La transition énergétique se fait simultanément et souvent en lien avec d’autres transitions comme celle du numérique et celle des modèles économiques devant répondre aux nouveaux usages de la mobilité, des bâtiments, des villes durables, etc. L’ensemble des filières valorisant les gaz, la chaleur et les services qui y sont associés vivent ces évolutions et s’interrogent sur les besoins en nouvelles compétences et sur l’avenir de leurs métiers. Un accord-cadre d’engagement de développement de l’emploi et des compétences (EDEC) entre l’État et les branches professionnelles concernées a été l’occasion d’une étude pour donner une perspective à l’horizon 2030.
L’étude, publiée fin avril dernier, a été réalisée par Adecco Analytics et LHH. Elle englobe tous les maillons, de la production (méthane, chaleur, hydrogène) à la commercialisation, en passant par le transport, la distribution et les services énergétiques, équipements et installations dans tous les secteurs (mobilité, industrie, résidentiel et tertiaire, collectivités). Elle exclut l’extraction de pétrole et de gaz, ainsi que le raffinage et le transport par méthanier/gazoducs. À fin 2021, il y a environ 231 400 emplois directs et indirects existants dans ces différents maillons, le plus important étant celui des services (179 000 emplois). On dénombre 15 180 entreprises, dont 75 % de TPE et 11 % de PME, regroupant ensemble 58 % des salariés de ces filières. Ce recensement a donné l’occasion de créer un référentiel unique avec 11 grandes familles de métiers, 20 sous-familles et 62 métiers. Le détail de cette cartographie est donné par maillon et par région, où l’on constate une plus forte concentration d’emplois en Île-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes.
Plus d’emplois à créer dans le cadre d’une vraie transition
Afin d’évaluer comment ces emplois pourraient évoluer d’ici 2030, les auteurs de l’étude ont imaginé trois scénarios possibles, en fonction d’une vingtaine de critères. Le premier scénario baptisé « L’avenir en vert ? » envisage une transition énergétique au rythme actuel. La tendance permet de développer la production de gaz renouvelables et de réseaux de chaleur/froid décarbonés, avec des soutiens publics, mais pas suffisamment pour franchir certaines maturités technologiques (chaudières à hydrogène par exemple) et développer de nouveaux usages dans la clientèle (mobilité au bioGNV par exemple). Il en ressort une augmentation des emplois (+89 600), mais la filière manque d’attractivité pour répondre aux enjeux de croissance et d’adaptation à la transition énergétique.
Le deuxième scénario, dit de « l’accélération verte ! », voit au contraire la transition se renforcer plus rapidement, y compris par une politique d’indépendance énergétique vis-à-vis du gaz fossile, notamment sous l’impulsion de la crise en Ukraine. Les financements publics et privés boostent le développement de l’hydrogène et du biométhane ; industriels et collectivités décarbonent leurs activités ; les particuliers font des efforts d’efficacité et se tournent vers les nouvelles solutions technologiques. Cette dynamique pousse à la reconfiguration des activités de transport, stockage, distribution et commercialisation. Le maillage territorial via des smart grids, qui interconnectent réseaux de gaz et d’électricité, avec le soutien de communautés de citoyens, contribue aussi à la création d’emploi qui a été chiffrée à +169 600. Dans ce contexte il est plus facile d’adapter les compétences et d’avoir des formations initiales plus en phase avec les besoins.
Anticiper les besoins de formation
Enfin, le dernier scénario prend la forme d’une « conversion en gris-vert… ». Le rapport de force avec d’autres modèles énergétiques, spécialement celui du « tout électrique », empêche la mise en œuvre rapide des politiques environnementales françaises et européennes. Par manque de soutien et de financement, la filière gaz/chaleur/services énergétiques se retrouve alors en dessous des objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie. En particulier, le moindre développement des gaz renouvelables conduit à maintenir des importations de gaz d’origine fossile. En conséquence, l’augmentation du nombre d’emplois est limitée à +27 600. Si ce scénario fait office de repoussoir, il n’en est pas moins envisageable vu le fort soutien dont la filière électronucléaire fait encore l’objet.
La filière gaz/chaleur/services énergétiques a intérêt à faire valoir le plus fort potentiel d’emplois dans le cas d’une transition énergétique valorisant la diversité des solutions (scénario 2). Elle a aussi l’opportunité d’agir tout de suite sur les métiers qui ont été identifiés dans l’étude comme en croissance (ingénieur énergie, data analyst, conducteur de travaux, technicien exploitation, chauffagiste, plombier, maintenance, etc.), et d’anticiper des parcours de reconversion pour les métiers qui seront en décroissance d’ici 2030. En complément, l’étude pointe les enjeux de formation : dans les domaines de l’hydrogène et du biométhane, les moyens qui y seront consacrés mériteraient d’être fédérés dans des pôles spécialisés à l’échelle de territoires (région, département, bassin d’emploi).
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