Techniques de l’Ingénieur : Vous êtes assez critique à l’égard de cette organisation des filières à responsabilité élargie des producteurs. Comment les éco-organismes actuels se sont-ils organisés en France ?
Ce principe s’est traduit par la création d’éco-organismes en charge de collecter des écocontributions que versent les producteurs, les metteurs sur le marché d’objets ou d’emballages. Plusieurs filières couvrent une bonne partie des produits de consommation courante. Sur chaque produit, un éco-organisme collecte une écocontribution. Il va ensuite redistribuer cet argent soit directement à des opérateurs soit à des collectivités locales en charge de la collecte et du tri de certains flux de déchets, notamment les emballages des ménages.
Quelles sont les limites du système actuel ?
Cette auto-organisation se traduit par le fait que ces éco-organismes sont pilotés par les metteurs sur le marché eux-mêmes. Ils siègent aux conseils d’administration et sont actionnaires de ces éco-organismes. Cela entraîne des conflits d’intérêt inhérents à leur nature, malgré le fait que leur mission soit encadrée par les autorités publiques, par le biais d’un agrément et d’un cahier des charges. Tout devrait aller dans un sens incitatif à l’éco-conception, au recyclage et à la réduction des déchets, mais dans la réalité, certains malus ne sont pas assez efficaces, ce qui explique en partie pourquoi on n’atteint pas toujours des performances de recyclage excellentes.
Un véritable changement de cap et de pratiques est urgent. Une ultime tentative pour réformer les REP est en cours. L’autorité de régulation des filières REP doit être mise en place au sein de l’Ademe prochainement. Des moyens supplémentaires devraient permettre de mieux contrôler les éco-organismes et l’atteinte des objectifs fixés par leur cahier des charges. L’autorité aura aussi pour rôle de mieux appliquer les sanctions prévues par la loi. Est-ce que cette nouvelle autorité permettra de compenser un rapport de force qui n’était pas en faveur des pouvoirs publics ? On peut l’espérer mais ce n’est pas sûr.
Le rapport Vernier sur les filières REP* estime que la gestion des déchets coûte environ 20 milliards d’euros par an en France, dont plus de 14 milliards pèsent sur le budget des collectivités locales. La contribution des entreprises via les filières REP s’élève à 1,2 milliards d’euros. Est-ce suffisant ?
C’est logique que les deux chiffres ne soient pas équivalents car les filières REP ne concernent qu’une partie de nos déchets. Il n’y a par exemple pas de REP sur les biodéchets. Cela constitue une charge nette pour les collectivités locales. La question est de savoir si les montant collectés via les REP sont suffisants. Les opérateurs de la collecte et du tri et les collectivités locales rappellent régulièrement que les filières REP ne couvrent pas l’ensemble de leurs coûts pour les flux de déchets considérés.
Les collectivités locales demandent souvent la création d’une REP balais ou une taxe qui couvre tous les flux de déchets qui ne sont pas concernés par des filières REP mais pour lesquels ce sont tout de même des entreprises qui devraient être responsables de la fin de vie. De nouvelles filières vont être créées suite à la loi anti-gaspillage du début de l’année pour les jouets, les articles de sport et les articles de bricolage. Cela va venir financer un peu plus les opérateurs du réemploi et du recyclage de ce genre de produits.
(*) Consultez ici le Rapport Vernier sur les filières REP
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