » de Vincent Cheynet. Daniel Cohn-Bendit a quitté EELV en décembre 2012.
Cécile Duflot a milité ces derniers jours pour empêcher l’entrée de membres d’EELV au nouveau gouvernement de Manuel Valls. Ce dernier est considéré comme trop libéral, trop favorable au développement économique, trop à l’antipode des valeurs de la décroissance. Daniel Cohn-Bendit, écologiste qui se définit lui-même comme « libéral », a déclaré sur RTL le 2 avril que cette position de Cécile Duflot constitue une « faute politique très très grande ».
Le livre « Ras-le-bol des écolos, pour qu’écologie rime avec économie » (Editions Plon, 24 octobre 2013) de Maud Fontenoy préparait la mise en scène pour 2017 : l’UMP favorable à une écologie du progrès, opposée au PS allié aux idéologues de l’écologie du déclin. « Je ne me reconnais pas dans un discours qui prône la décroissance » a déclaré sur France-Info fin 2013 Maud Fontenoy, très présente médiatiquement depuis la parution de ce livre. « Stop aux discours alarmants sur l’écologie ». Pour cette écologiste UMP, « trop longtemps, on a pensé que le développement durable était réservé à la gauche (…) Je suis persuadée que durable peut rimer avec rentable ».
Des propos directement en écho à ceux de Nicolas Sarkozy en 2009 à Aubervilliers : « Quand j’entends nos écologistes parfois dire qu’ils vont faire campagne sur le thème de la décroissance, est-ce qu’ils savent qu’il y a du chômage? Est-ce qu’ils savent qu’il y a de la misère dans le monde? Est-ce qu’ils savent qu’il y a près d’un milliard de gens qui ne mangent pas à leur faim et que la décroissance ça veut dire plus de misère pour tous ces gens-là ? ».
« Que va-t-on dire aux millions de Chinois et d’Indiens qui veulent accéder à nos niveaux de vie ? » renchérit Maud Fontenoy. « D’autant que la croissance permet aussi un meilleur accès aux soins et à l’éducation » estime la navigatrice qui a traversé l’Atlantique à la rame, qui a crée une fondation environnementale et qui est devenue l’ambassadrice de l’UNESCO pour les océans. « C’est aux pays riches de proposer à ceux en développement des solutions pour qu’ils passent directement à une croissance durable et responsable. Avec intelligence ».
L’approche du « découplage » entre PIB et ressources, portée par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (www.unep.org/resourcepanel/decoupling), permet effectivement de concilier économie et environnement. Comme le souligne l’intellectuel suédois Hans Rosling nous avons franchi le « peak child ». Le nombre d’enfants naissant sur terre n’augmentera plus, la population continue d’augmenter uniquement du fait de l’augmentation moyenne de l’espérance de vie dans le monde. Ainsi, étant donné que la « bombe démographique » est désamorcée, que la population mondiale va se stabiliser dans la seconde moitié du XXIème siècle, alors la frugalité prônée par les théoriciens de la décroissance n’est pas une obligation mais une simple option dans le panel des solutions possibles.
L’UMP et le PS cherchent à s’approprier le concept de croissance verte
Ségolène Royal est connue pour s’être opposée à l’écologie de la décroissance qu’elle a elle-même qualifié de « punitive ». Personnalité très médiatique et charismatique, elle s’est par exemple opposée avec vigueur à la « taxe carbone » conçue par Jean-Marc Jancovici, promoteur de la doctrine de la décroissance en France, et soutenue par Nicolas Hulot. «L’écotaxe, ce nouvel impôt que nous annonce le Premier ministre, est un impôt absurde, un impôt injuste, un impôt historiquement décalé dans le temps (…) Un impôt insupportable pour toutes celles et tous ceux qui n’ont pas le choix » avait estimé Ségolène Royal en août 2009 depuis La Rochelle.
Toujours dans cette logique d’opposition à l’écologie punitive, Ségolène Royal a qualifié en novembre 2013 de « révolte citoyenne » le mouvement des Bonnets Rouges en Bretagne. « Moi je préfère des peuples en mouvement à des peuples apathiques et qui se disent on n’a plus rien à faire ni même à revendiquer. La levée des Bretons, il y a quelque chose qui est assez réconfortant ». Les Bonnets Rouges, qui ont organisé en mars 2014 « les Etats Généraux de Bretagne », revendiquent en particulier une « appropriation par les Bretons de la filière énergie et développement des énergies renouvelables », ceci par le biais de la création de coopératives énergétiques locales, en circuit court. Il s’agit pour eux de « ne plus dépendre, pour notre énergie, des grandes entreprises publiques ou privées sur lesquels nous n’avons aucun contrôle. »
Ségolène Royal est favorable à une écologie de la « croissance verte », approche dont fait aussi la promotion la Fondation « Ecologie d’avenir », organisation du Collège de France crée par Claude Allègre, scientifique et homme politique très proche de Nicolas Sarkozy sur les questions environnementales. Ce dernier l’a d’ailleurs salué à plusieurs reprises lors de ses derniers meetings de la présidentielle de 2012. Maud Fontenoy, qui jouit d’une bonne image, a repris le flambeau anti-décroissance de Claude Allègre. L’ancien Ministre de l’éducation et de la recherche, du fait de son tempérament, a vu sa popularité s’éroder. Et il est de plus fatigué par le combat acharné qu’il a mené contre la décroissance. Ségolène Royal préfère elle aussi une écologie qui favorise les nouvelles technologies à la fois propres et économiquement pertinentes à une écologie qui sanctionne les énergies sales et qui par ricochet affecte le porte-monnaie des ménages.
« Je ne suis pas du tout pour la décroissance » a de son côté déclaré en janvier 2014 dans le quotidien Ouest-France le climatologue Jean Jouzel. « Plus qu’une transition, il faut envisager une révolution énergétique ». Pour ce vice-président du GIEC et président du Haut Conseil de la science et de la technologie, « il faut développer les énergies renouvelables ».
« Moins dépendre du pétrole et du tout nucléaire »
Avec la nomination de Ségolène Royal, François Hollande coupe l’herbe sous le pied de la droite en cassant l’axe stratégique qu’elle concoctait. Outre l’effet masque vis-à-vis de l’affaire Gayet-Trierweiler, polémique particulièrement néfaste auprès de l’électorat féminin, le choix de Ségolène Royal à la tête du Ministère de l’Ecologie permettra au PS de se présenter comme porteur de la « social-écologie » et non pas de l’idéologie de la décroissance punitive et destructrice d’emplois.
Dans son discours suite à la débandade du PS aux élections municipales, François Hollande a annoncé une « exigence de la transition énergétique pour préparer la France de demain à être moins dépendante du pétrole comme du tout nucléaire ». L’expression « tout-nucléaire » n’est pas neutre.
Les défenseurs des centrales thermiques fossiles et fissiles, très présents dans les médias depuis plusieurs mois dans le cadre d’une grande campagne visant à décrédibiliser les énergies renouvelables, ont à présent des raisons de s’inquiéter. Il semble en effet que François Hollande ait décidé d’agir en faveur des EnR, ceci afin de ne pas être exposé à la sanction des électeurs lors des élections futures. Les français sont globalement très favorables au développement des EnR, et les électeurs de sensibilité écologiste pourraient lui reprocher de ne pas avoir tenu ses promesses. Il a en effet promis, lors d’un débat l’opposant à Martine Aubry lors des primaires du PS, de réduire la part du nucléaire de 75% aujourd’hui à 50% en 2025.
La France accueille de plus en 2015 la grande conférence mondiale de l’ONU sur le climat (COP 19), ce qui pousse le président à vouloir offrir une bonne image du pays en matière d’énergies d’avenir. Ségolène Royal a déjà été ministre de l’écologie en 1992 et 1993, c’est-à-dire à l’époque du sommet de la terre de Rio.
En 2011 Ségolène Royal a déclaré que la France devrait se fixer comme objectif de « devenir la première puissance écologique d’Europe dans le domaine des énergies renouvelables ». La présidente de la région Poitou-Charentes tient à présent les rênes de la future loi sur la transition énergétique qui va être votée cette année. Avec la place du nucléaire et le développement des énergies renouvelables en première ligne, le débat entre les promoteurs des énergies vraiment durables et les inconditionnels amoureux de l’atome promet d’être agité dans les mois à venir.
Par Olivier Daniélo
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