Jeudi 22 et vendredi 23 juin, la France accueille à Paris le « Sommet pour un nouveau pacte financier mondial ». Chefs d’État, financiers et experts du climat sont attendus pour adapter le système financier au changement climatique et à la lutte contre la pauvreté.
Les accords de Bretton Woods ont dessiné en 1944 les grandes lignes du système financier international de l’après-Seconde Guerre mondiale. Mais ces accords sont de plus en plus contestés sur leur capacité à s’adapter, notamment au changement climatique, à la fragmentation géopolitique, à la crise de la dette et à l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD).
Dans ce contexte, Emmanuel Macron a lancé en novembre 2022, lors de la COP27 en Égypte, une initiative avec la Première ministre de la Barbade Mia Mottley, afin de réformer le système financier mondial. Les 22 et 23 juin à Paris, un premier « Sommet pour un nouveau pacte financier mondial » réunira une centaine de pays, dont une cinquantaine de chefs d’État ou de gouvernement, en dehors des processus formels du G7 ou G20. L’objectif est de parvenir à « construire un nouveau consensus pour un système financier international plus solidaire », indique le programme de l’événement.
Pour un système financier international plus solidaire
Réforme des institutions, restructuration de la dette, affectation de droits de tirage spéciaux, mobilisation accrue du secteur privé, taxes internationales, évolution du modèle des banques multilatérales de développement… Des sujets hautement techniques sont au menu de ce sommet de deux jours au Palais Brongniart.
Friederike Roder, vice-présidente du plaidoyer sur la finance de développement et le climat chez Global Citizen, explique : « Ce sommet est le début d’un processus qui va permettre d’avoir des progrès dans les 18 mois à venir. On espère voir vendredi [23 juin, ndlr] une feuille de route concrète autour de quelques engagements qui permettent d’enclencher cette réforme en profondeur du système, avec des coalitions claires et surtout des échéances pour la mise en œuvre de ces engagements. »
Le minimum : assumer les engagements passés
Les pays développés n’ont toujours pas tenu leur promesse faite en 2009 de mobiliser 100 milliards de dollars chaque année à partir de 2020 pour aider les pays pauvres face au réchauffement climatique. Alors que cette promesse devrait se concrétiser cette année, le rapport Stern – Songwe, présenté à la COP27, a montré que les pays en développement – hors Chine – devront dépenser 2 400 milliards de dollars chaque année pour lutter contre le changement climatique d’ici 2030. Il souligne la nécessité de mobiliser 1 000 milliards de dollars chaque année via des investisseurs extérieurs, en provenance des pays développés et d’institutions multilatérales. Ce sommet devra aboutir à une nouvelle feuille de route pour la finance climatique afin de mobiliser des investissements extérieurs à la hauteur de ces enjeux.
Par ailleurs, en août 2021, le Fonds monétaire international (FMI) a alloué environ 590 milliards d’euros de droits de tirages spéciaux (DTS), pour aider les gouvernements à faire face aux conséquences économiques de la pandémie de Covid-19. Alors que ces DTS ont été distribués de manière disproportionnée aux pays les plus riches, les pays du G20 se sont engagés à « réallouer » l’équivalent de 100 milliards de dollars en DTS aux pays les plus vulnérables. La mobilisation de ces DTS nécessite de passer par deux fonds du FMI. Mais ceux-ci restent sous-dimensionnés pour gérer les besoins. « Il faut des solutions techniques pour que les banques multilatérales de développement puissent aussi réallouer », défend Martin Kessler, directeur exécutif du Finance for Development Lab de la Paris School of Economics.
Assumer davantage le risque financier
Afin de trouver de nouveaux financements, plusieurs pistes sont sur la table. Alors que le système financier reste asservi au risque, la première piste concrète vise à réformer les banques multilatérales de développement. Ce sommet doit permettre de « transformer le rôle des banques de développement en cadre de garantie pour attirer le capital privé », partage Laurence Tubiana, directrice générale de la Fondation Européenne pour le Climat. C’est tout le système qui doit « accepter collectivement de supporter plus de risques », souligne-t-elle.
« Il faut que toutes les banques multilatérales contribuent à ce processus et se donnent un objectif financier, estime pour sa part Friederike Roder. En retour, les pays comme les États-Unis, la France, l’Allemagne et le Japon devraient leur assurer de les recapitaliser, donc leur donner des financements additionnels. »
Faire face aux multiples crises et à la dette
Suite à la pandémie de Covid-19, la dette publique pèse de plus en plus sur les budgets des pays en développement. Un tiers des pays en développement et deux tiers des pays à faible revenu présentent désormais un risque élevé de surendettement. En même temps, les pays les plus pauvres ont de plus en plus besoin de financer l’adaptation au changement climatique. « Les pays en développement se trouvent confrontés à un problème d’assèchement de leur capacité d’emprunt international avec des taux d’intérêt qui augmentent, partage Laurence Tubiana. Au moins 53 sont en risque de défaut de paiement de leur dette. »
En conséquence, les pays épuisent leurs sources de flexibilité. « Puiser dans les réserves de change, emprunter dans le marché domestique, emprunter à la banque centrale, se tourner vers le FMI », voici un panorama d’outils à leur disposition, énumère Martin Kessler. Le sommet devra trouver des solutions pour permettre de nouveaux financements avec des taux d’intérêt plus faibles, par exemple auprès de la Banque mondiale.
Pour que la dette ne soit pas un frein à la résilience, l’idée de suspendre le paiement de la dette en cas de catastrophe naturelle fait aussi son chemin. « En cas d’un ouragan ou d’une nouvelle pandémie, les pays pourraient suspendre les paiements de dette pendant deux ans pour avoir un peu plus de liquidités pour répondre aux chocs externes à la crise », résume Friederike Roder. Une mesure très concrète qui pourrait être reprise par la Banque mondiale.
Une question de taxe internationale
Enfin, la question des taxes internationales solidaires revient à la table des négociations. En particulier, une taxe internationale sur les émissions de carbone de l’industrie du transport maritime pourrait enfin voir le jour. « Il faut une impulsion politique d’un grand nombre de leaders en faveur de cette taxe, et pour qu’une grande partie des recettes de cette taxe aille vers les pays vulnérables », prévient Friederike Roder. Œuvrant sur les eaux internationales, ce secteur reste exempt de taxation sur ses émissions, mais aussi sur ses revenus. « Beaucoup de ces entreprises sont installées dans des paradis fiscaux », relève en effet Laurence Tubiana.
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