L’INSEE vient de publier une étude statistique concernant les délocalisations et relocalisations opérées par les entreprises de plus de 50 employés, entre 2018 et 2020. D’après l’étude, les activités délocalisées tendent à être intensives en travail qualifié, contrairement aux activités relocalisées, intensives en travail peu qualifié.
En France, la réorganisation des entreprises à échelle internationale est un phénomène rare, puisqu’il ne concerne que 2,8 % des entreprises de plus de 50 employés, sur la période en question. Plusieurs facteurs peuvent alors motiver ces réorganisations : l’évolution des coûts de production, des tensions sur la supply chain, le risque de catastrophe naturelle, etc.
Délocaliser est plus complexe que relocaliser
Parmi ces 2,8 %, on compte 1,7 % de délocalisations et 1,2 % de relocalisations. Néanmoins, le plus intéressant n’est pas dans ces chiffres, mais dans la nature des emplois concernés, puisque l’étude nous apprend que les délocalisations impliquent plus d’emplois qualifiés et les relocalisations plus d’emplois peu qualifiés.
Pourquoi un tel constat ? D’une part, d’après l’INSEE, « réorganiser les chaînes de valeur de l’entreprise représente en effet une charge managériale supplémentaire, qui requiert plutôt des travailleurs qualifiés. » Par ailleurs, une délocalisation nécessite une part plus importante de profils qualifiés, car les entreprises qui font ce choix maîtrisent moins les pays où elles s’implantent.
D’autre part, l’étude souligne aussi la différence avec les délocalisations industrielles des années 1990 et 2000, qui concernaient pour majorité des emplois peu qualifiés. Enfin, le fait que les activités relocalisées en France soient plutôt peu qualifiées peut « refléter le rapatriement en France d’activités préalablement délocalisées ».
La réorganisation concerne essentiellement des tâches routinières
L’étude nous apprend également que ces réorganisations concernent essentiellement des « tâches routinières », un concept qui n’est d’ailleurs pas forcément synonyme de travail peu qualifié. La comptabilité est un bon exemple, car elle nécessite la manipulation simple d’informations, mais requiert aussi des qualifications.
Ces tâches routinières font ainsi l’objet de relocalisations ou de délocalisations pour une raison simple : elles sont simples à piloter à distance.
La Chine, parmi les régions les moins prisées en délocalisation
Avant le Covid, la Chine n’était déjà plus la destination n°1 des délocalisations françaises, elle est même derrière les USA, le Maghreb, l’Inde et surtout l’Europe. Pour quelle raison ? Tout simplement à cause des coûts de délocalisation, qui sont proportionnels à la distance, mais aussi des contraintes, notamment de décalage horaire.
Notons au passage que les pays les plus prisés en matière de délocalisation sont les pays de l’UE !
Qu’en est-il depuis la crise sanitaire ?
L’étude n’étant valable que pour la période 2018-2020, il faudra attendre les résultats de l’Enquête sur les chaînes d’activité mondiales 2023 (CA2023) pour avoir les détails sur la période 2021-2023. Néanmoins, bien que le champ de l’étude soit restreint à cette période, il est fort probable que les différentes crises qui se succèdent depuis la période Covid (tensions géopolitiques, crise des semi-conducteurs, crise énergétique, perturbation de la chaîne d’approvisionnement…) auront un impact sur les délocalisations et relocalisations.
Par ailleurs, de nouveaux facteurs liés au changement climatique et à l’empreinte carbone entreront très probablement en ligne de compte dans les années à venir. Si les problèmes de compétitivité que rencontrent actuellement les industriels, notamment à cause du coût de l’énergie, risquent de pousser les entreprises européennes à délocaliser, n’oublions pas que relocaliser les industries dans un pays au mix énergétique décarboné est aussi un moyen efficace de réduire l’empreinte carbone.
Cependant, parions que les industriels qui choisiront de miser sur l’économie circulaire auront naturellement tendance à relocaliser, puisque ce modèle implique nécessairement une production au plus près du consommateur.
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