Les textiles intelligents ont le vent en poupe. Habillage, santé, cleantech, ameublement, géotextiles, agriculture sont quelques-uns des secteurs concernés. Demain, vos vêtements deviendront une nouvelle interface.
« L’avenir du vêtement est d’être l’interface entre la personne et l’environnement et le monde qui l’entoure. Ce sera l’interface entre son porteur et ses autres objets connectés, le web, le cloud, sa maison et même son avatar sur le web », analyse Bruno Mougin, responsable de projets du pôle de compétitivité Techtera. Dans les autres domaines, les textiles intelligents se développeront également.
Comment faire un textile connecté ?
Un textile est un matériau multicouche formé de fils qui s’entrecroisent. Chaque fil est lui-même formé de plusieurs fibres d’un ou plusieurs matériaux. Pour être connecté, un textile nécessite d’être équipé de plusieurs systèmes embarqués avec décision locale. En premier lieu, il requiert une source d’énergie. Elle est soit directement apportée par une pile ou une batterie, soit par un système de récupération local d’énergie (photovoltaïque, éolien, dynamo, etc.). Le textile intelligent demande également des capteurs qui permettent d’obtenir les informations désirées sur le porteur ou son environnement : rythme cardiaque, température…
Pour être fonctionnel, un textile connecté nécessite un actuateur. Ce dernier permet d’interagir avec le porteur et l’environnement. C’est par exemple un moteur qui change la forme du textile ou une LED qui modifie sa couleur. Un tel textile requiert également un microprocesseur doté d’un algorithme et d’une base de donnée permet le traitement du signal. Et parfois de la communication extérieure pour dialoguer avec un smartphone en bluetooth, un ordinateur ou le cloud. Enfin, pour relier les différents éléments précédents, il faut des systèmes de conduction et de transfert d’énergie ou de donnée et de la connectique.
« Dans une dizaine d’année, nous aurons des purs textiles électroniques par nature et non plus par ajout, projette Guillaume Tartare, chercheur du Laboratoire de recherche GEMTEX à l’école d’ingénieurs textile de Roubaix ( ENSAIT). Les futures ambitions du textile électronique est qu’il n’y ait plus de composants électroniques et que le textile lui-même devienne électronique ».
Des innovations dans les fibres
La tendance est au développement de fibres connectées. Par exemple, la startup grenobloise Primo1D développe le fil RDFID e-thread. Ce dernier intègre une puce RFID à l’intérieur du fil. Le projet européen PowerWeave développe de son côté un fil qui récolte et stocke l’énergie électrique dans sa matrice fibreuse. Il travaille sur la connexion entre des fibres batterie et des fibres photovoltaïques. L’objectif est de répondre au besoin d’une alimentation électrique facilement stockable et transportable. « Vous branchez quasiment votre téléphone à votre tee-shirt et c’est lui qui va recharger votre batterie », s’extasie Guillaume Tartare.
Beaucoup de travaux sont menés sur les différentes façons de récupérer l’énergie localement. Les chercheurs travaillent sur du photovoltaïque ou de l’éolien textile, sur de la récupération de chaleur sous forme d’énergie électrique. En revanche, ils peinent encore à obtenir de la production d’électricité stable. Ce qui reste encore le plus souvent incompatible avec l’utilisation de capteurs ou de microcontrôleurs. « Les chercheurs doivent trouver une méthode pour stocker cette énergie intermittente et la transformer », assure Guillaume Tartare. En attendant, la plupart des solutions commercialisées utilisent simplement des batteries rechargées sur le secteur.
Des innovations dans les procédés
Les procédés textiles évoluent également. Le défi est d’utiliser des fibres textiles pour produire directement des composants électroniques. L’entreprise allemande ZSK vend par exemple des machines qui intègrent des puces électroniques au moment de la broderie des tissus. La transition est déjà en marche. Il existe sur le marché des transistors textiles qui ne nécessitent aucun composant électroniques supplémentaire. « Simplement, c’est le textile qui devient transistor », précise Guillaume Tartare. Bientôt, les fibres embarqueront directement la donnée et il sera possible d’imprimer directement le capteur sur le textile. Les fibres deviennent intrinsèquement communicantes, la matière et le flux d’information sont complètement fusionnés.
Sur ce point, le projet P-tronics, mené par le CNRS et l’Université de Lorraine est particulièrement innovant. Grâce à des plastiques fonctionnels, il permet d’imprimer en 3D des capteurs flexibles, des actionneurs et des objets complets avec de l’électronique intégrée. « Cela permet par exemple d’imprimer des semelles connectées et des capteurs portables personnalisés », confie Mehdi Ammi, enseignant-chercheur au Laboratoire d’Informatique pour la Mécanique et les Sciences de l’Ingénieur (LIMSI-CNRS) de l’Université Paris-Saclay. Le laboratoire recherche activement un partenaire industriel en vue de transférer sa technologie.
Quel vêtement connecté aujourd’hui ?
Plusieurs textiles connectés sont déjà disponibles sur le marché. Si l’on se réduit au secteur de l’habillement, il y a par exemple la veste connectée de Levi’s et Google qui permet de contrôler quelques applications sur son smartphone en la touchant ou en la tapotant. Spinali design propose déjà des jeans et maillots de bain connectés. La fonction géo-localisation des jeans permet, par vibration sur le coté droit ou gauche, d’indiquer la direction à prendre lorsqu’un trajet est programmé. Les maillots de bain sont dotés d’un capteur qui mesure la dose d’UV au soleil et invite son utilisateur à mettre de la crème solaire.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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