François Brottes, le président de RTE, a d’abord insisté sur les « injonctions un peu contradictoires » auxquelles le gestionnaire du réseau est confronté en permanence. C’est en effet à RTE qu’incombe à la fois de lutter contre le changement climatique (en facilitant l’arrivée de capacités renouvelables notamment), de garantir la continuité du service, tout en mettant en place des tarifs adaptés et des plans, sans pour autant « avoir la main sur l’approvisionnement » qui procède des producteurs. Note d’optimisme cependant, « plus l’exercice est compliqué pour nous, plus cela veut dire que le système change », donc que la transition énergétique est à l’œuvre, a insisté le président de RTE.
Rien à signaler pour l’hiver à venir, dans des conditions normales de températures, indique RTE. La consommation, stable depuis six ans, devrait conduire à une demande en pointe de l’ordre de 85 GW, signale Jean-Paul Roubin, directeur de l’exploitation du gestionnaire. Si certains scénarios (grands froids) font apparaître une pointe potentielle à 100 GW, les capacités de production françaises seront au rendez-vous, comme les possibilités d’importation. En effet, indique le responsable, le stock hydraulique est au plus haut de ces 10 dernières années, les producteurs hydroélectriques ayant géré avec parcimonie sur le premier semestre de l’année 2019 (très sec) la ressource, et cette dernière s’étant largement reconstituée depuis septembre. Côté nucléaire, le parc devrait avoir une disponibilité supérieure à celle de la même période l’an dernier. En outre, les capacités thermiques n’évoluent pas sur l’hiver à venir. Et les productions renouvelables sont en constante hausse. Enfin, côté interconnexions, l’offre étrangère devrait en moyenne atteindre les 8 600 MW, soit meilleure qu’en 2018-2019, quand manquaient à l’appel du nucléaire belge, de l’éolien allemand et de l’hydraulique suisse ; « sans aléas à l’étranger, il sera possible d’importer plus », insiste le responsable de RTE.
Les trois temps sur 2020-2025
Sur la période de 2020 à 2025, en revanche, c’est plus incertain. Deux points sont acquis cependant : le report du démarrage de l’EPR de Flamanville au mieux en 2023 et la poursuite de la montée en puissance des capacités renouvelables, en prenant comme référence la planification pluriannuelle de l’énergie.
Ainsi, Thomas Veyrenc, directeur stratégie et prospective de RTE, signale que jusqu’en 2022, la tendance enregistrée cette année devrait se prolonger. « Le système est au plus près des besoins. Il n’y a pas de surplus par rapport au critère réglementaire ». Les fermetures de Fessenheim (1,8 GW) et des premières centrales au charbon (Le Havre notamment) doivent, insiste Thomas Veyrenc, être compensées par le développement des interconnexions (avec l’Italie, sur Piémont-Savoie et avec le Royaume-Uni, IFA2) et la mise en service de la centrale à cycle combiné de Landivisiau (400 MW). Sinon, le maintien de l’équilibre sera plus complexe, d’autant que le planning des arrêts programmés de centrales nucléaires pour visites décennales monte en puissance, avec jusqu’à sept réacteurs par an dès 2022.
Un motif qui est d’ailleurs déterminant à partir de l’hiver 2021-2022. La situation se tend en effet à compter de cette période, avec ce que RTE considère comme une période de « forte vigilance ». Outre les arrêts pour visites décennales sur le parc nucléaire, la poursuite des fermetures de centrales au charbon (3 GW au total) et les débuts de vives fermetures de centrales au charbon outre-Rhin, conduisent à ne pas respecter le critère national dans la plupart des variantes étudiées. Et la tension est particulièrement vive sur l’hiver 2022-2023, signale RTE, notamment sur la partie Grand Ouest, si l’arrêt de la centrale charbon de Cordemais est maintenu.
Au-delà, à partir de 2024 (jusqu’en 2025, fin de la période étudiée dans ce bilan prévisionnel), le système électrique retrouve des marges, notamment grâce à l’entrée en service des premières vagues de parcs éoliens offshore… Marge retrouvée au plus vite si l’EPR de Flamanville est mis en service, mais RTE estime que même s’il démarre seulement en 2025, le compte y sera.
« Attention, insiste T. Veyrenc, ce n’est pas certain, mais il y a un niveau de risque élevé » sur la période 2022-2023. Mais des « remèdes » existent : « activer les leviers post-marché », c’est-à-dire, importer au maximum, faire appel aux effacements (dont l’effacement diffus, via le dispositif EcoWatt), actionner l’interruptibilité des entreprises qui ont un contrat ad hoc, enfin, baisser la fréquence, et en dernier recours, procéder à des délestages (coupures tournantes).
Enfin, une bonne nouvelle, il n’est pas question de sécurité d’approvisionnement régionale hors Grand Ouest. Que ce soit en Région Sud (PACA), en Lorraine et Alsace (avec la fermeture de Fessenheim et de Saint-Avold) ou encore autour de Gardanne, dans le Sud. Reste la question de la Bretagne, qui est la seule région où RTE préconise clairement un maintien en service de la centrale de Cordemais.
Cependant, RTE préconise également d’étendre le dispositif EcoWatt qui vise à lancer un appel citoyen à la réduction de consommation, ou au décalage de cette consommation, lors des périodes de pointe et donc de grand froid. Le gestionnaire du réseau rappelle en effet que même si cet appel via des messages textes sur téléphone ou tablette ne joue que « marginalement », puisque les consommateurs ne sont pas contraints de réduire leur demande, quand l’appel à la pointe est de 100 GW, 1% de baisse de demande représente quand même 1 000 MW… ce qui est loin d’être négligeable. Cela constitue également la « fameuse situation de vigilance sur la période 2022-2024 ».
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