Après trois ans de travaux, un projet européen a appliqué les concepts de l'industrie 4.0 dans le secteur de la construction navale afin d'optimiser les coûts de production liés à l'introduction de polymères renforcés de fibres (PRF). Les procédés de fabrication ont été automatisés grâce à l'introduction de technologies digitales innovantes.
Les polymères renforcés de fibres (PRF) sont des matériaux composites offrant une combinaison unique de légèreté, de résistance mécanique élevée et de durabilité. Dans le secteur naval, ils sont traditionnellement utilisés pour construire des structures légères, jusqu’à 25 mètres. La réglementation maritime autorise aussi à les employer dans la fabrication de navires de plus grande envergure, jusqu’à 50 mètres, cependant ils sont peu utilisés en raison de coûts de production élevés. Un projet européen1 baptisé FIBER4YARDS vient de se clôturer et a eu pour objectif d’optimiser l’utilisation des PRF grâce aux concepts de l’usine 4.0.
« Comparés aux matériaux traditionnels tels que l’acier, les composites en fibres présentent une forte résistance à la corrosion saline, ce qui leur confère une durée de vie prolongée dans des environnements marins hostiles, analyse Julio Cesar de Luca, coordinateur technique Europe à l’IRT Jules Verne. Mais l’avantage le plus important est qu’ils sont beaucoup plus légers, environ 60 %, et qu’ils possèdent malgré tout une rigidité et une résistance mécanique élevée. Cette réduction du poids permet de diminuer la consommation de carburant et par conséquent de réduire l’empreinte carbone des navires. L’utilisation de ces matériaux entraîne un cercle vertueux puisque la perte de poids permet de gagner sur d’autres aspects, notamment d’utiliser un moteur moins puissant ou de transporter plus de passagers. »
La construction d’un catamaran de transport de passagers de 50 mètres a été retenue comme cas d’études pour mener à bien ce projet. Et pour réduire le coût lié à l’introduction de PRF, le principal axe de travail a consisté à digitaliser les processus de fabrication. Par exemple, la technique de fabrication de composites par infusion de résine, qui consiste à faire pénétrer la résine dans la structure en fibre, a fait l’objet d’un monitoring et d’un contrôle en temps réel. Pour cela, des capteurs et des caméras ont été installés afin de comparer le processus de fabrication avec des modèles de simulation et l’utilisation de jumeaux-numériques.
Gagner en efficacité de production grâce au monitoring et à l’instrumentation
Cette nouvelle méthode de fabrication a abouti à une meilleure maîtrise de cette technique d’infusion en homogénéisant l’ajout de la résine dans la fibre. « Le monitoring et l’instrumentation des procédés de fabrication permettent de faire bien du premier coup et de générer moins de déchets, complète Julio Cesar de Luca. Ils ont aussi pour effet d’aller plus vite et donc de gagner en efficacité de production, c’est-à-dire de passer moins de temps pour une production équivalente. Cette optimisation numérique entraîne également un gain sur la quantité de matières premières utilisées ainsi que sur le besoin en unités de main-d’œuvre. »
Les équipes de ce projet ont su tirer profit des possibilités offertes par les PRF pour fonctionnaliser les pièces. En partenariat avec l’Université du Mans, ils ont développé la technologie des Trous Noirs Acoustiques (TNA), encore appelée ABH pour Acoustic Black Holes, dans le but de réduire les bruits vibratoires du navire. Un relief a été ajouté à la structure afin de piéger les ondes, et cela, sans augmenter sa masse. Plusieurs pièces fonctionnalisées avec la technologie ABH et d’une dimension d’environ 1 mètre² ont ainsi été fabriquées et des essais ont mis en évidence une réduction du rayonnement acoustique d’environ 40 %.
Le projet a démontré qu’il est possible de réduire le poids des navires fabriqués en PRF d’environ 20 % par rapport à ceux conçus en acier. Le coût de production lié à l’utilisation de ces composites reste malgré tout supérieur à l’acier, mais des bénéfices associés sont également à prendre en considération, comme le souligne Julio Cesar de Luca : « à partir de notre cas d’études, nous montrons que la réduction du poids du navire permet d’augmenter la capacité de transport des passagers et de réduire le temps de trajet d’environ 15 %. Ce gain entraîne une réduction proportionnelle de la consommation de carburant ainsi que des émissions de gaz toxiques (NOx : oxyde d’azote) et d’effet de serre (CO2). Quand on fait le bilan économique et environnemental, on s’aperçoit qu’il est possible de rendre compétitifs les composites par rapport à l’acier grâce aux outils 4.0 développés dans le cadre du projet FIBER4YARDS. »
[1] Le projet FIBER4YARDS a réuni 13 participants venant de 6 pays différents : CIMNE (Espagne); COMPASSIS (Espagne); TSI (Espagne); CW (Pays-Bas); NAVAL GROUP (France); INEGI (Portugal); IRURENA (Espagne); TUL (Pologne); 10XL (Pays-Bas); L-UP (France); Ateknea (Hongrie); BUREAU VERITAS (France); IRT Jules Verne (France)
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