En France, la sécurité industrielle de ces entreprises, c’est-à-dire l’évaluation et la maîtrise des risques accidentels, a été prise en compte très tôt. Sans attendre la première directive européenne en la matière, un dispositif législatif et réglementaire, assorti d’une inspection par les services de l’Etat, a été mis en place au milieu des années 70 sur la base de textes précédents datant du début du 19ème siècle. Plus récemment, à l’aune d’accidents technologiques tels que la catastrophe de Toulouse en 2001, cette réglementation a été revisitée dans le but de rehausser à nouveau le niveau de sécurité de ces établissements, de maitriser l‘urbanisation à leur voisinage et de mieux protéger la population en cas d’accident.
Si cette réglementation a permis de réduire de manière significative la probabilité d’occurrence d’un événement à caractère accidentel, elle ne prend pas en compte la survenue d’événements d’origine malveillante ou terroriste. Seul un nombre, très restreint, de ces sites est soumis aux dispositions du Code de la défense qui visent au maintien de certaines fonctions essentielles pour la continuité de l’Etat en cas de conflit ou de crise. Il s’agit, par exemple, de certains organismes ou entreprises ayant des capacités particulières de production ou de fourniture dans les domaines, dénommés « Secteurs d’activités d’importance vitale », de la santé, de l’industrie, du transport, de l’alimentation, de l’énergie….
Certains sites sont par ailleurs tenus de respecter des standards de sûreté imposés par des normes spécifiques car ils produisent, ou utilisent, des substances susceptibles d’être employées comme précurseurs d’armes chimiques, d’explosifs ou de stupéfiants ou bénéficient d’un agrément en tant qu’opérateur économique. Les entreprises classées SEVESO sont également soumises à des obligations de sûreté (contrôle d’accès, protection des sites…).
Depuis la refonte du Plan Vigipirate en 2014, des recommandations sont communiquées aux sites industriels soit par le biais de leurs organisations professionnelles soit directement par les services du Haut fonctionnaire de défense des différents ministères lorsqu’il s’agit d’informations dont la diffusion est restreinte. Ces recommandations peuvent constituer un début dans la mise en place d’un système de gestion de la sûreté.
L’Union des industries chimiques dispose de lignes guides, le Code de sûreté du programme « Responsible Care » qui décrit les bonnes pratiques de management afin de préserver la sûreté des sites et de la chaine logistique. Il est conçu pour aider les entreprises à mettre en œuvre une boucle d’amélioration continue de la performance « sûreté », en utilisant une approche fondée sur le risque, afin d’identifier, d’évaluer et de prendre en compte les vulnérabilités, de les supprimer ou de les réduire, d’améliorer la formation et les capacités de réponse.
L’INERIS, en partenariat avec les services de l’Etat, a également développé une méthodologie destinée à analyser la vulnérabilité des sites chimiques face aux menaces de malveillance et de terrorisme pour aider les entreprises dans leur démarche de sûreté.
Cette méthode s’est aussi construite au travers de la collaboration de l’INERIS avec plusieurs opérateurs, dans l’industrie chimique, au sein de plate-formes portuaires, dans le transport de masse.
Ainsi, la méthodologie a été confrontée à des sites :
- implantés dans des environnements variés et denses en activités économiques (zones industrielles, zones portuaires) ;yant des enjeux économiques et stratégiques différents : sites français appartenant à des groupes internationaux, réseaux fortement maillés, réseaux d’eau potable, transports publics…).
- l’application de cette méthodologie à des activités autres que des sites chimiques, telles que les opérateurs de zones portuaires, les opérateurs de transport de masse ou encore les opérateurs de réseaux d’eau potable, a permis de conforter la démarche tout en adaptant certains paramètres d’évaluation aux cas de figure rencontrés. En effet, ces différents opérateurs se distinguent par des spécificités en termes :
- de typologies (milieu ouvert ou fermé, réseau maillé ou concentré),
- d’enjeux (conséquences humaines, continuité d’activité, attention médiatique, ..),
- de menaces (terroristes, activistes, criminels, etc.).
Aujourd’hui, il apparaît que cette évaluation de sûreté, étape essentielle pour une protection des sites contre les menaces de tous ordres, devrait être étendue aux sites susceptibles de présenter des vulnérabilités.
Par François Fontaine et Denis Ropers, membres de l’association AGENOME
François Fontaine (francois.fontaine@agenome.org) coordonne les activités « Sécurité globale » de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS). Denis Ropers (denis.ropers@agenome.org), responsable sécurité/sûreté transport du groupe Dow Chemical en France, représente par ailleurs l’Union des industries chimiques auprès des instances européennes pour les questions de menaces Nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques et explosifs (NRBCE). Tous deux font partie de l’association AGENOME qui regroupe des spécialistes de la gestion des risques et de la lutte contre les menaces NRBCE.
Et aussi dans les
ressources documentaires :
Cet article se trouve dans le dossier :
La prévention du risque sur les sites industriels, une affaire d'amélioration continue
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