Fondé à Grenoble en 1992 par le docteur en sciences et génie des matériaux David Bassetti, le groupe qui porte son nom a développé au fil des années un ensemble de solutions logicielles destinées à aider les industriels à numériser leur expertise technique. Employant plus de 300 personnes, la société compte à ce jour plus de 180 000 utilisateurs de ses solutions à travers le monde. BASSETTI dispose en effet de 15 filiales basées non seulement en France, mais aussi en Chine, en Inde, en Allemagne, aux États-Unis et au Canada.
Alors qu’elle propose notamment une suite de logiciels baptisée TEEXMA, dans laquelle l’IA intervient déjà par petites touches, l’entreprise travaille désormais également sur une solution entièrement tournée vers l’intelligence artificielle : REMIND. Les algorithmes de machine learning développés dans le cadre de ce projet visent ainsi un double objectif : permettre une optimisation de la sélection des matériaux, étape clé dans les process industriels, mais aussi une amélioration de la performance des essais de laboratoire.
Rémi Guidolin, responsable avant-vente et Jérémy Bruyère, développeur R&D spécialiste de l’IA, lèvent le voile sur la genèse de ce projet et nous apportent leur éclairage sur les fonctionnalités novatrices que cette solution pourra prochainement offrir aux industriels.
Techniques de l’Ingénieur : Quel est l’historique du groupe BASSETTI ? Pouvez-vous nous en brosser le portrait ?
Rémi Guidolin : BASSETTI est une société qui a aujourd’hui trente ans d’existence. Elle a en effet été créée en 1992 par David Bassetti, qui est toujours le PDG du groupe. À l’heure actuelle, BASSETTI compte environ 350 salariés dans le monde. L’entreprise a été créée en France, à Grenoble, mais compte désormais de nombreuses implantations dans le pays – une petite dizaine d’agences et de bureaux – ainsi qu’à l’étranger : en Allemagne, en Inde et en Chine pour l’Asie, mais aussi au Canada et aux États-Unis.
L’un des aspects distinctifs de l’entreprise est sa croissance : cela fait maintenant plus de dix ans que nous faisons une croissance à plus de 30 %. Cette année 2022 devrait également être une belle année pour nous. Notre stratégie de croissance est assez large. Elle se base en effet d’une part sur une croissance organique et de nouvelles implantations, mais aussi, d’autre part, sur une croissance externe, réalisée grâce à des acquisitions, qui viennent alimenter notre panel d’offres et de technologies innovantes. Le troisième pan de notre stratégie de croissance est ainsi constitué par les offres que nous sommes capables de proposer.
En ce qui concerne notre métier à proprement parler, nous sommes spécialisés depuis nos débuts dans ce que nous appelons le management de l’expertise technique. Par cela, nous entendons la mise à disposition – pour nos clients industriels, en grande majorité – de ressources, méthodes et solutions logicielles dédiées et collaboratives. Tout cela dans un but de valorisation du capital technique de ces entreprises, constitué par des données à forte valeur ajoutée. Il peut en effet s’agir de recherche et développement, de données de laboratoires de tests, des données de production, ou encore des données liées à la qualité et à la conformité.
Notre panel d’offres couvre d’ailleurs toute la chaîne de valeur d’une entreprise, en partant du très amont avec la R&D, en allant jusqu’au très aval avec, par exemple, le maintien en conditions opérationnelles de solutions déjà déployées. Nous couvrons des thématiques variées, et nos offres s’adressent avant tout aux départements techniques et scientifiques des entreprises industrielles : R&D, laboratoires, qualité, maintenance, production, DSI, bureaux d’études.
Vous développez actuellement une solution baptisée REMIND, qui fait la part belle à l’intelligence artificielle. Est-ce la première fois que vous vous appuyez sur ce type de technologie ?
R.G. : Clairement non. REMIND a certes une composante d’IA, mais nous n’avons pas attendu ce projet pour innover sur cette thématique de l’IA, et même plus largement toutes les thématiques qui sont inhérentes au monde actuel de l’entreprise : le développement web et mobile, la business intelligence, le big data, etc. Ce sont des aspects autour desquels nous nous tenons à l’affût. Nous nous devons en effet de rester à la pointe pour nos clients, et même nous placer en avance de phase sur ces thématiques.
Dans ce contexte, quelles sont les raisons qui vous ont poussés à développer cette solution REMIND ?
Jérémy Bruyère : Comme l’évoquait Rémi, nous avons déjà développé en amont de ce projet un certain nombre de composantes liées à l’intelligence artificielle. Mais REMIND est, en revanche, la première solution quasi exclusivement concentrée sur l’IA. Son développement a découlé naturellement de l’historique de la société BASSETTI. Son fondateur, David Bassetti, a en effet fondé l’entreprise suite à une thèse qu’il a réalisée dans le domaine de la sélection de matériaux, socle sur lequel se fonde la solution REMIND. Le cœur de BASSETTI reste en effet l’ingénierie matériaux. C’est ce par quoi nous avons débuté historiquement avant de nous étendre à d’autres secteurs. REMIND fait ainsi en quelque sorte figure de retour aux sources pour BASSETTI.
Quel est l’état d’avancement du projet ? Sur quelles fonctionnalités travaillez-vous ?
J.B. : La solution est pour l’heure encore en phase de développement. Elle n’est pas encore disponible pour les clients, mais le sera probablement au cours de l’année 2023.
Initialement, l’idée a été d’aider les ingénieurs à choisir les matériaux. Ensuite, nous avons cherché à étendre la solution à d’autres secteurs traités par le groupe. La solution va donc également permettre aux techniciens de laboratoire de faire de l’optimisation de formulation, en les aidant à concevoir des produits de manière plus optimisée, plus rapide. REMIND va en effet permettre d’anticiper et d’automatiser des process techniques et scientifiques dans l’industrie.
Comment cela va-t-il fonctionner ? Quels seront les données d’entrée et les résultats obtenus en sortie ?
J.B. : La solution pourra s’appuyer sur n’importe quelle base de données que sera à même de lui fournir le client. Et c’est lui qui va décider ce qu’il veut faire de ses données. Le premier aspect est donc celui de la représentation de données, la data visualization. Le client va ainsi d’abord choisir comment il veut représenter ses données, pour que cela puisse l’aider à les traiter de la meilleure manière possible. Le client pourra ensuite appliquer des traitements sur ces données. Par « traitements », j’entends des applications approfondies d’algorithmes de machine ou de deep learning. REMIND va donc lui proposer tout un panel d’algorithmes, à la fois supervisés et non supervisés, qui vont lui permettre de faire de la prédiction de données, de la classification, du clustering, c’est-à-dire regrouper ces données selon différentes catégories, ainsi que de la détection d’anomalies, qui consiste à chercher dans les données existantes ce qui pourrait être des valeurs aberrantes, ou celles qui, au contraire, sont très pertinentes par rapport aux autres. C’est donc l’utilisateur qui va pouvoir choisir d’utiliser certaines de ces applications pour pouvoir répondre au mieux à son problème. La donnée créée, fournie par l’IA, pourra être tracée et réinjectée dans la base de données ou dans le logiciel de l’utilisateur.
Comment la phase d’apprentissage sera-t-elle gérée ?
J.B. : Il y a plusieurs possibilités. Si l’utilisateur est quelqu’un de très technique, qui connaît déjà les formules qu’il doit utiliser pour entraîner l’algorithme, dans ce cas il pourra tout simplement entrer ses propres formules et les appliquer sur l’ensemble de ses données. Dans le cas où l’utilisateur ne sait pas trop comment aborder sa solution, il va pouvoir utiliser des modèles de machine learning préentraînés sur ses données, ou que l’utilisateur pourra paramétrer lui-même en définissant la structure du modèle, ainsi que ses données d’entrée et de sortie.
Cette solution devrait tout d’abord être intégrée aux logiciels TEEXMA que vous proposez d’ores et déjà… Pourra-t-elle également fonctionner un jour de manière autonome ?
J.B. : Dans un premier temps, REMIND sera intégrée de manière effective à nos solutions logicielles TEEXMA, telles que TEEXMA for Materials et TEEXMA for Lims. Mais la solution pourra aussi devenir une application standalone, qui pourra traiter des bases de données externes, quelle que soit la source. Dans tous les cas, les données de sortie pourront être renvoyées vers l’un des logiciels de la suite TEEXMA.
Sur le plan matériel, le fonctionnement des algorithmes d’IA pourra-t-il se dérouler directement sur une machine de bureau ?
J.B. : Puisque la solution sera tout d’abord intégrée à TEEXMA, il s’agira d’une solution web. Toute la partie calculs et performance se gérera alors côté serveurs. L’hébergement du logiciel peut par ailleurs être effectué chez nous, ou directement chez le client.
Quel sera le coût de cette solution ?
R.G. : Aujourd’hui, nous n’avons pas encore complètement défini le business model associé à cette nouvelle brique technologique. Pour l’instant, en tout cas, nos logiciels sont proposés selon deux modèles : de l’acquisition ou de la souscription. Et nous n’avons pas pour objectif de pousser un modèle plus qu’un autre, même si nous pouvons noter que la souscription est particulièrement appréciée par nos clients.
Des premiers tests sont-ils déjà en cours ?
J.B. : La solution est développée en partenariat avec certains de nos clients. Ces clients valident donc au fur et à mesure les fonctionnalités que nous intégrons dans la solution. Ils ont un rôle de bêta-testeurs.
R.G. : Il est d’ailleurs probable que d’autres testeurs s’ajoutent à la liste… Nous partons en effet du principe que ce sont nos clients qui détiennent l’expertise de leurs métiers.
J.B. : Pour l’heure, les clients avec qui nous échangeons sur cette solution sont avant tout des professionnels qui travaillent dans le domaine des matériaux et en laboratoire.
R.G. : Nous sommes par ailleurs présents dans de très nombreux secteurs industriels : l’aéronautique, l’automobile, la chimie, la pharmaceutique…
Outre cette solution REMIND, avez-vous éventuellement d’autres projets autour de l’IA ?
J.B. : Nous avons plusieurs projets qui intègrent de l’IA, situés à divers stades de développement. Il s’agit en partie de solutions qui, comme REMIND, tournent autour de la valorisation de la donnée technique et scientifique, Mais nous travaillons aussi sur des projets axés autour de la gestion d’indicateurs orientés business intelligence, mais aussi autour de la planification dans l’industrie.
Là où REMIND devrait arriver d’ici quelques mois, nos solutions axées autour de la planification devraient plutôt voir le jour d’ici deux ou trois ans.
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