En ce moment

Réaliser le coup parfait au squash

Posté le 13 juin 2012
par La rédaction
dans Insolite

Au squash, viser dans les coins permet de déstabiliser l’adversaire, en donnant à la balle une trajectoire imprévisible. Des physiciens français sont parvenus à expliquer ce phénomène appelé « le coup qui tue ». Explications.

Qui eût cru trouver une arme, telle une fronde, dans un laboratoire de recherche ? Et qui eût cru qu’on puisse l’utiliser pour étudier un sport qui n’a même pas la noblesse d’être olympique, le squash ? Pourtant c’est bien ce qui s’est passé ces dernières semaines au laboratoire d’hydrodynamique de l’Ecole polytechnique (LadHyX). Car, pour se distinguer en recherche, il faut parfois savoir identifier la question que personne ne s’était posée. Ainsi, « pourquoi, au squash, taper près des coins rend imprévisibles les trajectoires ? » Pour rappel, ce sport, qui se joue dans une pièce fermée, consiste à envoyer avec une raquette une balle contre un mur et à profiter des parois adjacentes pour déstabiliser l’adversaire.

« Il y a eu moins de dix articles sur la physique du squash en trente ans et aucun ne s’intéresse au comportement de la balle lancée dans les arêtes entre sol et mur ou entre mur et sol, constate Philippe Brunet, spécialiste d’hydrodynamique au CNRS, au Laboratoire Matière et Systèmes Complexes de l’université Paris-VII. En particulier, personne ne peut expliquer ce qui est l’apanage des « grands » de ce sport, le coup qui tue. C’est-à-dire lorsque la balle, après le premier rebond, tape une arête et repart avec une très faible vitesse le long d’un mur ou semble rouler sur le sol, rendant quasiment impossible la remise en jeu. » Cette ignorance ne pouvait durer pour ce chercheur, également pratiquant de ce sport. Il a trouvé deux complices, Caroline Cohen et Baptiste Darbois-Texier, si passionnés d’activités sportives et de physique qu’ils en font leur thèse au LadHyX sous la direction de Christophe Clanet.

Les fameux coups qui tuent

Plutôt que jouer sur un vrai terrain avec des raquettes et s’échiner à taper dans les angles, ils ont préféré un protocole plus pratique : tirer les balles à l’aide d’une fronde dans un coin de Plexiglas et filmer la scène avec une caméra prenant 3 000 images par seconde. Une étuve leur permet de chauffer les balles pour les rendre plus bondissantes, comme en situation de jeu réel. A 70 °C, les balles repartent avec 70 % de leur vitesse initiale. A froid, ce pourcentage n’est que de 35 % environ. Mais ils ont parfois tant chauffé les projectiles que ceux-ci ont doublé de volume et ont rebondi comme des superballes, propriété évidemment écartée des expériences.

Plus d’une centaine de tirs plus tard, les conclusions sont tombées et seront publiées prochainement dans les comptes rendus d’un congrès sur la physique du sport qui s’est tenu en avril.

Première leçon, le ralentissement des balles, mesuré comme le rapport de la vitesse de rebond sur la vitesse initiale, ne tient ni à l’angle d’attaque ni aux vitesses. Tout dépend des points d’impact de la balle contre la première paroi, puis contre la seconde au moment du rebond. Le freinage est le plus important lorsque la balle touche simultanément deux parois, c’est-à-dire tape exactement dans un coin. A vitesse initiale égale, quelque 100 km/h, la vitesse finale peut être deux fois plus petite.

Seconde leçon, il est possible, indépendamment de la vitesse et de l’angle d’attaque, de réaliser un coup qui tue en tapant légèrement au-dessus du coin. La balle ralentit alors fortement et ne rebondit quasiment plus, semblant rouler au sol (si elle tape d’abord le sol, elle file tout près du mur). Il « suffit » que la différence entre les points de contact et de rebond corresponde à un demi-rayon de la balle, soit un centimètre environ. Pas facile à viser, certes…

L’explication se trouve dans la déformation de la balle. En tapant le mur avant le sol, la balle s’aplatit et se déforme beaucoup plus dans la direction verticale que dans la direction horizontale. Elle frotte donc plus sur le mur que sur le sol, sa vitesse est plus diminuée dans une direction que dans une autre et elle repart comme en rase-mottes le long du plancher. Cette intuition a été confirmée par une autre série d’expériences consistant à enduire les balles de glycérol, un liquide diminuant la friction des objets. Après quelques éclaboussures sur les blouses et le Plexiglas, l’équipe a effectivement constaté que ce traitement raréfie les fameux coups qui tuent.

En conclusion, pour que ce sport reste spectaculaire, les parois des salles doivent être le moins glissantes possible et les arbitres doivent surveiller les joueurs qui essuieraient leurs mains suantes dans les coins (ce qui ferait glisser les balles).

Par D.L

Source : LeTemps.ch

 

A lire également : Le ballon de la coupe du monde « trop rond » ?