La plupart des pays confrontés à des climats arides réutilisent les eaux usées traitées à la sortie des stations d'épuration. Face au réchauffement climatique et aux sécheresses à répétition, la France devra probablement développer ce procédé.
En France, la quasi-totalité des eaux usées traitées dans des stations d’épuration sont rejetées dans des ruisseaux, des fleuves ou la mer. Moins de 1 % de ce volume est réutilisé alors qu’en Espagne et l’Italie, il est compris entre 5 et 10 %. Le Mexique, l’Australie ou encore Israël vont beaucoup plus loin puisqu’il atteint 50 voire 60 %. La plupart des pays confrontés à des climats arides avec des problématiques d’accès et de rareté aux ressources en eau ont développé la REUT (Réutilisation des eaux usées traitées). Face au réchauffement climatique et aux sécheresses à répétition, il est fort à parier que la France va elle aussi devoir plus largement recourir à ce procédé.
Les usages sont multiples : irrigation des cultures, arrosage des parcs et jardins, des golfs, nettoyage des voiries… Certains pays comme Singapour vont jusqu’à utiliser cette eau recyclée comme eau potable pour être ensuite consommée par la population. Bien sûr, les conditions d’utilisation de cette eau sont encadrées par des réglementations afin de prévenir tous risques sanitaires. Car les eaux résiduaires urbaines, même traitées par une STEP (Station d’épuration des eaux usées), contiennent divers micro-organismes pathogènes et des éléments organiques et minéraux potentiellement toxiques.
La qualité de l’eau est encadrée par la réglementation
Depuis 2010, la France encadre la REUT à travers un arrêté revu en 2014. Les textes fixent des exigences de qualité d’eau en sortie de STEP allant de A à D en fonction des usages. Ainsi, l’irrigation des vignes et des arbres fruitiers nécessite une eau classée C. Tandis que pour les plantes maraîchères dont la partie comestible est au contact avec l’eau de récupération, celle-ci doit être de classe A. Pour chaque classe, des seuils de présences de pathogènes comme les coliformes, les entérocoques, les salmonelles… sont à respecter.
Face à la libre circulation des denrées alimentaires en Europe, un règlement européen publié en mai dernier est venu harmoniser les règles relatives à l’irrigation agricole dans toute l’Union. Certains seuils à ne pas dépasser se sont durcis. Par exemple, pour une eau de qualité A, la présence d’Escherichia coli ne doit plus excéder 10 UFC (Unité formant colonie) par ml alors que le cadre français fixait la limite à 250. Mais en contrepartie, certaines précautions supplémentaires ne sont plus exigées comme la vitesse du vent au moment de l’irrigation ou alors la proximité avec des personnes ou des chemins.
Depuis 2017, l’INRAE expérimente ce procédé pour irriguer des cultures. Des essais sont réalisés sur une plate-forme expérimentale d’un demi-hectare à Murviel-lès-Montpellier dans l’Hérault. Sa localisation n’est pas anodine puisque depuis plusieurs années, l’Occitanie est confrontée à une raréfaction de la ressource en eau et à des conflits d’usages.
Des nutriments permettent de fertiliser les plantes
Plusieurs techniques de traitement de l’eau sont testées comme les procédés membranaires. « Les eaux recyclées contiennent de l’azote et phosphore, explique Nassim Ait Mouheb, chargé de recherche à l’INRAE et à l’UMR G-Eau. En partenariat avec l’Institut européen des membranes, nous testons un bioréacteur à membrane capable de garantir les exigences de qualités sanitaires de l’eau tout en laissant passer les nutriments. L’irrigation à partir de la REUT permet ainsi un apport d’eau aux plantes mais aussi une fertilisation ». Dans une publication à paraître prochainement, les chercheurs doivent démontrer que des salades irriguées avec une eau issue de STEP ont vu leurs rendements augmenter de 40 %.
Cette eau recyclée provoque par contre la formation de biofilms sur les systèmes d’irrigation. Il s’agit de l’apparition de colmatage lié à la croissance bactérienne à l’intérieur de ces systèmes, notamment au goutte-à-goutte. « Les biofilms provoquent une réduction de l’efficience et de la durabilité des systèmes d’irrigation, analyse le chercheur. Nous testons différents procédés de nettoyage. Par exemple, en associant la chloration à la purge, nous avons démontré qu’il est possible de réduire de manière efficace ces biofilms. Des travaux sont en cours de développement afin de concevoir un capteur et être ainsi informé dès le départ de l’apparition du colmatage pour intervenir rapidement et de manière plus efficace. »
Des polluants médicamenteux peu présents
Sur le plan sanitaire, l’INRAE évalue l’impact de certains pathogènes présents dans ces eaux recyclées sur les plantes et le sol. Dans une étude parue dans la revue Science of the Total Environment en octobre, les chercheurs ont analysé la présence de polluants organiques, notamment médicamenteux, sur des laitues et de poireaux, après deux années d’irrigation au goutte-à-goutte. Ces deux plantes ont volontairement été sélectionnées car les légumes verts à feuilles présentent un potentiel élevé d’absorption de contaminants organiques. Les résultats ont révélé une accumulation limitée de ces polluants dans le sol et les feuilles des plantes, leurs niveaux de concentration étant de l’ordre de quelques nanogrammes par gramme. « Pour absorber l’équivalent d’un gramme de paracétamol, une personne devrait manger une tonne de salade, ajoute Nassim Ait Mouheb. Avant de rencontrer des problèmes de santé liés à la présence de ces médicaments, elle aura d’autres problèmes liés aux quantités consommées ». Les chercheurs veulent à présent se pencher sur le degré de salinité de ces eaux qui peut poser un problème dans le sol puis à moyen terme sur la plante.
Si, dans le futur, la REUT semble être une solution incontournable pour mieux répondre aux tensions sur les ressources en eau en France, cette pratique pourrait entraîner une augmentation du prix de l’eau dans certains territoires. Les procédés de traitements supplémentaires de recyclage ont en effet un coût. Des réflexions sont en cours à l’INRAE sur la conception de STEP décentralisée. Il s’agirait de créer des mini-stations d’épuration implantées au plus près de la production, dans un lotissement par exemple, et dont l’eau recyclée serait réutilisée pour un usage local. Avant son développement massif, la REUT devra se confronter à la perception de la population. Les consommateurs sont-ils prêts à manger des salades irriguées avec des eaux usées traitées ? Une attention particulière devra aussi être portée sur l’impact de ce procédé sur le débit de certains cours d’eau. L’utilisation des eaux en sortie de STEP, qui habituellement sont rejetées dans le milieu naturel, ne doit pas contribuer au phénomène d’étiage rencontré en été.
Bonjour,
pourriez vous me faire un point législatif concernant la réutilisation de l’eau de sortie step.
Idéalement nous voudrions l’utiliser pour réaliser les nettoyages du site et le refroidissement des fumée du four (incinération des boues sur site). Est ce possible ?
Nous consommons actuellement des quantités astronomique d’eau de nappe et d’eau potable pour réaliser le refroidissement du four et les nettoyage sur site (à l’eau potable !!!)
Bonjour,
Suite à la lecture de l’article sur la réutilisation des eaux de stations d’épuration, je tente un « bouteille à la mer » : Je suis conseiller municipal délégué à l’assainissement, et je cherche des informations pour pouvoir installer un citerne de récupération des eaux traitées dans notre STEP afin de l’utiliser dans la gestion hebdomadaires des boues de la station qui consomme une grande quantité d’eau, potable !
Merci d’avance de vos conseils ou transfert de contacts utiles à ce projet.
Cordialement,
Robin Furestier, conseiller municipal de Barjac (Gard)
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