Le nucléaire au plus bas depuis 1988, l’hydroélectricité au plus bas depuis 1976, une consommation en baisse de seulement 1,7 %, un solde importateur net en électricité, un développement des énergies renouvelables pas assez rapide… L’année 2022 défraye la chronique, selon le dernier bilan de RTE.
L’actualité du système électrique français a été chargée en 2022 et le nouveau bilan qu’en a fait RTE mi-février confirme le caractère exceptionnel de ce qui s’est passé, et rien ne dit que 2023 sera très différente.
Le contexte n’est plus à rappeler : la crise géopolitique suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie a conduit à une tension sur l’approvisionnement en énergies fossiles, qui s’est répercutée sur les prix des produits pétroliers et du gaz, et ensuite sur les prix de l’électricité en Europe. Confrontés à une inflation générale, particuliers et entreprises ont dû revoir à la baisse leurs consommations, dans la lignée du plan de sobriété lancé par le Gouvernement. Comme le dit le président du directoire de RTE, Xavier Piechaczyk : « L’énergie est revenue au cœur des préoccupations des Français ».
Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité constate que cette baisse de consommation est de 1,7 % entre 2021 et 2022, puisqu’on est passé de 467 à 459 TWh (données corrigées du climat). La baisse est équivalente à celle connue en 2009 après le début de la crise financière. Rétrospectivement, la consommation de 2022 est 4,2 % plus faible que la moyenne de 2014-2019. La tendance sera-t-elle de long terme ? Rien ne permet de l’affirmer pour l’instant, même s’il est rassurant de voir que les industriels – plus rapidement soumis aux contraintes de prix – puis les secteurs résidentiels et tertiaires ont été ou se sont contraints à des efforts pendant le dernier trimestre 2022 : par rapport à la moyenne 2014-2019, la baisse de consommation a été de l’ordre de 9 % à ce moment-là (voir graphe).
Le nucléaire au plus bas depuis 1988
La production d’électricité a elle aussi vécu une année hors normes. Le roi nucléaire a été bien nu en 2022, avec sa plus faible production depuis 1988 ! En arrivant à 279 TWh, le parc nucléaire perd 82 TWh par rapport à 2021. Il est même 30 % en-dessous de sa moyenne de production sur les 20 dernières années. Le taux de disponibilité du parc a été seulement de 54 % contre 73 % en moyenne sur 2015-2019. Il est loin le temps où l’ex-PDG d’EDF, Henri Proglio, visait un taux de disponibilité durablement au-dessus de 80 %… Les causes de ces baisses (arrêts et planning des opérations de maintenance, contrôles suite aux phénomènes de corrosion sous contraintes de certaines tuyauteries) semblent peu à peu s’atténuer, mais EDF n’en a probablement pas encore fini de régler tous les problèmes.
L’autre filière qui a souffert en 2022 est celle de l’hydroélectricité. Avec une année chaude et sèche, sa production a tout juste frôlé les 50 TWh, son plus bas niveau depuis 1976, alors qu’elle avait dépassé 61 TW en 2021. Les exploitants de centrales hydroélectriques ont néanmoins réussi à gérer les réserves en eau, avec le concours de conditions météo favorables l’automne dernier, pour pouvoir maximiser la production pendant l’hiver.
Face à ces déficits, la production d’électricité des centrales à gaz a augmenté de plus de 11 TWh par rapport à 2021, pour atteindre 44,1 TWh. Paradoxalement, c’est au cœur de l’été, alors que les prix du gaz étaient les plus élevés, que ces centrales ont fonctionné le plus activement. Mais il fallait bien trouver une solution rapide au minimum historique que connaissait alors le parc nucléaire, avec seulement 21,7 GW disponibles le 28 août (65 % du parc était à l’arrêt).
Besoin d’accélérer les renouvelables
Du côté des autres énergies renouvelables, on constate une hausse des productions éolienne (37,5 TWh soit +0,7 TWh par rapport à 2021) et solaire photovoltaïque (18,6 TWh soit +4,4 TWh) en 2022. La première a bénéficié d’une hausse de 1,9 GW de son parc installé (dont le premier parc éolien en mer au large de Saint-Nazaire), mais a pâti d’un niveau de vent désavantageux, tandis que la seconde profitait de 2,6 GW nouvellement installés et d’un ensoleillement favorable. La dynamique en cours n’est cependant pas suffisante. Pour atteindre les objectifs 2023 de la programmation pluriannuelle de l’énergie, la France devrait installer 3,5 GW d’éolien terrestre et 4,4 GW de solaire photovoltaïque d’ici la fin de l’année. Des niveaux qui seraient quasiment à reconduire chaque année pour viser les objectifs 2028.
Au global, la production d’électricité en France a été de 445 TWh en 2022 soit 15 % de moins qu’en 2021. La France a donc dû importer plus (57 TWh), et comme elle a exporté moins (40,5 TWh), elle est importatrice nette pour la première fois depuis 1980. Le solde est de -16,5 TWh quand il était de +43,3 TWh en 2021. L’électricité a donc pesé dans la dégradation du solde commercial français, même si elle ne compte que pour 7 % des 115 milliards d’euros de la facture énergétique française en 2022, le reste étant dû aux importations de combustibles fossiles. Les importations d’électricité ont été particulièrement fortes l’été. Le solde est resté exportateur vers l’Italie (+17,9 TWh) et la Suisse (+12,1 TWh), mais est négatif avec l’Allemagne/Belgique (-27,4 tWh), la Grande-Bretagne (-9,9 TWh) et l’Espagne (-9,1 TWh).
Pour finir son tour d’horizon de 2022, RTE a signalé que les émissions de CO2 dues à la production d’électricité en France ont augmenté en atteignant 25 MtCO2. Certes plus qu’en 2021 (21,5 MtCO2), mais toujours moins qu’en 2016 et 2017 où les centrales à charbon étaient encore très actives. Néanmoins, si on prend en compte le solde net des flux d’échanges avec les autres pays, ce chiffre monte à plus de 37 MtCO2 (voir graphe).
2022 aura été stupéfiante à bien des égards. Attendons de voir ce que nous réserve 2023.
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