« Une zone de culture, c’est à peu près 3 à 6 m2 de feuillage pour 1 m2 de sol, qui sont des capteur de polluants, de poussières, de tout ce qui peut être présent dans l’atmosphère extrêmement efficaces », rappelle Jean-François Castell,Maître de Conférence « Surveillance de la qualité de l’air, ozone et végétaux » à AgroParisTech.La pollution qui se dépose sur les plantes est diverse et varie dans l’espace et dans le temps. On y retrouve pêle-mêle : ozone, nitrates, sulfates, particules fines, pesticides, etc. L’entrée de ces polluants dans la plante va être contrôlée par les stomates, orifices présents à la surface des feuilles, suivant son état de santé et de développement.
Les cultures ne sont pas exposées aux mêmes pollutions d’une région à l’autre, et la nature des pollutions varie au cours des saisons. Au cours de leur vie, les végétaux sont donc exposés à des successions de combinaisons de polluants atmosphérique, dont les effets cumulés sont encore mal connus. Si les réponses des plantes varient d’une espèce à l’autre, elles varient aussi au sein d’une même espèce.
Quels effets sur les rendements ?
Les effets sur les rendements sont variés et dépendent des types de culture. « L’ozone est considéré comme le principal polluant qui peut avoir un impact sur les végétaux », note Jean-François Castell. L’ozone va jouer sur les mécanismes de la photosynthèse et entraîner des pertes de rendements ou des dégâts foliaires lorsque sa concentration est trop importante. Pour les variétés sensibles*, les pertes de rendement sont de l’ordre de 10 % dans nos régions, et peuvent dépasser 30 % en zone méditerranéenne. Elles atteignent régulièrement 15 % en région parisienne pour le blé. Pour l’ensemble de la zone européenne, les pertes de rendements du blé se chiffrent à environ 3 milliards d’euros selon une étude réalisée par ICP Vegetation.
Quels effets sur la qualité des produits ?
L’ozone modifie les aspects qualité, mais les données sont encore insuffisantes pour établir des relations dose-impact satisfaisantes. « La qualité boulangère des blés français n’est pas forcément excellente par rapport au blé d’Europe centrale : n’est-ce pas un effet de la pollution atmosphérique ? », s’interroge Jean-François Castell. Les cherheurs notent aussi une légère augmentation de la teneur en protéines des grains/tubercules pour le blé et la pomme de terre, mais plutôt une diminution de la teneur protéique pour le colza.
Plus grave : les polluants peuvent aussi s’accumuler dans les tissus végétaux. C’est notamment le cas des métaux lourds, des HAP et des autres polluants organiques persistants. Lorsque des incinérateurs d’ordures ménagères, de centrales thermiques, des axes de transport routier ou de transport aérien sont situés à proximité des champs, l’impact peut être non négligeable. Une étude réalisée à Berlin** sur des salades cultivées près d’axes routiers a, par exemple, montré des teneurs en plomb croissantes en fonction de l’intensité du trafic. A Paris, des études similaires sont en cours afin d’étudier la teneur en polluants éventuels pour différentes cultures en ville. Les premiers résultats devraient être communiqués en fin d’année.
Quels effets sur la fertilité des sols et la valeur écologique ?
Les dépôts acides (H+, SO42–, NO3–) amplifient l’acidité des sols et diminuent leur qualité. Au contraire, les dépôts azotés accroissent le développement des plantes. Les sols de plus en plus acides vont alors perdre des éléments minéraux nécessaires à la croissance des plantes, parallèlement à des dépôts azotés favorables à leur croissance. Le déséquilibre est total. « Cela se traduit par une croissance accrue, mais dès qu’il y a un accident climatique ou une pression de maladie, il va y avoir des dégâts et des modifications de fonctionnement des plantes », analyse Jean-François Castell.
Au final, ces pollutions ont des conséquences économiques sensibles. La mise en place de stratégies d’adaptation pour limiter les impacts des polluants apparaît nécessaire. La solution de simplicité serait d’utiliser des traitements pour protéger les plantes de l’ozone ; ceux-ci existent. Mais il serait préférable de diminuer les émissions de polluants et de précurseurs d’ozone. Une stratégie complémentaire serait de déplacer les dates de semis par rapport aux pics de pollution et de préférer les variétés résistantes à l’ozone, propose le chercheur. « Pour s’adapter, l’agriculture devra peut-être choisir des cultures qui répondent mieux à des concentrations croissantes de polluants », envisage Jean-François Castell.
Par Matthieu Combe
* Espèces sensibles à l’ozone : blé, soja, cotonnier, melon, légumes à gousse (haricots, pois, fèves…), navet, oignon, laitue, tomate. Espèces modérément sensibles à l’ozone : betterave, colza, pomme de terre, tabac, riz, vigne, chou, maïs, luzerne. Espèces tolérantes à l’ozone : orge, prunier, fraisier, seigle, brocoli
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