Au cours des prochaines décennies, la transition vers les énergies renouvelables et la numérisation des économies va provoquer une augmentation drastique de la demande en matières premières critiques. Le lithium par exemple, devrait voir sa demande mondiale multipliée par 89 d’ici 2050. Quant aux terres rares, la demande européenne devrait être multipliée par six à sept d’ici la même échéance. L’Europe est fortement dépendante des importations pour s’approvisionner, et ces matières premières proviennent souvent de fournisseurs d’un pays tiers en situation de quasi-monopole. Face à cette situation, la Commission européenne propose un règlement afin de garantir un approvisionnement sûr, diversifié, abordable et durable en matières premières critiques. Avant son entrée en vigueur, il devra être approuvé par le parlement européen et le Conseil de l’Union européenne.
En annexe de ce texte, une liste de matières premières critiques a été mise à jour, de même qu’une autre relative à celles dites stratégiques. Ces dernières ont la particularité d’être essentielles pour les ambitions écologiques et numériques de l’Europe ainsi que pour des applications spatiales et de défense, mais leur approvisionnement futur n’est pas sûr. Ce nouveau règlement prévoit ensuite des objectifs chiffrés pour réduire les importations. Ainsi, à l’horizon 2030, l’extraction devra permettre à l’Europe de produire au moins 10 % de sa consommation annuelle, et le recyclage, 15 %. La transformation des matières premières critiques effectuée sur le territoire européen devra aussi représenter au minimum 40 % de la consommation annuelle.
Les États membres devront mettre en œuvre des mesures nationales visant à améliorer la collecte des déchets riches en matières premières critiques et à garantir leur recyclage. Ils devront également étudier les possibilités de récupération de ces matières provenant de déchets d’extraction des activités minières actuelles, mais aussi d’anciens sites miniers. Les produits contenant des aimants permanents, utilisés notamment dans les éoliennes ou les véhicules électriques, devront satisfaire aux exigences en matière de circularité et être accompagnés d’informations sur leur recyclabilité et leur teneur en matières recyclées.
97 % de l’approvisionnement en magnésium provient de Chine
Un autre point important concerne la dépendance vis-à-vis de pays fournisseurs. En 2030, la consommation annuelle de l’Union de chaque matière première stratégique ne devra pas provenir à plus de 65 % d’un seul pays tiers, et ce, quel que soit le stade de transformation. Il faut savoir qu’actuellement, l’UE achète 97 % de son magnésium en Chine et les terres rares lourdes, utilisées dans les aimants permanents, sont exclusivement raffinées dans ce pays.
La commission met aussi l’accent sur la nécessité de consolider les chaînes d’approvisionnement européennes. Pour cela, elle souhaite réduire la charge administrative et simplifier les procédures d’autorisation des projets liés aux matières premières critiques. Les projets stratégiques sélectionnés bénéficieront en plus d’un soutien pour l’accès au financement et les délais d’autorisation seront raccourcis : 2 ans pour les permis d’extraction et 1 an pour les permis de traitement et de recyclage. Par ailleurs, les États membres devront élaborer des programmes nationaux d’exploration des ressources géologiques.
Pour atténuer les risques liés à l’approvisionnement, le texte prévoit un suivi des chaînes d’approvisionnement en matières premières critiques et la coordination des stocks de matières premières stratégiques entre les États membres. Certaines grandes entreprises devront notamment réaliser un audit de leurs chaînes d’approvisionnement en matières premières stratégiques, celui-ci comportant un test de résistance à l’échelle de l’entreprise.
Créer un club des matières premières critiques au niveau international
Il est aussi question d’investir dans la recherche, l’innovation et les compétences. Le déploiement de technologies de pointe devra être renforcé et une académie des matières premières va être créée pour promouvoir la montée en compétences de la main-d’œuvre travaillant dans les chaînes d’approvisionnement. La protection de l’environnement est aussi inscrite dans ce texte, avec notamment une demande d’accroître la circularité et la durabilité des matières premières critiques.
Étant donné que l’Europe ne couvrira jamais ses propres besoins et qu’elle continuera de dépendre des importations pour la majeure partie de sa consommation, ce nouveau règlement prévoit de développer des actions commerciales sur le plan international. Il est par exemple prévu de créer un club des matières premières critiques avec tous les pays partageant les mêmes valeurs et ceux désireux améliorer les chaînes d’approvisionnement mondiales. Un autre point concerne le renforcement du rôle de l’OMC, avec la volonté d’élargir son réseau d’accords de facilitation des investissements durables et de libre-échange, mais aussi d’insister davantage sur l’application de la législation pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales.
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