Cette semaine dans la revue du Web :
- Les larmes de verre, ou larmes bataviques, équilibre étonnant entre solidité et fragilité poussée à l’extrême ;
- Un serpent robotique qui s’enroule, qui s’accroche, et qui fait le tire-bouchon, mis au point par les chercheurs de l’université de Carnegie Mellon ;
- Dustin Kleckner et William T. M. Irvine sont parvenus à créer des nœuds tourbillonnaires en laboratoire ;
- Le gadget (inutile ?) de la semaine : un hybride de voiturette de golf et d’aéroglisseur ;
- Enfin, en bonus : tester le pouvoir de résolution des avions et des satellites.
Bonjour tristesse : les larmes bataviques
Ce secret, ce « tour de magie » scientifique est connu depuis près de 400 ans maintenant mais n’a rien perdu de sa beauté ni de son pouvoir de fascination : débutons cette quarante-deuxième Revue du Web avec un grand classique et une curiosité à la fois scientifique et historique, les larmes bataviques. Les larmes de verre – ou larmes bataviques – auraient vu le jour, contrairement à la croyance populaire, dans le Mecklembourg, une région de l’Allemagne septentrionale, et non dans la Hollande qui lui a pourtant légué son nom.
Les larmes bataviques, aussi baptisées Prince Rupert’s Drops – en hommage au prince Rupert qui, le premier, les présenta devant le roi d’Angleterre Charles II en 1660 – sont composées de deux parties bien distinctes : la tête de la larme, de forme ovoïde, ainsi qu’une pointe fine et très déliée, la « queue » de la larme de verre. Leur réalisation est très simple puisqu’il suffit de faire tomber des gouttes de verre fondu dans de l’eau froide, gouttes de verre qui se solidifient brusquement et se figent dans cette forme particulière.
Ce qui nous intéresse ici, c’est qu’elles ont le bon goût de pouvoir résister vaillamment à l’assaut d’un marteau sur leur partie « charnue », bien qu’elles ne puissent souffrir le moindre petit choc sur leur queue. Cette caractéristique spectaculaire est due au changement brutal de température que subissent les gouttes de verre fondu en tombant dans l’eau froide.
Alors que la partie extérieure de la goutte se refroidit subitement au contact de l’eau, la partie intérieure est, elle, encore en fusion. En se refroidissant, le verre de la partie charnue se contracte et accumule une tension formidable, lui permettant de résister aux pressions extérieures. Pourtant, il suffit de rompre l’équilibre de l’ensemble au niveau de la queue pour que toutes les tensions se libèrent d’un seul coup, pulvérisant alors notre larme batavique.
Un « serpent » robotique pour le moins affectueux
Les chercheurs de l’université de Carnegie Mellon, en Pennsylvanie, ont développé dans leur laboratoire un serpent robotique capable de s’enrouler autour d’objets divers et variés. Le laboratoire de bio-robotique de l’université américaine a publié il y a peu une vidéo du serpent modulaire sur son compte youtube, montrant la capacité de son poulain à s’accrocher dans un premier temps, puis à se verrouiller consciencieusement autour de sa cible, comme pour sécuriser sa prise, rappelant un boa constrictor en train de serrer une proie.
Le laboratoire de bio-robotique est loin d’être novice en matière de développement de serpents modulaires, travaillant sur des prototypes de robots depuis maintenant plusieurs années afin de reproduire au mieux les mouvements naturels de ces reptiles.
L’idée de départ était de créer un robot capable de se faufiler dans des espaces étroits, pour effectuer des missions de reconnaissance tout aussi bien que des missions de sauvetage. Les chercheurs ont également pourvu leur serpent robotique de mouvements qui ne sont pas propres aux serpents, comme le « tire-bouchon », permettant au reptile de grimper à l’intérieur d’un tuyau ou d’une canalisation en effectuant un mouvement hélicoïdal rappelant celui de l’outil du sommelier.
Il serait par contre impossible de s’en servir afin d’étrangler un petit animal ou un être humain, les concepteurs garantissant que leur serpent déploie juste assez de force pour s’accrocher et se maintenir perché.
Créer des nœuds tourbillonnaires en laboratoire
Dustin Kleckner et William T. M. Irvine, physiciens officiant à l’université de Chicago, sont parvenus à créer un nœud tourbillonnaire dans leur laboratoire, une première mondiale qu’ils ont décrit le mois dernier dans un article paru dans la revue scientifique Nature Physics.
Les tourbillons se forment naturellement dans les liquides, les gaz ou les plasmas, mais les nœuds tourbillonnaires – dont l’existence avait été suggérée il y a de cela près d’un siècle – n’existaient jusqu’ici qu’en théorie, et aucun n’avaient encore pu être observés. On suppose que ces nœuds tourbillonnaires existent au cœur des étoiles à neutrons ainsi que dans le plasma solaire.
Après avoir essuyé une longue série d’échecs inspirés par les anneaux de bulles d’air créés par les dauphins (qui sont des anneaux dits de vorticité), les deux physiciens américains se sont orientés vers une structure créée à l’aide d’une imprimante 3D qui, une fois accélérée de manière brusque et sèche dans l’eau, donnent naissance au Saint-Graal du nœud tourbillonnaire.
Les chercheurs ont enregistré le résultat grâce à une caméra filmant à très grande vitesse, afin d’étudier plus avant l’évolution et le comportement de ces nœuds en laboratoire. Le nœud tourbillonnaire est visible dans la vidéo qui suit, avec en bonus une seconde vidéo de dauphins jouant avec leurs fameux anneaux de bulles d’air.
Le gadget (inutile ?) de la semaine : un hybride de voiturette de golf et d’aéroglisseur
Pour conclure en beauté cette quarante-deuxième Revue du Web, jetons un œil à la folie mégalomaniaque qui devrait accompagner désormais le golfeur professionnel américain Bubba Watson, sans conteste notre gadget (inutile ?) de la semaine : la voiturette de golf la plus tendance du moment, hybride hype de la molle « golfette » et d’un aéroglisseur.
Dans l’imaginaire collectif, la voiturette de golf n’est pas exactement l’incarnation absolue de la puissance virile, ni une porte ouverte vers de nouvelles aventures exotiques mâtinées d’épices chamarées – et on aurait probablement tort de ne pas suivre le mouvement. Pourtant, c’est bien une version modifiée – tunée ? – d’un aéroglisseur que le golfeur américain Bubba Watson chevauche gaillardement, offrant ses muscles au vent comme s’il venait de s’injecter une triple dose de testostérone. Oui, pas exactement.
Bien que l’information ait été révélée bien près du premier avril, il ne semble pas que l’on ait affaire à l’un de nos fumeux poissons. C’est le fabricant d’articles de sport Oakley qui est à l’origine de ce coup de pub, mais l’aéroglisseur n’est pas sorti des usines de l’équipementier américain : c’est une petite société basée à Terre Haute, dans l’Indiana, qui a fourni le bolide en modifiant légèrement sa copie. Neoteric n’est pas un nouveau-venu sur le marché des aéroglisseurs : la société américaine, fondée en 1960, possède une clientèle sérieuse répartie sur les cinq continents dans plus d’une cinquantaine de pays.
Si, épris d’une soudaine envie de grands espaces – et de golf – vous vous sentez pousser des ailes d’argent, il faudra alors vous délester de plus de 32 000 dollars pour acquérir l’un de ces petits bijoux. Le prix de la liberté.
Bonus : tester le pouvoir de résolution des avions et des satellites
En bonus de cette revue du web, voici quelques photos d’étranges motifs répétitifs que l’on peut trouver un peu partout aux États-Unis, tout particulièrement dans les déserts et près des aéroports, mais qui pourtant ont un usage bien précis. Pas de signes cabalistiques, de théorie du complot ou autres explications farfelues : ces dessins représentent la mire de résolution 1951 USAF, établie par l’US Air Force en 1951 et respectant les standards militaires de l’époque, le MIL-STD-150A, (qui n’est plus en vigueur depuis octobre 2006).
Le motif de la mire est constitué de plusieurs séries de trois barres parallèles, barres dont la taille décroit petit à petit. Il suffisait alors aux satellites ou aux avions américains de tarer leurs instruments optiques sur l’une de ces nombreuses mires, et le tour était joué. La limite du pouvoir de résolution est déterminée par la plus grosse des barres que l‘instrument optique ne peut discerner convenablement.
Par Moonzur Rahman