Début avril, un épisode de gel tardif entraînait des pertes économiques évaluées à près de deux milliards d’euros pour l’agriculture française. Face à de telles répercussions, le réseau international World Weather Attribution qui analyse fréquemment le lien possible entre un événement météorologique extrême et le réchauffement climatique s’est emparé du sujet. Les scientifiques concluent que le changement climatique a augmenté de près de 60 % la probabilité qu’un tel épisode de gel tardif se produise en France en présence de feuilles, bourgeons et de fleurs. Le réchauffement des températures hivernales a en effet avancé la saison de croissance des plantes, rendant alors les cultures plus vulnérables aux épisodes de gel tardif.
Samuel Morin, directeur du Centre national de recherches météorologiques, unité mixte CNRS/Météo France rappelle à l’AFP qu’on « ne peut pas dire d’un événement météo ponctuel : ‘c’est à cause du changement climatique’, mais on peut mesurer à quel point le changement climatique a modifié la probabilité que cet événement puisse se produire ». S’il n’a pas personnellement participé à l’étude, trois autres chercheurs de Météo-France co-signent le rapport, aux côtés de scientifiques de l’Institut Pierre-Simon Laplace, de l’Institut météorologique royal des Pays-Bas, de l’Université d’Oxford et de l’Institut Max Planck de biogéochimie d’Iéna.
Du gel moins fréquent mais une végétation de plus en plus précoce
L’analyse a porté sur la Champagne, la Vallée de la Loire et la Bourgogne et montre deux effets opposés. Sous l’effet du réchauffement climatique, les températures les plus basses entre avril et juillet ont augmenté de 1,2°C dans les régions étudiées. Le réchauffement du climat a donc rendu cette vague de froid en avril moins probable. Mais les hivers étant désormais plus chauds, la saison de croissance se déroule plus tôt dans l’année. Ainsi, le changement climatique rend possible l’apparition de feuilles et de fleurs beaucoup plus tôt dans l’année. « Les cultures démarrent leur croissance plus tôt dans l’année, ce qui les rend plus exposées et vulnérables aux basses températures », prévient l’étude.
« Il y a un paradoxe apparent : le réchauffement climatique peut conduire à une augmentation des dommages causés par le gel, explique Robert Vautard, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à l’Institut Pierre-Simon Laplace. Nos résultats montrent que la saison de croissance commence plus tôt à cause du changement climatique et que les périodes de gel deviennent moins sévères, mais le premier effet est plus important que le second. Par conséquent, la vigne pousse et mûrit plus vite maintenant, mais cela la laisse plus exposée à d’éventuelles vagues de froid. »
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