Le smartphone est l’appareil numérique symbole d’une évolution majeure, qui a débuté à la fin des années 2000 : l’avènement des outils numériques, devenus indispensables à l’homme, aussi dans sa vie personnelle que professionnelle.
Le smartphone, à l’instar des ordinateurs, appartient aujourd’hui à cette catégorie. On parle même de prothèse numérique, tant sont nombreux ceux qui l’utilisent plusieurs heures chaque jour.
La problématique autour des ressources de matières premières est double, en ce qui concerne la production d’appareils numériques. Il y a comme nous venons de l’évoquer, une réalité en termes de quantité disponible sur Terre. Nous allons le voir, ces quantités sont extrêmement variables selon le matériau concerné.
Le second aspect de cette problématique réside dans une réalité purement humaine : les conditions d’extraction des matières premières entrant dans la composition des appareils numériques sont parfois critiquables, voire illégales. Généralement, l’extraction de ces matières premières a lieu dans des pays en conflit, en guerre.
Quelques exemples symboliques de cette situation : L’étain, un métal extrait à partir de cassitérite, est exploité dans de nombreux pays. Ainsi, la Malaisie, l’Indonésie, le Nigéria, la Thaïlande, Myanmar et la République démocratique du Congo possèdent des gisements exploitables, mais ces pays, à divers degrés, sont dans des situations de guerre ou d’instabilité politique très prononcée.
Le tantale, un métal peu corrosif et très conducteur, est indispensable pour fabriquer des téléphones mobiles. Il provient des gisements de coltan, dont les deux tiers des réserves mondiales se situent en République démocratique du Congo, pays qui alterne entre guerre civile, conflits armés avec les voisins directs, et instabilité politique : ces trois éléments étant d’ailleurs – pas toujours – directement liés aux ressources enfouies dans le sous-sol de ce pays d’Afrique.
Ces réalités ont une influence sur les cours de ces matières premières, qui peuvent s’envoler ou plonger à tout moment, selon le contexte spécifique dans certaines parties du monde. La situation actuelle, mêlant une crise sanitaire sans précédent et une guerre sur le sol ukrainien en témoignent, entraînant pour certains secteurs industriels des difficultés d’approvisionnement inextricables, et pour d’autres une envolée du prix des matières premières qui fait exploser leur modèle économique.
La composition de nos smartphones met en avant cette réalité, et la nécessité de prendre en compte ses composantes temporelles et spatiales, pour anticiper les difficultés autour de tel ou tel matériau, dans les pays où ils sont extraits.
Nos smartphones regorgent de ces matériaux. On en dénombre pas moins de 70 différents dans un modèle standard : plastiques, verre, métaux ferreux, précieux, cobalt, carbone… un véritable casse-tête en termes de recyclage, puisque la petite taille de nos appareils mobiles rend plus ardue les processus de démantèlement et de recyclage. Qui sont pourtant importants pour ces filières, qui produisent de plus en plus d’appareils.
Ainsi, dans le cas d’un smartphone, la composition moyenne fait état de métaux non ferreux comme l’aluminium ou le cuivre, à hauteur de 2,4 %. Viennent ensuite les métaux ferreux – 5,6 % – qui composent en général la structure du téléphone. Les substances réglementées entrent pour 24,3 % dans la composition d’un smartphone. Ces substances, dont certaines sont rares sur Terre, sont utilisées pour fabriquer les batteries : leur usage est extrêmement contrôlé. Enfin, un quart des smartphones est composé de cartes électroniques, elles-mêmes faites de métaux et de plastiques. Le reste des téléphones intelligents va se retrouver sous forme de plastiques, qui constituent environ un tiers de l’appareil.
Ainsi, la problématique des matériaux composant nos smartphones – et plus globalement la majorité des appareils électroniques – est très complexe.
Les matières premières issues des pays instables interrogent de par leur disponibilité pour le commerce et au-delà, la croissance exponentielle des usages d’appareils électroniques pose la question essentielle du recyclage. Cette dernière question, si elle fait l’objet d’une attention particulière des décideurs, semble aujourd’hui très sous-estimée.
Par Pierre Thouverez
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