Avec ses scénarios énergétiques et climatiques aux horizons 2030 et 2050 et l’évaluation macro-économique de ces scénarios, l’ADEME se veut optimiste en proposant la vision d’une France où l’économie verte est source de croissance et d’emplois. En 2030, environ 330 000 emplois supplémentaires pourraient être créés ; et entre 690 000 et 875 000 en 2050. Si quelques emplois seront supprimés dans les centrales thermiques, les centrales nucléaires et le secteur automobile, beaucoup d’autres seront créés dans les énergies renouvelables, le tertiaire, les transports collectifs, les biocarburants, et le BTP.
Concrètement, les visions énergétiques pour 2030 et 2050 répondent aux objectifs de diminution par deux de la consommation énergétique à l’horizon 2050 et la division par quatre des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. Ainsi, l’ADEME prévoit de passer d’une consommation énergétique française totale de 151 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) en 2010 à 123 Mtep en 2030 et 82 Mtep en 2050. Pour atteindre le facteur 4, elle prévoit que les émissions passeront de 525 millions de tonnes équivalent CO2 (Mt CO2 eq) en 1990, à 313 Mt CO2 eq en 2030 (-40%) et 131 Mt CO2 eq en 2050 (-75%).
L’ADEME n’a pas fait d’hypothèses concernant des ruptures technologiques fortes afin de montrer que les objectifs pour 2050 sont atteignables en développant les technologies actuelles. Les experts ne parient donc pas sur le stockage du CO2 en sous-sol ou sur l’émergence de biokérosène pour l’aviation, mais plutôt sur le développement des énergies renouvelables matures et le développement des transports alternatifs.
Quels changements dans les infrastructures du quotidien ?
Pour atteindre les objectifs, l’ADEME mise sur les bâtiments à énergie positive ou basse consommation, en neuf comme en rénové. Dès 2020, tous les bâtiments neufs seront en effet à énergie positive. Mais, c’est surtout en parvenant à rénover 500 000 logements par an d’ici 2030, puis en accélérant la dynamique, que l’on parviendra à avoir rénové l’ensemble du parc français, soit les 27 millions de logements, en 2050. Vers 2030, l’agence suppose aussi que les habitants se tourneront davantage vers le petit collectif,en appartement ou dans des maisons partagées, plutôt que vers des logements individuels.
En parallèle, la consommation des ménages diminuera grâce à des appareils toujours plus efficaces en énergie, des équipements de chauffage plus performants (généralisation des pompes à chaleur) et une meilleure efficacité énergétique active par pilotage des équipements. L’agence a estimé qu’en 2030, tous les foyers français auraient les meilleurs équipements mis sur le marché actuellement.
Aujourd’hui, le covoiturage et l’autopartage ne sont plus des signaux faibles. « On a supposé que cela peut prendre une part croissante », indique François Moisan, directeur scientifique à l’ADEME. Les voitures particulières seront donc en partie remplacées par des voitures électriques ou roulant au biométhane. Si le secteur des transports représentait 44 Mtep en 2010, l’ADEME mise sur un secteur ne représentant plus que 35,8 Mtep en 2030 et 15 Mtep en 2050. Pour atteindre cette baisse, elle imagine un parc constitué à 4 % de véhicules électriques ou roulant au biométhane en 2030 et 28 % en 2050. C’est surtout à partir de 2030 que l’autopartage et les véhicules à propulsions alternatives devraient s’imposer.
Au milieu du siècle, les comportements auront bien changé : en ville, 30 % des déplacements se feraient en véhicules partagés, 20 % en véhicules individuels, 25 % en transports collectifs, 15 % en vélo et 10 % en deux roues motorisés. Pour limiter la baisse des émissions de gaz à effet de serre, l’agence estime que les véhicules neufs n’émettront plus que 49 gCO2/km en 2030 et autour de 25 gCO2/km en 2050, contre 130 gCO2/km en 2010. La part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale (électricité, chauffage et carburant) pourrait quant à elle passer de 12 % en 2010 à 35 % en 2030 et plus de 55 % en 2050.
Comment cela se traduit-il dans nos modes de vie ?
L’ADEME insiste sur le fait que la trajectoire imaginée est compatible avec le confort et le bien-être des citoyens. La sobriété, ce n’est pas un changement radical de nos modes de vie, mais plutôt une évolution vers plus de partage et d’efficacité. En 2030 et 2050, il n’y aura pas un mode de vie généralisé ou imposé, mais une diversité de ces modes en fonction de la localisation de son logement, de ses revenus, de la typologie de son foyer ou encore de son âge. « On a identifié 8 familles type en 2030 et 8 familles en 2050 pour montrer quels seraient leur mode de vie », précise François Moisan. Les experts ont ensuite traduit ces modes de vie en consommations d’énergie annuelles et en émissions de gaz à effet de serre.
En matière de transports, les ménages en zone rurale ou en banlieue isolée dépendront encore de leur voiture personnelle pour leurs déplacements, bien qu’ils favorisent le covoiturage au quotidien et le vélo pour leurs trajets courts, à l’instar de Lucile et Mathias en 2030. L’avion ne disparaitra pas et les citoyens seront évidemment encore libres de voyager. Mais en l’absence de rupture technologique imaginée dans ce scénario, un seul voyage de longue durée, comme celui de Philippine et Abel prévu en 2050, suffira à faire exploser les émissions du couple pour l’année…
L’agence se veut toutefois optimiste. « Aucun de ces ménages n’est « parfait », « exemplaire » sur tous les plans, mais si l’on fait la moyenne de l’ensemble des familles, cette moyenne globale est proche de l’objectif collectif fixé en termes de consommation d’énergie et de bilan d’émissions de gaz à effet de serre », prévoit l’ADEME.
Aller plus loin :
Pour découvrir l’ensemble des 8 familles, voir le rapport Visions énergie climat & Modes de vie (PDF – 5,3 Mo)
Pour en avoir un aperçu, lire la synthèse du rapport (PDF – 2,4 Mo)
Quelques chiffres clés (PDF – 1,3 Mo)
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
Cet article se trouve dans le dossier :
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