En 2019, 50,7 millions de tonnes de matières plastiques ont été consommées à l’échelle européenne(1). Parmi elles, environ 8,8 millions de tonnes – soit 17,4 % – de polyéthylènes(2) utilisés pour produire films et autres sacs plastiques. Des plastiques fins et souples qui échappent encore souvent au recyclage – le gisement potentiel est estimé à plus d’un million de tonnes –, ou ne deviennent au mieux que des produits de moindre qualité. En cause, notamment : l’encre qui les recouvre, contraignant les industriels au « downcycling », comme l’explique Arthur Lepage, président de la holding ExcelRise, leader européen sur le marché de l’emballage plastique. « Quand on recycle ces films, les quelques microns d’encre déposés à leur surface rendent la matière recyclée noire ou marron. C’est l’un des obstacles, si ce n’est l’obstacle principal pour pouvoir correctement recycler ces films imprimés », souligne Arthur Lepage. Face à ce constat, la holding qui regroupe ses activités packaging sous l’enseigne « Reborn » s’est lancée dans une aventure industrielle de longue haleine : 10 ans de réflexion sur la faisabilité et plus de 5 ans de R&D. Objectif : créer une ligne de désencrage qui rendrait possible « l’upcycling » des films plastiques imprimés.
Un développement complexe
« Au départ, nous avons essayé des solutions basées sur l’utilisation d’alcool et de solvants. Nous avons construit des prototypes qui brossaient la surface du film. Mais cela ne fonctionnait que pour des films en bobine, là où le gros des déchets arrive en vrac, et uniquement à petite vitesse », retrace Arthur Lepage. Autre piste explorée par le groupe : celle d’un trempage des films dans des bains de solvant avec diffusion d’ultrasons. « Cela permettait de traiter du vrac, mais nous avons rencontré des problèmes de débit. Et l’utilisation de solvants amenait des risques d’explosivité », se remémore le président du groupe Reborn. C’est finalement avec l’appui d’une start-up espagnole que Reborn est parvenu à une solution véritablement opérationnelle, basée sur l’utilisation de détergents en phase aqueuse. « Nous avons travaillé avec eux plusieurs années pour industrialiser le processus, déterminer quels étaient les équipements nécessaires pour mettre en œuvre ces détergents dans le process de recyclage », explique Arthur Lepage.
Un procédé vertueux
Le procédé débute ainsi par un broyage des films, conditionnés au départ sous forme de balles. Les flocons ainsi formés sont ensuite agités dans des bassins remplis d’eau chaude et de détergent, avant de subir un séchage. Une étape répétée deux fois et à l’issue de laquelle les flocons désencrés sont récupérés, puis séchés par centrifugation. Les flocons secs et propres sont ensuite chauffés afin de subir une ultime étape : celle de la granulation. « À l’issue du process, nous récupérons les encres, nous les séchons, et nous obtenons ainsi des boues d’encres en très petite quantité. Ces boues sèches sont ensuite évacuées pour être traitées en tant que déchets », précise Arthur Lepage. L’eau est ainsi utilisée en circuit fermé. Et les vertus environnementales du procédé ne s’arrêtent pas là : l’énergie est également économisée, le procédé ne nécessitant qu’un chauffage modéré de l’eau de lavage, mais aussi du plastique, qui ne dépasse pas les 120°C lors de l’étape de granulation. « Comparée à une granule vierge, une granule de plastique recyclé permet ainsi d’éviter 60 à 70 % des émissions de carbone », assure Arthur Lepage.
Vertueuse sur le plan environnemental, la matière recyclée grâce au procédé de désencrage développé par Reborn est également compétitive d’un point de vue économique, avec un coût comparable à celui de la matière vierge.
Des objectifs ambitieux
Lancée par Reborn en novembre dernier sur son site d’Ogeu-les-Bains (Pyrénées-Atlantiques), cette ligne de désencrage baptisée B.Clear représente une première en France. Un investissement de 3 millions d’euros qui va permettre à Reborn de recycler chaque année 4 000 tonnes de films polyéthylène. Après avoir franchi cette étape, le groupe envisage désormais de déployer huit autres lignes de recyclage sur ses différents sites de production à l’horizon 2025-2026. « Nous visons le traitement de près de 40 000 tonnes de déchets de films plastiques d’ici 2026 », dévoile finalement Arthur Lepage. Un objectif auquel s’ajoute celui de produire, à la même échéance, 80 % de film plastique premium issu de matière recyclée.
- (1) Source : Rapport PlasticsEurope « Plastics — The Facts 2020 »
- (2) Polyéthylène basse densité (PEBD) et polyéthylène basse densité linéaire (PEBDL)
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