En 2002, au sommet de la Terre de Johannesburg, les États de l'Union européenne s’étaient engagés à stopper complètement la perte de biodiversité avant 2010 en Europe, et à reconstituer les ressources halieutiques d'ici 2015. L’échéance a été repoussée à 2020.
« 40 % de l’économie mondiale repose sur les services rendus par la nature. Or, ces services sont actuellement en déclin de 60 % », rappelle Alain Bougrain-Dubourg, Président de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO). Peut-on inverser la tendance ? Le respect de la biodiversité passe forcément par une volonté politique forte. Pour tenter de reconquérir cette biodiversité, la feuille de route de la transition écologique prévoit une loi-cadre biodiversité dont le projet doit être soumis au Parlement d’ici l’automne. Cette loi prévoit la création d’une agence nationale la biodiversité.
Mieux prendre en compte la biodiversité
Il faudrait comprendre que la biodiversité a valeur autant que le social et l’économie. Quelques exemples montrent que cette vision n’est pas encore adoptée. En ce qui concerne les ressources halieutiques, le cas du thon rouge est assez singulier. Vendu au grand marché du poisson de Tokyo, une femelle thon rouge de 224 kg a été vendue à 1,38 millions d’euros, soit plus 6 000 euros le kilo ! Avec de tels prix, le braconnage a de beaux jours devant lui et l’espèce sera pêchée jusqu’à son dernier représentant. Dans cette perspective, reconstituer les ressources halieutiques semble être compliqué.
Le cas des nitrates en Bretagne est aussi singulier. Depuis des années, Bruxelles menace la France de sanctions à cause de cette pollution. Les actions mises en œuvre n’ont pas été à la hauteur des enjeux et les amendes risquent aujourd’hui d’être salées. Pour compléter ce manque de vision, rappelons que les poules en batteries sont interdites depuis le 1er janvier 2012. Si les nouvelles contraintes étaient connues depuis 10 ans, les élevages ont essayé de décaler l’application de la réforme de quelques années, plutôt que de se préparer et provisionner les dépenses. Dommage pour eux, aucun délai n’a été accordé et les mises à jour ont été faites en urgence, entraînant une augmentation passagère du prix des œufs.
Prenons un dernier exemple d’actualité symptomatique : l’aéroport de Notre-Dame-Des-Landes. Des zones agricoles et d’intérêt écologique seront détruites pour laisser place à un aéroport dont la plupart des études montrent l’inutilité. Ce dossier est médiatisé en raison de l’emprise au sol de 340 hectares, l’équivalent de 500 terrains de football. Mais « il ressemble à tous les autres dossiers d’implantation qui consomment de l’espace », note Jean-Marc Michel, Directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature.
Ces quelques exemples peuvent à première vue être indépendants les uns des autres. Et pourtant, ils montrent que la biodiversité et l’environnement sont quasiment systématiquement opposés à l’économie par les hommes politiques et les entreprises. La biodiversité est toujours vue comme une contrainte dont il conviendrait de pouvoir s’affranchir. Une fois cette vision primaire dépassée, on s’aperçoit que le respect de l’environnement ne passe pas forcément par des actions coûteuses. Par exemple, « Plus de la moitié du territoire français est agricole, la manière dont on cultive impacte directement la biodiversité », rappelle Alain Bougrain-Dubourg. Si des efforts sont faits dans le cadre de la révision de la PAC, les objectifs sont loin d’être à la hauteur des enjeux.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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