La production des substances chimiques a connu une ascension fulgurante au cours des 70 dernières années, passant de 1 million de tonnes en 1930 à plus de 400 millions de tonnes actuellement, la part des substances chimiques dangereuses augmentant dans des proportions équivalentes. Si certains produits dangereux sont réglementés voire interdits, les risques liés à l’usage de nombreux produits chimiques sont encore mal identifiés. Cette connaissance insuffisante de l’incidence de ces substances chimiques sur la santé humaine et sur l’environnement entraîne de vives préoccupations tant du public que des autorités. La réglementation européenne en ce domaine, bien qu’ayant évolué depuis une quarantaine d’années, s’est avérée insuffisante pour évaluer correctement les dangers de l’ensemble des substances mises sur le marché et les risques associés à leurs usages. C’est pour répondre à un objectif de meilleure prévention vis-à-vis du risque chimique que la Commission européenne a décidé dès 2001 de mettre en place une nouvelle politique chimique, concrétisée par l’adoption en décembre 2006 du règlement REACH.
Principes généraux du règlement
REACH a donc pour ambition deux objectifs principaux : assurer un haut niveau de protection pour la santé humaine ainsi que l’environnement et renforcer la position concurrentielle de l’industrie chimique européenne. Pour cela, il établit un système intégré d’enregistrement, d’évaluation et d’autorisation des substances chimiques ainsi que de restrictions applicables à ces substances.
« Avec REACH, l’innocuité d’une substance devra être prouvée par l’industriel, faute de quoi la production, la mise sur le marché et la transformation dans l’Union européenne devront cesser »
REACH a introduit une nouvelle ère dans la politique sur les substances chimiques en Europe. Il constitue une véritable refonte du système réglementaire européen en remplaçant près d’une quarantaine de directives existantes. Il s’applique aux fabricants et importateurs, mais aussi aux utilisateurs en aval de substances chimiques, telles quelles ou contenues dans des articles ou des préparations. Il permet d’augmenter les connaissance des propriétés dangereuses des produits chimiques pour une gestion efficace des risques liés à l’utilisation de ces produits tout en promouvant l’utilisation de méthodes alternatives non réalisées sur animaux pour l’évaluation des dangers des substances. Il prévoit le renforcement de la communication et de la mise en œuvre des conditions d’utilisation tout le long des chaînes d’approvisionnement du producteur/importateur à l’utilisateur final. Il tend également à la substitution progressive dans l’Union européenne des substances chimiques les plus dangereuses, en particulier les substances très préoccupantes comme les cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR).
Parmi les dispositions importantes prévues dans le règlement REACH figure par ailleurs la création d’une Agence européenne des produits chimiques (ou ECHA pour European CHemical Agency), basée à Helsinki, dont le rôle est d’assurer la mise en œuvre, la gestion et la coordination administrative, scientifique et technique du système.
Les éléments essentiels de ce règlement sont :
- l’obligation par les producteurs/importateurs de fournir des données sur les propriétés mais aussi sur les usages et les risques des substances qu’ils produisent ou importent à plus de 1 t/an : « Pas de données, pas de marché». Ces dispositions doivent permettre de résorber « la charge héritée du passé » par étapes successives pour acquérir les connaissances adéquates sur toutes les substances chimiques ;
- le renversement de la charge de la preuve ; dorénavant, c’est aux producteurs des substances de prouver que les risques liés aux substances qu’ils produisent sont valablement maîtrisés, et non plus aux autorités publiques. « Il incombe aux fabricants, importateurs et utilisateurs en aval de veiller de fabriquer, mettre sur le marché ou utiliser des substances qui n’ont pas d’effets nocifs pour la santé humaine ou l’environnement. Ses dispositions reposent sur le principe de précaution». Ils doivent donc assurer une gestion responsable des risques et informer la chaîne de leurs utilisateurs en aval. Seules les substances les plus préoccupantes seront traitées par les autorités ;
- la réduction ou la non-utilisation des essais sur animaux en obligeant les déclarants à partager les données dont ils disposent pour une même substance, en favorisant les méthodes in vitroet en évaluant au cas par cas les demandes d’essais sur animaux ;
- la mise en place d’un système unique d’évaluation des substances existantes et nouvelles ;
- la création d’un nouvel outil de gestion des risques qui est la procédure d’autorisation pour les substances extrêmement préoccupantes pour inciter à la substitution de celles-ci ;
- la reprise de la procédure précédente de la directive « Limitations » sous une forme légèrement différente pour gérer les risques non couverts par ailleurs.
L’ensemble de ces dispositions étant inscrit dans un règlement, c’est une réelle harmonisation de la politique chimique européenne qui se met en place, car ce dispositif évite les délais d’application et les différences de transpositions dans les droits nationaux. Les sanctions et dispositifs de contrôle seront toutefois régis par des textes nationaux.
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REACH : une nouvelle réglementation pour les substances chimiques, un article de Huguette DÉCHARIAUX