Il y a quelques mois, une pétition faisait grand bruit : l’affaire du siècle. Soutenue par des ONG et des personnalités publiques, elle est rapidement devenue la pétition la plus populaire de l’histoire française, réunissant à ce jour plus de deux millions de signatures. L’objet ? Assigner l’État français en justice pour “inaction climatique” et l’obliger à respecter ses engagements climatiques internationaux.
Devant le succès de cette entreprise populaire, le gouvernement a reçu, par l’intermédiaire de François de Rugy, une délégation de signataires il y a quelques semaines. Arguant que l’État français avait déjà entrepris des actions pour lutter contre le changement climatique, le Ministre de la transition énergétique n’a pas convaincu ses invités. Ces derniers ont mis en avant l’incapacité de l’État à prendre des décisions “à la hauteur de l’urgence écologique”.
La situation écologique mondiale est en effet décrite comme une bombe à retardement depuis plusieurs décennies. Il semble aujourd’hui que l’explosion soit en cours. Les espèces disparaissent à une vitesse jamais observée auparavant, les effets de la pollution et du réchauffement ont des conséquences que nous avions sous-estimées… Et pourtant l’État donne l’impression de mettre des pansements là où on aurait tendance à amputer.
Pourquoi ? En 2008, le monde a connu une crise financière sans précédent. Et force est de constater que les États, notamment la France sous l’impulsion du Président Sarkozy, ont réagi rapidement et massivement pour renflouer les banques les plus impactées, ceci afin d’éviter un krach encore plus catastrophique et, selon les termes de l’ancien Président français, pour sauver l’économie mondiale.
Le système économique mondial a été sauvé, mais la crise de 2008 a tout de même ruiné des millions de foyers, détruits des millions d’emplois et fragilisé des économies nationales durablement.
Court terme Vs long terme
Ainsi, la politique, c’est avoir une vision à long terme pour un pays, mais c’est aussi et surtout la gestion du court terme. Traduisons : on ne peut pas s’occuper de développement durable que si la santé économique du pays le permet.
Est-ce le cas en France ? Non. La crise des gilets jaunes a commencé après les annonces sur la hausse du carburant. Elle a empiré lorsque le gouvernement a proposé de subventionner – un peu – l’achat de véhicules électriques hors de prix.
Pourtant la France est un pays qui a une sensibilité écologique. Sans tomber dans l’analyse de comptoir, on imagine que la majorité des gilets jaunes pourrait être signataire de la pétition “l’affaire du siècle”.
Mais voilà, chez les gilets jaunes comme au gouvernement, la gestion du lendemain devient tellement problématique – pour des raisons économiques – qu’y ajouter des contraintes de durabilité et de long terme paraît presque démagogique. Et pourtant c’est l’équation qui nous est posée, Emmanuel Macron est le premier à le rappeler.
Prenons l’exemple de la RSE (Responsabilité sociale des entreprises). Mise en place pour améliorer les conditions de travail en entreprise, prendre en compte l’éthique, développer l’intérêt managérial…, la notion de RSE est aujourd’hui accolée à celle de développement durable. Ainsi la responsabilité de l’appréhension des conséquences écologiques d’une activité industrielle est passée de l’Etat vers les entreprises. Dernier acte de ce glissement, un article de la loi PACTE à venir, exigeant une modification de l’article 1833 du code civil, et qui pourrait préciser qu’ « une société doit être gérée dans son intérêt propre en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Alors, est-ce un désengagement de l’État ? Une responsabilisation des entreprises ?
Comme l’État, les entreprises obéissent à la contrainte – économique – du court terme.
Comme l’État, les entreprises doivent maintenir une croissance pour continuer se développer.
Une fois ces conditions remplies, il est temps de se pencher sur les conséquences de nos activités sur le long terme.
De fait, la mise en place de la RSE et son évolution visent à intégrer dans l’ADN du secteur privé la notion de préservation des ressources et plus globalement de développement durable. Ainsi, l’Etat n’ayant pas réussi à imposer à ses entreprises ni à lui-même une contrainte native de durabilité, il en transfère la responsabilité au secteur privé.
Plus de marge de manœuvre pour les entreprises
Comme dit plus haut, la manœuvre pourrait s’avérer payante, et il est évident que les entreprises doivent être partie prenante dans la problématique écologique. Elles ont également souvent un fonctionnement plus agile que les États.
La réalité économique s’impose aux États comme aux entreprises. Il en est de même pour la réalité écologique. Tout est question de temporalité.
Le secteur privé est aujourd’hui sur le devant de la scène pour s’emparer des questions de long terme. Et plus seulement pour une question d’image. Il est vital que cette prise en main soit un succès, car il est certain que la crise écologique, si elle n’est pas prise en compte, sera à l’origine d’une crise financière sans précédent. Mais à quel terme ?
Si cela se produit, les États et les entreprises seront impactés ensemble, au-delà de leurs responsabilités.
Cet article se trouve dans le dossier :
Une croissance économique durable est-elle réaliste ?
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- La durabilité à l’épreuve de l’économie
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