Au fil des ans et de leur exploitation commerciale, les performances des avions évoluent, notamment sous la forme d’une baisse de la poussée des moteurs. Pourtant, les compagnies aériennes continuent à utiliser les systèmes de gestion de vol conçus à l’origine par les fabricants alors qu’ils ne correspondent plus aux performances réelles des avions. Un programme européen nommé Perf-AI vient de s’achever avec pour objectif d’actualiser les données de chaque avion dans le but de réduire leur consommation de carburant.
À l’origine de ce projet de recherche, la start-up Safety Line, spécialisée dans l’exploitation de données aéronautiques. « L’idée est née il y a plusieurs années après plusieurs échanges avec l’entreprise Thales. Nous voulions réaliser l’équivalent de ce que fait par exemple Airbus pendant ses phases d’essais en vol en remplaçant les données récupérées par un avion bardé de capteurs par celles obtenues lors de l’exploitation, c’est-à-dire grâce à toutes les captures de données déjà intégrées dans les avions standard », déclare Karim Tekkal, CTO de Safety Line.
Les constructeurs appliquent tout de même un coefficient correctif dans leurs logiciels pour intégrer le vieillissement des avions, mais celui-ci est unitaire et ne tient pas compte de leurs caractéristiques propres. Par exemple, l’un des moteurs peut être remplacé au bout de quelques années. Ou alors un impact sur le fuselage va provoquer une modification de son aérodynamisme et donc de ses performances.
Une vingtaine de variables différentes exploitées
Pour mener à bien ce projet, les données des avions ont été récupérées grâce aux enregistreurs à accès rapide, également appelés Quick Access Recorder (QAR). Ces équipements sont conçus pour fournir un accès rapide et facile aux données de vol brutes. Ils enregistrent, toutes les secondes, un grand nombre d’informations relatives au comportement de l’avion.
Safety Line a fait appel à l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique) et à son équipe Modal (Models for data analysis and learning) pour analyser toutes ces données et construire un nouveau modèle dynamique d’optimisation des plans de vol. « Nous avons exploité une vingtaine de variables différentes comme la vitesse de l’avion, l’altitude, la consommation instantanée de carburant, la température de l’air, l’angle, la pression atmosphérique, la puissance développée par les moteurs, explique Vincent Vandewalle, maître de conférences en mathématiques et statistiques à l’université de Lille et membre de l’équipe Modal. Ces données nous ont permis de remettre à jour les modèles de consommation en fonction de l’état spécifique de l’avion et ainsi estimer plus finement sa consommation. »
Les chercheurs ont appliqué l’intelligence artificielle sur l’ensemble de ces données et ont réussi à construire un nouveau modèle prédictif de la consommation. « Nous pouvons prédire, pour chaque position de l’avion dans l’espace, la consommation de carburant, bien sûr avec une marge d’erreur, précise le chercheur. Si l’avion a telle vitesse, tel angle et vole à telle altitude, nous sommes capables d’estimer qu’il va consommer par exemple 60 litres par heure. »
83 kg de kérosène économisés à chaque montée
Reste à présent à transformer ce nouveau modèle théorique en un outil d’optimisation opérationnel pour les avions. Ce travail sera réalisé par Safety Line dans les mois à venir ; la start-up possède en effet un savoir-faire dans ce domaine. « Nous avons déjà développé un outil d’optimisation appelé OptiClimb qui s’applique uniquement sur la phase de décollage, poursuit Karim Tekkal. Avec la compagnie Transavia, nous avons démontré qu’il permet d’économiser 83 kg de kérosène à chaque montée. Avec le projet Perf-AI, nous considérons que nous pourrions réduire la consommation de carburant d’environ 3 % sur l’ensemble du vol. »
C’est principalement en faisant varier leur vitesse qu’il devrait être possible de faire baisser la consommation énergétique des avions de ligne, sans pour autant modifier de manière significative la durée des vols. « Par exemple, sur une phase de montée, la durée devrait être modifiée de quelques secondes à maximum une minute, alors que cette phase dure en moyenne quinze minutes », ajoute Karim Tekkal.
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