Les appels d’offres et les études prospectives partageant différents coûts présents ou à venir des technologies éoliennes et solaires se succèdent et engendrent de la confusion. Il n’est pas aisé de savoir ce que ces prix contiennent : opération, maintenance, développement du réseau… Sean Vavasseur, responsable système électrique au Syndicat des Energies Renouvelables (SER), nous aide à y voir plus clair. Il s’occupe des questions d’intégration aux réseaux des énergies renouvelables électriques. Auparavant, il a notamment travaillé à la coopération scientifique internationale à l’ambassade de France en Allemagne. Il est diplômé de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) et ingénieur de l’Université franco-allemande (INSA de Lyon & KIT de Karlsruhe).
Techniques de l’ingénieur : Lorsque l’on construit des scénarios de développement des ENR, parle-t-on de coûts ou de prix ? Quelle est la différence ?
Sean Vavasseur : Les scénarios de prospective se construisent en termes de coûts, pas de prix. Il y a un principal problème dans le débat, c’est que l’on confond souvent les deux notions. Lorsque l’on estime le coût du mégawattheure, on parle de « Levelized cost of energy » (LCOE – coût actualisé de l’énergie), qui intègre CAPEX (“capital expenditures” – dépenses d’investissements) et OPEX (“operational expenditures” – dépenses d’exploitation) et varie selon la durée de vie, le facteur de charge et le taux d’actualisation que vous supposez. Le LCOE peut donc être prospectif si vous prenez des CAPEX/OPEX prospectifs pour 2050, mais il peut aussi être calculé pour une installation qui vient d’être mise en service. Cependant, comme l’on ne sait jamais en amont la durée de vie réelle de l’installation, ni son facteur de charge à venir, son évaluation sera toujours d’une certaine manière prospective. Les CAPEX & les OPEX sont des données plus « concrètes », vu qu’elles correspondent « dans la vraie vie » plus ou moins aux bilans comptables des exploitants.
L’étude de 2017 du Centre de recherche commun (JRC) de la Commission européenne est, avec les données annuelles de coûts de l’énergie de l’ADEME, la référence la plus fiable concernant les coûts à venir des moyens de production d’électricité pour 2050, avec des taux d’apprentissage réalistes qui projettent des baisses de coût dans le secteur de l’éolien et du solaire. Les prix, quant à eux, dépendent de nombreux facteurs politiques (taxes, impositions, disponibilités du foncier…) et d’organisation du marché (financement des réseaux, mode de soutien et de valorisation de l’électricité…). Nous ne pouvons pas vraiment prédire comment le système électrique et les marchés seront organisés demain pour produire un prix. Actuellement sur la base des coûts et de ces facteurs non-techniques, il y a un prix qui se forme dans le cadre des appels d’offres. Ce prix varie par exemple selon les facteurs de charge, qui dépendent globalement des caractéristiques du site et des conditions des autorisations d’exploiter délivrées par les pouvoirs publics.
Quels sont donc les OPEX et les CAPEX de l’éolien et du solaire ?
Autant sur l’éolien que sur le solaire, la plupart des dépenses se font au tout début du projet. Actuellement, pour installer un mégawatt d’éolien terrestre en France, la dépense d’investissement initiale (CAPEX) se situe entre 1 et 1,7 million d’euros par mégawatt (€/MW). Cela dépend des caractéristiques de l’éolienne, notamment sa hauteur et la longueur des pales. Il y a en plus des coûts de maintenance de l’ordre de 40 000 euros par mégawatt et par an. Pour l’éolien en mer posé, les CAPEX tournent autour de 2,6 millions d’euros par mégawatt, tandis que les OPEX avoisinent les 60 000 €/MW par an. Les projections prévoient une baisse de 30 à 50 % des coûts pour ces technologies d’ici 2050, aussi bien pour les CAPEX que pour les OPEX.
Sur des centrales solaires photovoltaïques au sol, les coûts d’installation et de raccordement sont de 800 000 euros par mégawatt installé. Les OPEX se situent autour de 10-15 000 €/MW par an. D’après les projections, ces montants pourraient aussi être divisés par deux d’ici 2050. Le facteur de charge étant quasiment double pour l’éolien comparé à celui du solaire, on retrouve un coût du mégawattheure assez proche (entre 45 et 70 €/MWh actuellement en France selon les technologies), même si le solaire a de plus en plus un petit avantage, dépendant de l’ensoleillement des sites. Des prix records ont notamment été proposés par des centrales au Portugal ou en Tunisie à moins de 20 €/MWh.
Les coûts de développement des réseaux sont-ils compris dans ces coûts ?
Chaque région française a un S3REnR, un schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables terrestres. Il prend en compte tous les besoins réseaux amont nécessaires au raccordement des volumes permettant d’atteindre l’objectif d’ENR défini, et planifie les raccordements sur cinq à dix ans. En fonction du nombre de mégawatts à raccorder, cela donne une quote-part payée par les producteurs (entre 30 et 80 000 €/MW selon les régions). Cela permet de mutualiser et de solidariser les différents producteurs d’ENR dans l’investissement réseau. À cette quote-part s’ajoutent les « ouvrages propres », c’est-à-dire le coût du raccordement sur le réseau de distribution (autour de 70 000 €/MW). Il n’y a pas de coûts cachés de construction des réseaux contrairement à ce qui est souvent dit pour les ENR terrestres. Il y a simplement une petite partie de l’extension des réseaux terrestres, de l’ordre de 10 %, qui est payée par les consommateurs via le Tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE).
Ce n’est pas la même chose pour l’éolien en mer. Pour cette technologie, les coûts réseau ont été complètement intégrés par RTE depuis les lois « hydrocarbures » (2017) et « ESSOC » (2018). C’est le TURPE et donc le consommateur qui paiera le développement des réseaux en mer.
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