Si les collectivités de grande taille ont les moyens de se lancer dans un programme de rénovation de leurs bâtiments publics, l’exercice est plus difficile pour les petites et moyennes communes. Une analyse sociologique récente permet de mieux comprendre les chemins de décision et pointe l’enjeu de l’accès à une ingénierie adaptée.
Plus gros consommateur d’énergie en France, le secteur du bâtiment est au premier plan pour mener à bien la transition énergétique. La rénovation des logements et bâtiments d’usage tertiaire est la priorité afin d’abaisser leur consommation d’énergie sur le long terme. L’État et les collectivités territoriales se doivent d’être exemplaires, mais la réalisation de travaux à grande échelle et au bon niveau de performance peine encore à se concrétiser. Des dispositifs d’incitation et de soutien existent pour les collectivités, comme celui des Certificats d’économie d’énergie, mais leur complexité exige un minimum de compétences pour les utiliser. Autant les grandes villes ont des moyens d’ingénierie, autant les autres en sont parfois dépourvues.
Une étude sociologique permet de mieux comprendre les schémas décisionnels dans ces petites et moyennes communes, afin de trouver des pistes d’amélioration. Réalisée sur un petit échantillon (37 entretiens dans 9 communes ayant réalisé des travaux de rénovation), l’étude est qualifiée par ses auteurs « d’exploratoire », mais n’en est pas moins éclairante sur la « boîte noire de la décision de rénovation interne aux communes ».
Diverses situations
En premier lieu, l’analyse du rapport des communes à la rénovation énergétique des bâtiments publics fait apparaître une typologie des attitudes, selon que l’énergie est un sujet secondaire ou majeur, et selon la plus ou moins grande considération du long terme dans le projet politique des élus : les indifférentes, les divergentes, les opportunistes et les engagées de la transition (cf. schéma). Ces quatre profils discernés par les auteurs ne correspondent en aucun cas à des tailles de ville ou à des couleurs politiques. Les communes peuvent d’ailleurs évoluer d’un profil à l’autre, car c’est un long parcours qui les amène à considérer l’enjeu de la rénovation, fait d’expériences dont certaines, par des biais réglementaires (plan énergie climat territorial) ou volontaires (dispositif Cit’ergie), sont considérées par les auteurs comme des « accélérateurs de maturation ». La diversité des situations vient aussi des jeux d’acteurs entre le maire, ses adjoints, les services techniques, des prestataires extérieurs, les utilisateurs des bâtiments, etc. Ces jeux, moins présents dans les petites communes où le maire est souvent seul, mais bien réel dans les communes moyennes, peuvent conduire à des choix peu favorables à la rénovation énergétique performante. Mais lorsque c’est le cas, le recours à des solutions d’ingénierie externe est nécessaire, vu les compétences et le temps nécessaires à la construction des projets (cf. encadré).
Difficile financement
Autre constat, lorsqu’un projet de rénovation est acté, il va dépendre de quatre dimensions pour rendre la performance bien réelle. En premier, le choix du bâtiment n’est pas toujours fait sur des considérations techniques optimales. Les enjeux politiques (valeur identitaire d’un lieu, engagements du maire dans son programme, etc.) sont tout aussi importants. Ceci explique en partie le choix prépondérant de rénovation des écoles. Deuxièmement, la chasse aux subventions est un véritable sport de combat pour construire un solide plan de financement. Dans le maquis des aides, les petites communes sont défavorisées pour tirer leur épingle du jeu. Mais dans tous les cas, le bouclage du dossier financier par un emprunt est l’ultime recours, les collectivités ayant peu de capacités d’emprunt et préférant l’autofinancement. Ensuite, les arbitrages opérés pendant la programmation et la réalisation des travaux peuvent conduire à modifier l’ambition de performance énergétique. Ceci est particulièrement vrai si le projet concerne un bâtiment occupé. La maîtrise de cet enjeu va dépendre du type de marché que la commune choisira pour la conduite du projet. Quatrième dimension, celle de « l’après-rénovation ». Une fois la rénovation finie, le projet n’est pas terminé : le suivi des consommations d’énergie, la vérification de l’atteinte des objectifs et du confort des usagers, etc. sont autant de nouvelles étapes à franchir pour faire d’une rénovation une réussite. Un bon retour d’expérience est l’occasion pour les élus et les services de la commune d’être mis en confiance pour se lancer dans d’autres actions.
Plusieurs dispositifs d’ingénierie
L’étude des auteurs est l’occasion de pointer plusieurs manières pour les communes d’aborder l’accès à un dispositif d’ingénierie externe. Dans leurs études de cas, ils en ont identifié cinq. Trois d’entre eux font partie de solutions de délégation, où la maîtrise d’ouvrage est déléguée soit auprès d’une société publique locale dont les collectivités sont actionnaires (la SPL Oser en Auvergne-Rhône-Alpes dans ce cas), soit auprès d’un opérateur privé via un contrat de performance énergétique, soit par un groupement de commandes (souvent par les syndicats d’énergie). Deux autres dispositifs font appel à l’assistance à maîtrise d’ouvrage : un programme de la Banque des territoires qui permet aux communes d’accéder à des produits financiers dédiés à la rénovation énergétique ; des services mutualisés d’accompagnement énergétique (issus de programmes de Conseillers en énergie partagée) actuellement renforcés par le programme ACTEE de la FNCCR qui permet le recrutement d’un économe de flux.
Réagissez à cet article
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.
Inscrivez-vous !
Vous n'avez pas encore de compte ?
CRÉER UN COMPTE