A l’heure de l’industrie 4.0, les entreprises recherchent davantage de performance. Xavier Gatine et Eric Duris reviennent sur les étapes de digitalisation d’une chaîne de production de l’usine SKF de Saint-Cyr-sur-Loire.
En plein déploiement de l’industrie du futur, la digitalisation des usines devient une nécessité pour les entreprises qui souhaitent rester compétitives. Pourtant, la méconnaissance des moyens à mettre en œuvre peut freiner certaines entreprises. Pour comprendre comment est réalisée la digitalisation d’une usine, nous avons rencontré Xavier Gatine, quality manager & Industry 4.0 à SKF, et Eric Duris, manager à Atos Consulting, une filiale de l’entreprise Atos spécialisée dans le déploiement de l’industrie 4.0 dans les entreprises. Tous deux ont travaillé sur la digitalisation d’une ligne de production de l’usine SKF de Saint-Cyr-sur-Loire, spécialisée dans le secteur automobile.
Pourquoi avoir voulu digitaliser votre ligne de production ?
Xavier Gatine (SKF) : Nous recherchions un gain de performance industrielle. Le but n’était pas forcément d’aller plus vite, mais d’améliorer la qualité du produit en faisant moins d’erreurs. L’automobile est un secteur très exigeant donc nous devons produire des pièces de qualité à destination de nos clients. En limitant la création de pièces rebutées et les arrêts de la ligne, nous créons plus de capacités de production et nous réduisons les réclamations.
Quelles ont été les étapes pour digitaliser la ligne de production ?
Eric Duris (Atos) : D’abord, nous sommes allés sur le terrain pour rencontrer les opérateurs. Nous avons parlé avec eux de temps de cycles, de taux et causes de rebut, de leurs besoins et de tous les problèmes qu’ils peuvent rencontrer. Puis nous avons défini les postes de travail sur lesquels il faudrait récupérer des données utiles, en fonction des éléments de connectivité et des capteurs présents. Nous avons ensuite branché une box pour remonter l’ensemble des datas récupérées par les capteurs et les envoyer dans le cloud. En partant de cette ligne physique, nous avons créé un jumeau numérique pour modéliser la ligne de production sur une plateforme informatique et nous avons mis en place des indicateurs de performance.
X.G. (SKF) : Atos nous a également mis en contact avec trois partenaires : Siemens pour la partie data machine, Picomto pour les data operator et Toucan Toco pour la visualisation des données. Picomto nous a accompagné afin de modifier nos formations et passer à des tutoriels vidéo, des explications à travers des photos suivies de check-lists pour vérifier que toutes les instructions ont été respectées. De son côté, Toucan Toco nous a permis de mettre en place une plateforme simple et interactive pour visualiser les données, de l’usine au complet jusqu’aux détails des machines. Nous avons ainsi gagné en ergonomie.
Quels sont les avantages pour l’entreprise ?
E.D. (Atos) : La solution digitale permet d’une part d’améliorer l’efficience des lignes de production mais aussi de redonner une responsabilité à l’opérateur. Aujourd’hui, les agents mettent des composants dans une machine automatique puis récupèrent le produit fini en fin de ligne. Grâce à la digitalisation, ils reprennent du pouvoir sur leur travail car ils suivent tout le fonctionnement de leur ligne via une tablette ou smartphone, et ils peuvent agir dessus en temps réel. Ensuite, la numérisation facilite le partage des informations. Dans les usines qui travaillent 24h/24, les opérateurs peuvent noter les événements de la journée, qui seront retrouvés rapidement par l’équipe suivante.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
X.G. (SKF) : De manière générale, le changement s’est fait facilement. Cependant, il faut trouver la bonne vitesse pour une digitalisation constante, sans être trop rapide. Nous devons bien prendre en compte nos capacités d’un point de vue matériel et réseau, mais aussi le temps de formation des employés pour qu’ils maîtrisent parfaitement les outils. Nous veillons donc à nous entourer de spécialistes de chaque domaine.
Comment le personnel a réagi à ces modifications dans leur manière de travailler ?
X.G. (SKF) : Cette digitalisation de ligne n’était pas notre première évolution pour s’approcher de l’industrie 4.0, donc notre personnel commence à être habitué. Nous avions sélectionné des employés-clé de différents secteurs de l’usine pour qu’ils réfléchissent ensemble à la création de nouveaux outils. Nous faisons aussi en sorte de bien former tout le personnel, et de leur présenter plusieurs fois par an nos nouvelles solutions. Nous souhaitons impliquer tout le monde dans ces changements dans le but de démystifier les nouvelles technologies et d’avoir des agents opérationnels.
E.D. (Atos) : La formation des opérateurs est primordiale pour qu’ils puissent s’approprier la solution et en aient le réflexe dans leur travail. Nous sommes partis d’un besoin métier en les interrogeant dès le début sur les problématiques qu’ils rencontraient donc la solution leur est directement destinée.
Comment garantir la sécurité des données créées par la digitalisation ?
X.G. (SKF) : Il est effectivement indispensable de travailler sur la cybersécurité dans le contexte de l’industrie du futur. Nous nous sommes associés à Siemens pour protéger nos données présentes sur le cloud. Concernant les data plus sensibles, nous ne les mettons tout simplement pas sur le cloud. Enfin, nous avons également une équipe IT qui s’en occupe, et à l’échelle du groupe SKF, une équipe est spécialisée en cybersécurité.
Quels peuvent être les freins à la digitalisation pour les entreprises ?
X.G. (SKF) : Aujourd’hui, énormément d’entreprises s’intéressent à la digitalisation car tout le monde recherche la performance. Elles peuvent néanmoins être freinées par le manque de lisibilité sur ce qu’elles sont aptes à transformer dans leur usine. Beaucoup ne connaissent pas les dimensions du 4.0. Pour les entreprises intéressées, il y a de nombreux moyens d’en apprendre plus grâce aux colloques et salons organisés à ce sujet. Elles peuvent ainsi voir les nouvelles solutions qui existent et rencontrer des entreprises qui relatent leur expérience. Enfin, si le coût peut être un frein, il faut aussi regarder le retour sur investissement qui peut être important grâce à l’augmentation du taux de rendement et à l’ouverture sur de nouveaux marchés. Les entreprises peuvent également se renseigner pour recevoir des aides, notamment des régions.
E.D. (Atos) : Si quelques entreprises n’arrivent pas à voir la valeur métier de ce travail de digitalisation, c’est parce que beaucoup confondent Big data et Smart data. Certaines entreprises ont mis en place des capteurs partout sur leurs machines, remontent des millions de données mais ne savent pas quoi en faire. A travers le smart data en revanche, nous remontons uniquement les données qui ont de la valeur. Pour la ligne de l’usine SKF, nous aurions pu sélectionner environ 300 points de données, mais nous n’en avons choisi que 25, nécessaires pour améliorer l’efficience de la ligne. S’associer à des spécialistes de la digitalisation est important pour accompagner la transition.
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