En avril 2022, le discours de quelques jeunes diplômés d’AgroParitech, relayé sur les réseaux sociaux, a permis de donner une dimension supplémentaire à une tendance forte. Celle des ingénieurs à vouloir être acteurs des grandes transitions en cours.
Le discours des jeunes d’AgroParitech, rejetant leur diplôme et disant leur refus de travailler pour des entreprises dites destructrices, est radical : « Nous sommes plusieurs à ne pas vouloir faire mine d’être fiers et méritants d’obtenir ce diplôme à l’issue d’une formation qui pousse globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours. »
Dans les faits, les enquêtes montrent que l’immense majorité des ingénieurs sont en adéquation avec les valeurs des entreprises dans lesquelles ils exercent. En 2019 en tout cas, 86 à 90 % des ingénieurs l’étaient. Depuis, la crise sanitaire, avec le spectaculaire blocage du commerce mondial, a mis en avant certaines limites du système actuel. Les ingénieurs en poste et tous les aspirants à le devenir sont désormais invités à repenser leur métier afin d’incarner totalement leurs valeurs personnelles.
Les (jeunes) parcours professionnels des « bifurqueurs » d’AgroParitech illustrent d’ailleurs cet état de fait.
Cela dit, il convient de replacer l’ingénieur dans son contexte premier, celui d’un travailleur. Les tensions sur le marché de l’emploi, notamment pour certaines catégories d’ingénieurs, soulignent une réalité : la France ne forme pas assez d’ingénieurs. 44 000 en 2021, alors qu’il en aurait fallu 60 000.
Avec un taux de chômage en 2021 de 3,2%, le constat est clair : le diplôme d’ingénieur reste un chemin sûr vers l’emploi, sur un marché relativement tendu.
Si les aspirations profondes des ingénieurs évoluent, leur volonté de développer des compétences plus larges également : ils sont 91% à attendre de leur futur employeur des formations et l’acquisition de nouvelles compétences (chiffre de 2021). Il s’agit d’une composante forte des aspirations des futurs ingénieurs.
Un autre élément important, qui a émergé à l’occasion de la crise sanitaire, est le télétravail. C’est aujourd’hui un élément important dans le « package » proposé aux ingénieurs à l’embauche. Selon le poste, la mise en place du télétravail peut être difficile, et certains travailleurs ne sont pas forcément demandeurs, mais il s’agit aujourd’hui d’un élément de négociation non négligeable. Et qui permet à certaines entreprises de se différencier et d’attirer les ingénieurs.
Selon une étude menée par le groupe Ausy et Infopro en 2021, la crise sanitaire, encore elle, a fait émerger des secteurs d’activité nouveaux, qui séduisent les ingénieurs. Si le secteur informatique reste porteur, c’est l’émergence et la croissance record de la vente en ligne, avec ses technologies associées, qui séduit aujourd’hui énormément d’ingénieurs.
Juste derrière le commerce, c’est le secteur aéronautique et automobile qui attire le plus les ingénieurs. Le secteur automobile, en pleine mutation, mobilise beaucoup d’opportunités pour les ingénieurs, nombreux, en quête de défis technologiques. Ceci est également vrai pour le secteur aéronautique.
Le secteur qui arrive en troisième position est celui des énergies, juste devant les technologies de l’information.
Ces aspirations sectorielles, ainsi que les attentes en termes de valeurs, de salaire et de qualité de vie au travail, sont autant d’ingrédients que les entreprises vont devoir réunir pour attirer les futurs ingénieurs, qui sont aujourd’hui en France une denrée rare.
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