Si certaines briques technologiques nécessaires au développement d’un véhicule totalement autonome sont d’ores et déjà développées, de nombreux freins restent à surmonter concernant la sécurité des capteurs et l’adaptation de la réglementation existante.
Les véhicules totalement autonomes ne sont pas pour tout de suite. « Avant qu’une voiture soit capable de comprendre quelle va être l’attitude des autres véhicules qui atteignent un carrefour, on a encore du travail », reconnaît Rémi Bastien, Directeur de l’innovation de Renault.
Mais, progressivement, certaines phases de conduite ou des fonctions de conduite vont gagner en autonomie. « Par exemple, on va avoir des convois de véhicules qui vont pouvoir se déplacer de façon autonome et libérer ainsi les chauffeurs, on va avoir des phases de freinages d’urgences qui vont pouvoir être automatisées », prévoit Jean-Hubert Wilbrod, Président de Neavia, entreprise spécialisée dans la surveillance et la gestion du trafic. La voiture autonome, ce sera aussi prochainement la voiture qui peut se garer toute seule. D’ores et déjà, certains véhicules présentent quelques fonctions autonomes : ils allument les feux ou les essuie-glaces automatiquement, ils régulent la vitesse, fournissent une assistance au changement de file…
Bientôt des véhicules de série partiellement autonomes ?
Lors du CES de Las Vegas, Audi a présenté un module de pilotage automatique dans les embouteillages. Si le conducteur peut lâcher ses mains du volant lorsque la voiture évolue en mode automatique, dans l’état actuel de la réglementation française, le conducteur doit rester vigilant et concentré sur la route. Cette A7 automatisée entend libérer le conducteur de la corvée des bouchons, car elle est capable de rouler sans intervention humaine sur des voies rapides embouteillées, jusqu’à 65 km/h.
En France, PSA veut aussi donner plus d’autonomie aux véhicules pour plus de sécurité et plus de confort, notamment dans les bouchons. Les travaux du constructeur portent sur des arrêts automatiques et le redémarrage tout en restant dans sa file. Ces systèmes seront couplés avec des systèmes de reconnaissance de vigilance, par exemple par caméras de reconnaissance faciale pour vérifier l’état d’attention du conducteur. Renault est également sur le coup : « Ces premières étapes ne sont pas du tout utopiques, on est certain chez Renault que cela interviendra avant 2020 », prévient Rémi Bastien.
Point noir : la sécurité avant tout !
Quelle doit être la fiabilité de ces systèmes ? « On a en France 700 milliards de km parcourus chaque année en France approximativement ; en face, on a environ 56 000 accidents corporels. Cela veut dire que l’on a 1 accident corporel tous les 12,5 millions de km. Pour arriver à ces niveaux de fiabilité, il va falloir non seulement mettre des capteurs, fusionner les données, mais aussi avoir […] de la communication véhicule à véhicule », précise le Président de Neavia. Comme dans plus de 80 % des cas d’accidents, la cause est humaine, « utiliser davantage de capteurs bioréactifs est un moyen d’améliorer la sécurité », assure de son côté Rémi Bastien. « Les technologies disponibles vont permettre très rapidement de démontrer la capacité à élever énormément le niveau de sécurité », précise-t-il.
La prise de contrôle par la voiture lorsque les conditions de sécurité sont rapidement maîtrisées devraient donc voir le jour en premier : c’est notamment la conduite en embouteillage sur des grands axes et les voitures qui se garent toutes seules dans les parkings. Les constructeurs reconnaissent qu’il faut tout de même continuer à travailler sur les capteurs et l’intelligence artificielle pour plus de sécurité.
Pour démontrer la fiabilité de ces systèmes, il faut autoriser des essais à grande échelle, mais là encore, le bât blesse. Un autre frein capital au développement du véhicule autonome est en effet l’absence de responsabilité définie prévue par la réglementation en cas d’accident. Pour prévoir une expérimentation à grande échelle, il faudra donc adapter le cadre réglementaire et ne pas dégrader les conditions de sécurité. « On a besoin de pouvoir démarrer des expérimentations en grandeur réelle autorisées et réfléchir à comment faire évoluer la réglementation, sans doute par étapes, où on pourra démontrer par étapes que l’on augmente la sécurité », assure Rémi Bastien.
Comment adapter l’infrastructure ?
Si l’on veut développer des véhicules autonomes et connectés, il ne faut pas oublier la nécessité d’adapter les infrastructures existantes. « Le véhicule connecté va avoir à trouver son usage par rapport à d’autres usages de l’infrastructures », explique Jean-Louis Marchand, Directeur général adjoint d’Eurovia, concepteur de route français. Comment adapter l’infrastructure au véhicule autonome ? « On est au niveau zéro de la réflexion », affirme-t-il.
Il y a en plus un problème de gouvernance des réseaux routiers en France. Ces réseaux comprennent 20 000 km de routes nationales, gérées par le ministère de l’Écologie, 380 000 km de routes départementales gérées par les départements et 650 000 km de routes communales gérées par les communes. Il n’y a pas de structure de coordination réelle entre ces différentes gestions. « Il va bien falloir que l’on soit capable de dire dans les années qui viennent sur quel réseau on est capable d’accepter tel ou tel type de véhicule susceptible de recevoir tel ou tel niveau de service intelligent et on n’échappera pas à cette réflexion » conclue Jean-Louis Marchand.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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