La valorisation des déchets s’opérant en centre de tri ou de compostage, il est nécessaire de distinguer les risques spécifiques à chacun de ces lieux.
Les activités d’un centre de tri génèrent l’émission de bioaérosols en grandes quantités. Ces fines poussières en suspension dans l’air sont chargées de micro-organismes, en particulier des moisissures appartenant pour la plupart aux genres Aspergillus et Penicillium, des bactéries Gram-négatif et des actinomycètes. Le niveau de concentration en micro-organismes dans l’air varie suivant la filière et les rythmes de collecte (degré de maturation des déchets). Il varie également avec le lieu géographique et la saison puisque température et humidité influencent largement la croissance des bactéries et moisissures présentes dès la mise au rebut.L’exposition aiguë ou chronique à ces bioaérosols peut être à l’origine de pathologies respiratoires diverses : syndrome toxique des poussières organiques, rhinite, asthme, pneumopathie d’hypersensibilité et ses complications. Les symptômes de rhinite et asthme peuvent varier en fonction de l’activité professionnelle avec disparition ou amélioration durant les jours de repos. Les effets des constituants de paroi tels les endotoxines des bactéries Gram-négatif ou les bêta glucanes des moisissures viennent s’ajouter à ceux d’autres nuisances également présentes : particules des moteurs diesels, gaz d’échappement, poussières minérales…Les risques biologiques liés au traitement des déchets vont donc bien au-delà du risque d’infection d’une blessure mal prise en charge et du risque de contamination virale après piqûre par aiguille retrouvée sur le tapis de tri (toxicomanie, traitement auto-administré…).
En 2007, environ 700 plates-formes ont été recensées. La fermentation aérobie due à la flore microbienne présente dans les déchets génère des risques chimiques : composés organiques volatils (COV), gaz divers et poussières, mais aussi des risques biologiques avec là-aussi des niveaux élevés d’exposition aux agents biologiques (actinomycètes, Aspergillus…) et leurs produits (endotoxines…). Les médecins relèvent un excès de symptômes d’inflammation et d’irritation des voies aériennes, des yeux ou de la peau.
Pour des raisons techniques, la quantification de l’exposition n’est pas une pratique courante quel que soit le secteur d’activité. Mais il faut savoir que dans l’atmosphère des cabines de tri, les concentrations en bactéries cultivables (de 10.000 à 1.000.000 UFC/m³) sont généralement 10 à 100 fois plus élevées que le niveau moyen relevé à l’extérieur (1.000 UFC/m³). Certes, il n’existe pas de valeur limite réglementaire pour l’exposition aux micro-organismes mais des valeurs guides sont proposées dans la littérature : 10.000 UFC/m³ pour les bactéries totales, 1.000 UFC/m³ pour les seules bactéries Gram-négatif et 200 UE/m³ pour les endotoxines.Qu’il s’agisse d’un centre de tri ou de compostage, la prévention est avant tout collective :
- conception et aménagement des locaux, des engins et machines, des conteneurs… ;
- ventilation des milieux de travail ;
- …
et organisationnelle :
- réduction de la charge physique pour limiter la fréquence respiratoire, limitation du nombre de personnes exposées ;
- …
En complément, la prévention des risques biologiques qu’ils soient de type infectieux, toxiniques ou immunoallergiques associe des mesures d’hygiène impliquant à la fois l’employeur (mise à disposition et entretien des équipements et installations nécessaires, information et formation des travailleurs) et chaque travailleur (port d’une tenue de travail, lavage des mains, douche en fin de poste…).Aucune vaccination obligatoire n’est prévue pour ces salariés (cf. article Les vaccinations sont-elles obligatoires dans un contexte professionnel ?), cependant la vaccination antitétanique est indispensable. Suite à une évaluation spécifique à chaque site, d’autres vaccins peuvent être recommandés par le médecin du travail.
Tout événement inhabituel (accident, syndrome toxique des poussières organiques…) survenant pendant et sur le lieu du travail doit être déclaré en accident du travail par l’employeur. Une conduite à tenir doit être affichée afin que toute blessure avec une aiguille puisse bénéficier très rapidement de la mise en place d’un suivi sérologique spécifique.Travailler dans le secteur des déchets peut ouvrir droit à la prise en charge au titre des maladies professionnelles d’un certain nombre de maladies, telles la leptospirose (tableau de maladie professionnelle n° 19), les hépatites virales (T n° 45), certains asthmes ou rhinites (T n° 66), les pneumopathies d’hypersensibilité (T n° 66 bis), si les conditions inscrites au tableau sont remplies.Le traitement des déchets est un secteur professionnel très accidentogène et la gestion des risques biologiques n’est pas perçue comme prioritaire malgré les conséquences possibles sur la fonction respiratoire. Une prévention intégrée dès la conception des installations et un respect strict des règles d’hygiène permettent de réduire ces risques.Colette Le Bâcle, Conseiller médical en santé au travail, INRS département Etudes et Assistance Médicales
- Déchets et risques professionnels. Edition INRS (2008) (cf. http://www.inrs.fr/dossiers/dechets.html)
- Guide électronique des tableaux des maladies professionnelles. INRS, 2007 (http://www.inrs.fr/mp)
- Fiche Endotoxines dans la base Metropol sur http://www.inrs.fr/metropol
- La chaîne de transmission : « fil rouge » de l’évaluation et de la prévention des risques biologiques
- Les vaccinations sont-elles obligatoires dans un contexte professionnel ?
- Quelle protection respiratoire contre les risques d’inhalation d’agents biologiques ?
- Attention à la contamination des fluides de coupe aqueux
- Glossaire des risques biologiques
Cet article se trouve dans le dossier :
Comment gérer les risques biologiques en milieu professionnel ?
- Quelle protection respiratoire contre les risques d’inhalation d'agents biologiques ?
- Risques respiratoires pour les professionnels de la valorisation des déchets ménagers
- Glossaire des risques biologiques
- Attention à la contamination des fluides de coupe aqueux
- Les vaccinations sont-elles obligatoires dans un contexte professionnel ?
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