En août 2016 un contrat solaire a été signé au Chili pour 2,910 US cents le kWh, écrasant le précédant record de 2,990 cents à Dubaï proposé en mai 2016.
Mais le chinois JinkoSolar en partenariat avec le japonais Marubeni vient de proposer une offre à 2,420 US cents pour la centrale solaire de Sweihan à Abu Dhabi, Emirats Arabes Unis. Ceci avec un taux d’intérêt annuel de 7% ce qui suggère que le projet est financièrement viable.
La centrale de Sweihan pourrait avoir une puissance dépassant 1,1 GW, soit les deux tiers de celle d’un réacteur nucléaire EPR. Le projet initial était de 350 MW mais la Abu Dhabi Electricity and Water Authority (ADWEA) a souhaité le muscler en triplant sa capacité. A ce stade l’ADWEA n’a sélectionné aucune des 6 offres proposées.
La seconde offre (2,533 cents) a été réalisée par le groupe Masdar en partenariat avec l’électricien français EdF ainsi qu’avec PAL Technology, entreprise basée à Abu Dhabi. Les quatre autres offres s’étalent entre 2,598 cents et 3,635 cents. Autrement dit l’offre la plus coûteuse, proposée par le sud-coréen Kepco (Korea Electric Power Corporation) est 3,3 fois meilleure marché qu’avec l’EPR d’Hinkley Point en Grande-Bretagne.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces offres à des prix aussi bas. Aux Emirats Arabes Unis le coût de l’argent est faible, tout comme celui du travail. Un autre facteur est que les acteurs anticipent une baisse des prix des modules photovoltaïques. Ils pourraient chuter de 50% dans les 18 mois à venir selon les analystes de l’agence Bloomberg dans un contexte de déséquilibre entre l’offre et la demande. Les acteurs du solaire chois, qui contrôlent 90% du marché mondial, cherchent à écouler un surplus anticipé de leur production en modules PV.
Mais pour Frank Wouters, ex-directeur de l’entreprise Masdar spécialiste des EnR, il est peu probable que les prix du solaire remontent dans le futur. « Nous continuons à apprendre comment réduire le coût des cellules solaires et des autres composants, tout comme celui de l’O&M (Opération et Maintenance). Par conséquent il n’y a pas de raison que le coût du solaire se mette à remonter » a déclaré l’expert.
Le coût du solaire PV est à présent trois fois meilleur marché que celui du gaz naturel à Abu Dhabi. Les Emirats Arabes Unis (UAE) cherchent donc à construire le plus rapidement possibles des centrales solaires afin de pouvoir exporter leur production gazière.
Pour Gilles Parkinson, fondateur du site australien RenewEconomy, « ces contrats solaires devraient conduire EdF à se poser quelques questions. Son offre à 25,33 dollars le MWh pour la centrale solaire d’Abu Dhabi correspond à environ un cinquième du prix (£92.50, c’est à dire $US120/MWh) qu’il a demandé pour le nouveau réacteur nucléaire d’Hinkley Point C au Royaume-Uni ».
Il est possible que les dirigeants d’EdF ainsi que les fonctionnaires de l’état français impliqués dans les choix énergétiques stratégiques n’aient pas vraiment envie de se poser ces questions car cela les pousserait à remettre en cause des dogmes anciens qu’ils croyaient inébranlables. Un choc non seulement financier mais aussi, et peut-être surtout, culturel.
Pas simplement une « transition » mais une « révolution »
Le coût du solaire PV a chuté de plus de 80% durant les 5 dernières années ce qui ouvre la perspective non seulement d’une transition énergétique mais d’une révolution globale estime Isabelle Kocher, CEO d’Engie, le géant français de l’énergie. « Ce que nous sommes en train de vivre n’est pas de l’ordre d’une transition mais d’une révolution industrielle ».
Alors que le solaire à concentration thermodynamique (« CSP ») couplé au stockage thermique était considéré il y a 5 ans comme promis à un bel avenir par les experts de l’énergie, y compris ceux du think tank d’origine allemande DESERTEC, la compétitivité croissante du solaire PV rebat complètement les cartes. Le CSP n’a cependant pas dit son dernier mot, notamment dans le cadre de systèmes combinés CSP + PV (Lire sur Techniques de l’ingénieur l’article: La prometteuse alliance du solaire avec le solaire !).
Une chute aussi rapide n’était anticipée ni par l’Agence Internationale de l’Energie, ni par les ONG écologistes. Et pas davantage par les stratèges d’AREVA, d’EdF et des Ministères de l’écologie et de l’économie.
Alors que les turbines des centrales nucléaires, au charbon ou hydroélectriques relèvent de la physique classique, le solaire photovoltaïque relève de son côté de la physique quantique. La cinétique d’évolution des coûts est comparable à celle des composants électroniques.
On peut donc s’attendre à un boom du solaire PV aussi explosif que celui des Smartphones.
Olivier Daniélo
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