Dans un contexte de développement durable visant notamment à épargner la ressource et économiser l’eau, la réutilisation des eaux grises est souvent évoquée.
L’utilisation des eaux grises traitées, qui consiste à récupérer et à collecter les eaux provenant des douches, baignoires, lavabos, lave-linge, et éventuellement de la cuisine, puis à les utiliser après traitement, n’est pas autorisée en France pour des usages domestiques. En 2011, la Direction générale de la santé a saisi l’Anses afin qu’elle évalue les risques sanitaires potentiels liés à la réutilisation des eaux grises pour des usages domestiques. Dans les avis et rapport qu’elle publie ce jour, l’Agence estime que la pratique de réutilisation des eaux grises dans l’habitat doit être encadrée, et ne doit être envisagée que pour des usages strictement limités, dans des environnements géographiques affectés durablement et de façon répétée par des pénuries d’eau. Par ailleurs, la population (résidents, utilisateurs occasionnels, professionnels) doit être informée et formée aux conditions d’utilisations nécessaires pour minimiser les risques associés à la présence d’un réseau d’eau non potable dans le bâtiment.
Dans un contexte de développement durable, la réutilisation des eaux grises en milieu domestique est souvent évoquée afin d’épargner la ressource en eau et réduire la consommation d’eau potable. Depuis quelques années, l’intérêt porté à cette pratique s’est accru et certains pays comme l’Australie, les États-Unis, Israël et le Japon se sont tournés vers ces ressources complémentaires face à des situations de pénuries d’eau douce.
En 2011, l’Anses a été saisie par la Direction générale de la santé, pour évaluer les risques sanitaires liés à la réutilisation d’eaux grises pour des usages domestiques, pratique qui n’est actuellement pas autorisée en France. L’avis et le rapport d’expertise publiés ce jour définissent des critères de qualité microbiologiques et physico-chimiques des eaux grises traitées pour certains usages domestiques et recommandent des mesures de prévention à mettre en œuvre.
Risques sanitaires liés aux différents usages des eaux grises : chaque projet constitue un cas particulier
Les eaux grises (ou eaux ménagères) brutes sont des eaux issues des douches, des baignoires, des lavabos, des lave-linge, des éviers et des lave-vaisselle. Le travail mené par les experts de l’Anses montre qu’à ce jour, les données disponibles sont insuffisantes pour caractériser de manière rigoureuse et exhaustive les dangers liés aux différents contaminants physico-chimiques et microbiologiques des eaux grises, et les niveaux d’exposition liés aux différents usages, applicables à toutes les situations.
Les eaux grises contiennent des matières particulaires et organiques, et sont contaminées par des micro-organismes dont des pathogènes et des contaminants physico-chimiques issus notamment du lavage des mains, des produits d’hygiène corporelle et cosmétiques, des produits d’entretien de la maison, du lavage des surfaces et du lavage du linge. Compte tenu de leurs caractéristiques, les eaux grises brutes ne peuvent être réutilisées pour des usages domestiques sans un traitement préalable. Ainsi, la réutilisation des eaux grises nécessite des étapes de traitement, de transport et de stockage à maitriser.
Par ailleurs, l’utilisation d’eaux grises traitées dans l’habitat nécessite l’installation d’un réseau distinct du réseau de distribution d’eau destinée à la consommation humaine (EDCH) et les retours d’expériences mettent en évidence le fait que la présence d’un réseau d’eau non potable à l’intérieur de l’habitat constitue une source majeure de risque. En effet, l’interconnexion entre le réseau d’EDCH et celui véhiculant les eaux grises, peut entraîner une contamination du réseau public de distribution de l’EDCH, la rendant non conforme à la réglementation en vigueur et susceptible d’entraîner des effets sur la santé des consommateurs.
Les recommandations de l’Agence
L’Anses estime qu’une réutilisation des eaux grises dans l’habitat ne doit être envisagée que pour des usages strictement limités, dans des environnements géographiques affectés durablement et de façon répétée par des pénuries d’eau.
Sous réserve de la mise en œuvre d’un traitement et de mesures de gestion du risque appropriées, les eaux grises traitées peuvent être adaptées à trois usages en milieu domestique, si elles répondent à des critères de qualité précis au point d’usage :
- l’alimentation de la chasse d’eau des toilettes,
- l’arrosage des espaces verts (excluant potagers et usages agricoles),
- le lavage des surfaces extérieures sans génération d’aérosols (sans utilisation de nettoyeur à haute pression). Toutefois, dans ce cas l’ajout de produits d’entretien dans les eaux grises traitées est déconseillé.
Dans ces conditions, un encadrement réglementaire des conditions de recueil, de stockage et de traitement des eaux grises brutes est nécessaire pour permettre de réduire les risques sanitaires pour les personnes exposées.
Au vu du manque de données nécessaires pour conduire une évaluation des risques sanitaires liés aux différents usages des eaux grises traitées, l’Anses recommande que chaque projet de réutilisation d’eaux grises brutes dans l’habitat fasse l’objet d’une démarche systématique d’analyse des risques, afin de s’assurer que les bénéfices sont supérieurs aux risques pour la santé des occupants et des travailleurs amenés à utiliser des eaux grises traitées dans l’habitat.
L’Agence recommande que les décideurs, particuliers, copropriétaires, élus, etc. soient informés des possibles impacts sanitaires, environnementaux et économiques de l’opération de réutilisation des eaux grises.
De surcroît, l’adjonction d’un réseau d’eaux grises peut également engendrer des risques sanitaires pour les utilisateurs et/ou les occupants des immeubles, qu’ils soient liés à l’installation, à l’exploitation et à l’entretien du réseau, ou liés à la qualité de l’eau transportée. La traçabilité est donc primordiale pour garantir la sécurité sanitaire au cours du temps et éviter toute dérive.
Par ailleurs, la population (résidents, professionnels, utilisateurs occasionnels) doit être informée de l’existence d’un système de réutilisation des eaux grises traitées et sur les risques sanitaires éventuels. Elle doit également être formée aux conditions d’utilisations nécessaires pour minimiser les risques associés à la présence d’un réseau d’eau non potable. L’Anses propose en outre une série de recommandations pratiques à destination des professionnels intervenant sur les installations de réutilisation d’eaux grises.
Dans un contexte de développement durable visant notamment à épargner la ressource et économiser l’eau, l’Agence rappelle que l’eau, quels que soient ses usages, doit être utilisée de façon raisonnée.
Autres travaux de l’Agence
L’Anses a déjà produit plusieurs avis concernant la réutilisation des eaux usées traitées.
Par ailleurs, elle a été récemment saisie d’une demande d’expertise relative à la réutilisation des eaux de pluie.
Source : Anses
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