Parmi les études internationales sur les risques de computérisation des différents métiers (remplacement de la main d’oeuvre humaine par des machines, robots ou ordinateurs), celles des chercheurs britanniques Carl Bendikt Frey et Michael A.Osbourne, The future of employment : How susceptible are jobs to computerisation ?, qu’ils publient maintenant régulièrement depuis 2013, sont les plus fameuses et les plus commentées. Elles scannent quelque 700 métiers et les classent par ordre de risque de disparition dans les 20 ans à venir. Mais ces études révèlent aussi les limites de l’exercice : la transposition est souvent hasardeuse tant le marché du travail peut être différent entre les Etats-Unis et la France, elles ne dévoilent pas forcément de scoops (qui ne pourrait pas parier que les postes d’encaissement et de guichets sont menacés quand c’est déjà le cas depuis plusieurs années – caisses automatiques des supermarchés, guichets automatiques à la Poste, dans les gares, dans les banques etc.).
Le COE scanne le risque pour la France
Soulignant que le diagnostic réaliste est crucial pour établir des politiques publiques et qu’il convient de comprendre si “les changements vont être lents ou brutaux, mineurs, majeurs et concentrés ou non sur certaines compétences, certaines zones géographiques ou certaines catégories d’emploi”, le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) a commandité une étude dont le rapport est paru en janvier 2017.
Cette étude montre que :
- « moins de 10% des emplois existants présentent un cumul de vulnérabilités susceptibles de menacer leur existence dans un contexte d’automatisation et de numérisation;
- mais la moitié des emplois existants est susceptible d’évoluer, dans leur contenu, de façon significative à très importante;
- le progrès technologique continuerait à favoriser plutôt l’emploi qualifié et très qualifié: parmi les emplois susceptibles d’être vulnérables, les métiers surreprésentés, en volume ou au regard de leur part dans l’emploi total, sont souvent des métiers pas ou peu qualifiés ».
L’essai ne vaut pas transformation
Beaucoup d’articles de presse s’emparent du sujet et mettent en avant des métiers comme étant amené à disparaître sous peu : que ce soit des camionneurs, des interprètes ou des comptables. Mais le COE insiste sur ce point : la possibilité d’automatiser ou de remplacer un travailleur par une machine ne signifie pas que cela va être le cas. Il y a d’autres paramètres qui entrent en ligne de compte : des freins économiques à l’investissement, des freins culturels et sociaux. Ensuite, la vitesse à laquelle se fera le changement est souvent imprévisible selon les évolutions technologiques. Aussi, l’impact réel sur le travail en volume, en localisation reste un exercice périlleux. La seule certitude c’est que les innovations en matière de robotisation et d’intelligence artificielle change la façon de produire et vont changer la place de l’homme. Ceci dit, c’est déjà le cas depuis les années 1980-1990.
Tâches vs. métiers
L’approche du COE s’est faite par un recueil d’études de postes avec une analyse du travail réel, plus le poste demande au travailleur de savoir s’adapter, d’être multitâches et moins il est vulnérable. Plus le poste consiste à suivre des tâches routinières, sans interruption et conformes aux prescriptions plus il est vulnérable. Les auteurs font remarquer qu’il est difficile de parler de “métier” car le contenu réel d’un poste de secrétaire par exemple est très différent d’une entreprise à l’autre, d’un secteur à l’autre et pourra selon les cas être plus ou moins automatisable. Il est donc plus pertinent d’analyser quelles tâches la computerisation peut concerner plus que les métiers en eux-mêmes. Reste que pour les sociétés et les individus, le plus grand défi est peut-être celui de la formation, car ce sont les métiers les moins qualifiés qui sont les plus menacés, c’est donc une population déjà vulnérable qui le devient encore plus.
Sophie Hoguin
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