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Décryptage

RTE pousse Hulot à reporter la baisse du nucléaire

Posté le par Matthieu Combe dans Énergie

RTE a publié le 7 novembre son Bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande d’électricité en France entre l'hiver 2017 et 2035. Ses conclusions poussent le Ministre Nicolas Hulot à reporter la réduction de la part du nucléaire de 75 % à 50 % de 2025 à 2030, voire plus probablement 2035.

Nicolas Hulot avait évoqué cet été la possible fermeture de «jusqu’à dix-sept» réacteurs nucléaires pour respecter l’objectif de la loi de transition énergétique française. Mais RTE est en charge de vérifier l’adéquation des objectifs de transition énergétique avec le réseau électrique français. Et le rapport du gestionnaire du réseau de transport d’électricité est formel: il n’est pas possible de réduire la part à 50 % en 2025 tout en fermant les centrales à charbon et en baissant les émissions de gaz à effet de serre.

Premier enseignement du rapport : les marges de manoeuvre seront très faibles cet hiver et ce jusqu’en 2020. RTE n’écarte pas la possibilité de procéder à des coupures d’électricité en cas de froid intense.

La fermeture des centrales au fioul françaises qui servaient de moyens de pointe en hiver ne sera pas compensée avant 2020. À cet horizon, les marges hivernales augmenteront grâce aux économies d’énergie, aux nouveaux parcs éoliens offshore, à une nouvelle centrale au gaz et à trois nouvelles interconnexions avec l’Angleterre et l’Italie, note RTE.

Réduire le nucléaire ou baisser les émissions de CO2?

Les marges nouvellement gagnées permettront alors soit de fermer les centrales à charbon soit les quatre réacteurs nucléaires atteignant 40 ans de fonctionnement. Mais «ces deux mesures ne peuvent être engagées conjointement», met en garde RTE. Cela sera donc soit les centrales à charbon, soit quatre réacteurs nucléaires. Et vu que le Plan Climat de Nicolas Hulot présenté en juillet prévoit la fin de la production électrique à partir de charbon d’ici 2022, le ministre peut difficilement repousser cette date.

Pour réduire la part du nucléaire à 50 % d’ici 2025, il faudrait fermer «de l’ordre de vingt-quatre» réacteurs nucléaire de 900 MW, estime RTE. Outre le maintien des centrales à charbon, il faudrait passer de 11,7 gigawatts (GW) d’éolien terrestre en 2016 à 30 GW en 2025 et de 6,7 GW de photovoltaïque à 24 GW. Et construire 11 GW de nouvelles centrales au gaz. Le mix électrique présenterait ainsi une part de 50 % de nucléaire, 34 % d’énergies renouvelables et 16 % de thermique contre 9 % en 2016. Mais dans ce scénario, les émissions de CO2 du système électrique français doubleraient, passant de 22 millions de tonnes (Mt) à 42 Mt en 2025.

Nicolas Hulot ne veut pas renier les engagements climatiques. Son Plan climat prévoit aussi la neutralité carbone en 2050.Il a donc décidé de repousser l’objectif hérité du précédent quinquennat. Le ministre promet toutefois que l’objectif de 50 % ne passera pas à la trappe. Il se donne quelques mois pour définir une «date réaliste». C’est-à-dire une date qui évite de devoir «relancer la production d’électricité à base d’énergies fossiles» sur la base des travaux de RTE.

Quel est le scénario réaliste pour RTE ?

En plus du scénario pour 2025, RTE en a établi quatre autres jusqu’en 2035. Le scénario le moins émetteur envisage de réduire les émissions à 9 Mt à cet horizon. Si la part du nucléaire reste dans ce cas à 56 % en 2035, l’objectif de 40 % d’énergies renouvelables dans le mix électrique serait en revanche respecté. Le scénario le plus ambitieux pour la réduction de la part du nucléaire qui atteindrait 11% en 2035 est aussi le plus émetteur : 32 Mt. Si ce scénario prévoit 52 GW d’éolien terrestre, 48 GW de photovoltaïque, il nécessiterait aussi 21 GW de nouvelles centrales au gaz.

Deux scénarios prévoient d’atteindre l’objectif des 50% de nucléaire en 2030 et conduisent à des émissions de CO2 comprises entre 12 et 19 Mt en 2035. Ils entérinent tous deux la fermeture des centrales au charbon. C’est sans doute le scénario le moins émetteur qui devrait retenir l’attention du ministre. Il ne demande pas de nouvelles centrales au gaz (contre 10 GW pour le scénario à 19 Mt) et mise sur 52 GW d’éolien et 48 GW de photovoltaïque.

Par Matthieu Combe, journaliste scientifique

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