L'ASN a reçu les rapports contenant les conclusions de l'audit sur le parc nucléaire français. Entre satisfaction des exploitants et bronca des anti-nucléaires, quels sont les premiers résultats des analyses, des stress-tests et des évaluations complémentaires ?
Au lendemain du début de la catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon, il y a maintenant plus de six mois, le gouvernement français, par la voix du premier ministre François Fillon, avait commandité un audit de sûreté concernant les 150 installations nucléaires françaises. Dans le même intervalle, la tenue de tests de résistance (« stress-test ») avaient été exigés par le Conseil Européen afin d’évaluer la capacité de résistance des centrales européennes « à des phénomènes naturels aussi extrêmes que ceux qui se sont abattus sur Fukushima Daiichi ». Le risque terroriste a lui été exclu des stress-tests.
Près de six mois après Fukushima et au lendemain de l’explosion d’un four dans le centre de traitement des déchets nucléaires près de Marcoule, l’ASN a reçu les rapports qu’elle a promis de publier sur son site après analyse courant novembre, comme l’a demandé le ministre de l’énergie Éric Besson. Seules les 80 installations jugées prioritaires, sur un total de 150, ont pour le moment été examinées, les exploitants ayant encore un an pour peaufiner leur rapport sur les 70 installations restantes. Comme le rappelle Jean-Christophe Niel, directeur général de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, « Après Fukushima, il y aura des évolutions dans les démarches de sûreté, mais c’est une démarche très progressive, à approfondir ultérieurement. ».
Partialité des tests ?
Les stress-tests, qui concernent essentiellement les 58 réacteurs exploités par EDF ainsi que l’usine de traitement des combustibles usés de La Hague, dans la Manche,et l’usine Melox, dans le Gard, fabriquant du combustible recyclé MOX, destiné à alimenter les réacteurs à eau légère de différents pays, tous deux gérés par Areva, sont d’ores et déjà contestés par de nombreuses associations et mouvements anti-nucléaires, dénonçant la méthode employée. « Aucune crédibilité ne peut être accordée à l’autoévaluation de ses activités par une entreprise commerciale, qui n’a donc aucune envie de voir ses installations mises à l’arrêt », explique l’ONG Observatoire du Nucléaire.
Satisfaction des exploitants
Autre son de cloche, les exploitants des installations nucléaires jugées prioritaires, à savoir EDF, Areva et le CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique) se montrent satisfaits des résultats des études menées. EDF rapporte que « le niveau de robustesse actuel » des 19 centrales nucléaires qu’elle gère « procure une marge satisfaisante » les mettant en principe à l’abri d’un accident de type Fukushima. Les moyens de secours « en cas de perte totale et cumulée des sources électriques et de refroidissement » sont eux aussi jugés robustes et suffisants par l’exploitant français.
Les estimations d’EDF concernant la possible fusion du cœur d’un de ses réacteurs tablent sur un minimum de 24 heures s’il subsiste une pompe pour alimenter le générateur de vapeur, sur « quelques heures » si le réacteur était livré à lui-même. « Dans cette dernière situation extrême, c’est le confinement assuré par le bâtiment réacteur qui apporte une autonomie de un à trois jours, selon les scénarios d’accidents, avant rejets significatifs dans l’environnement », souligne EDF, arguant que les rejets seraient « très inférieurs à ceux enregistrés à Fukushima ».
Areva, de son côté, se veut aussi rassurant que l’électricien français, estimant qu’il n’apparaissait pas « de risques de nature nouvelle par rapport à ceux déjà pris en compte à la conception » de l’usine de traitement des combustibles usés de La Hague.
Mise en œuvre de « parades supplémentaires »
EDF propose la mise en œuvre de certaines « parades supplémentaires » en réponse à l’éventualité de la reproduction d’un scénario japonais : installation de pompes autonomes afin de garantir la présence d’une source de refroidissement au sein du réacteur, installation sur chaque site d’un groupe électrogène dit « d’ultime secours », création d’une force d’intervention appelée FARN (Force d’Action Rapide Nucléaire) sans toutefois préciser ses spécificités.
Un des points les plus importants concerne l’arrêt du recours à « la sous-traitance en cascade », à savoir lorsque des sous-traitants sous-traitent eux même pour l’exécution de certaines taches et opérations, parfois même à risques. L’accent a été mis sur la formation de ces employés, tout en réduisant l’opacité absurde et la diminution des compétences qu’elle provoque, au détriment de la sécurité.
Fessenheim cristallise les peurs
Les inquiétudes concernant la centrale de Fessenheim, doyenne des centrales françaises contre laquelle 1500 personnes ont encore manifesté ce dimanche à l’appel de nombreuses associations, ne semblent par ailleurs pas se calmer. Sont notamment mis en lumière la vétusté supposée des installations, le risque d’inondation, de séisme et de pollution à grande échelle avec la proximité du grand canal d’Alsace, ainsi que la dalle de béton, le radier, sur laquelle repose le réacteur numéro 1, dont la consolidation semble indispensable de l’aveu même de l’exploitant EDF, et que l’ASN a ordonné pour avant la fin de l’année. La centrale est pour le moment arrêtée pour raison d’entretien, durant « plusieurs semaines ».
Calendrier
Les analyses et les conclusions de l’ASN concernant les documents des audits de sûreté réalisés par les exploitants des installations nucléaires devraient être livrées courant novembre lorsqu’elles auront été complétées par le programme de trente-huit inspections dans chacune des centrales. Les rapports seront ensuite transmis à la Commission Européenne le 31 décembre. Pour ce qui est du calendrier des inspections des autres installations, considérées comme « non prioritaires », tout devrait se jouer en fin d’année prochaine. Du côté des exploitants, aucun calendrier n’a été avancé, mis à part le renforcement du ravier de Fessenheim prévu pour la fin d’année.
Du côté gouvernemental, on se félicite de la transparence et de la bonne tenue de l’audit. Rappelons que le ministre de l’énergie Éric Besson a déclaré vendredi dernier que le scénario d’une réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’énergie en France pour 2025 était « à l’étude ».
Par Moonzur Rahamn
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