Le traitement des déchets est une activité en plein essor. La diversité des types de déchets induit une multitude de possibilité quant aux solutions pour s’en débarrasser. Directeur scientifique du réseau coopératif de recherche sur les déchets, Alain Navarro expose les différentes stratégies existantes pour traiter les déchets.
Avant de se poser les questions d’un autre mode de production et d’un autre mode de consommation, voire même, d’une évolution des produits il faut au préalable identifier les stratégies et les outils techniques à notre disposition. Les stratégies de traitement des déchets sont au nombre de trois. La première solution est de dire : puisque ce produit pose problème, il n’y a qu’à l’interdire. C’est ce qui s’est passé avec l’amiante, mais le problème posé est le passif. Le désamiantage est un processus long, coûteux. Alain Navarro, Directeur scientifique du réseau coopératif de recherche sur les déchets (RECORD), témoigne de son expérience : » j’ai été partie prenante après l’interdiction des transformateurs : il y en a toujours, et certains continuent de marcher. On a supprimé les fréons dans les bombes aérosols, mais on ne supprime pas le service : il y a toujours des gaz inflammables et explosifs dans ces bombes aérosols. On peut donc s’interroger sur l’utilité réelle des ces interdictions, et mettre en doute la qualité de la coordination dans ces actions. »
La deuxième stratégie pour traiter les déchets tient en deux mots : optimisation et innovation. C’est la stratégie employée par l’industrie préférentiellement aujourd’hui. Les réflexions orientées vers le développement durable sont en train de donner des pistes en matière de production, d’éco conception, de recherche et d’élimination des produits toxiques. Pour autant, il ne faut pas confondre production propre et produit propre. Une entreprise peut très bien posséder l’outil de production le plus propre de la planète et fabriquer avec des produits complètement inadaptés au retraitement, et contenant des substances dangereuses. » Porter son regard sur l’outil qui produit et optimiser ses performances en matière de respect de l’environnement est bien indispensable. Porter son regard sur l’outil produit est tout aussi indispensable. C’est quelque chose qui n’est pas évident à comprendre, et les entreprises préfèrent souvent faire l’emphase sur le travail fait en amont du produit pour minimiser l’empreinte écologique « , précise Alain Navarro. La troisième grande stratégie pour gérer les déchets est la valorisation, qui se décline en plusieurs possibilités. La valorisation énergétique tout d’abord. On peut brûler les déchets pour en tirer de l’énergie tout en les éliminant. Plus dans les détails, des mécanismes permettent (pyrolyse, thermolyse) de traiter les déchets pour obtenir des substances adaptées à la combustion. Enfin, les processus biologiques, tels que la méthanisation ou la fermentation alcoolique permettent également de traiter les déchets, dans un premier temps, pour les transformer en substances qui sont adaptées à la combustion. Ces processus biologiques sont notamment ceux employés aujourd’hui pour produire certains biocarburants ou biogaz.
Dans la période actuelle marquée par des tensions sur l’énergie, ou le prix du pétrole reste une inconnue (bien que l’on sache que son niveau actuel, plutôt bas, remontera dès que la situation économique s’améliorera), la recherche de nouveaux moyens pour produire de l’énergie est presque une cause nationale. La valorisation des déchets trouve sa place ici, et toutes les opportunités méritent d’être consciencieusement étudiées.Ceci dit, il reste vrai que les déchets ne sont pas des combustibles classiques. Il est nécessaire de connaître les déchets que l’on brûle, pour que des substances dangereuses ne soient pas véhiculées par les fumées par exemple.Autre exemple, les farines animales. Après le scandale européen lié aux farines animales, il a fallu se débarrasser de ces farines. Ce sont les cimentiers qui ont utilisé ces farines, pour fabriquer du ciment. Un bel exemple de valorisation des déchets, alors que le casse-tête pour se débarrasser des farines animales, probablement avec un coût exorbitant, était bien réel.Deuxième type de valorisation, la valorisation matière. Dans la pratique, elle prend différentes formes :
- extraction des matières organique naturelles et synthétiques ;
- récupération des métaux et des matières minérales ;
- élaboration de matériaux BTP ;
- récupération du verre
- récupération des plastiques
- récupération des papiers cartons
Alain Navarro va plus loin : » Il est très important de faire le lien entre matière et énergie. La matière ne peut être industriellement traitée qu’avec de l’énergie. Energie et matière sont un couple. Si on a pas accès à l’énergie, on ne transforme pas la matière. »
» Si on veut que les citoyens participent à récupérer au mieux l’ensemble des matériaux, il faut en même temps que le pays dispose des outils de recyclage et de traitements de ces matériaux. Il y a une incongruité à rassembler des tonnes et des tonnes de papier, de plastique, de verre, alors que l’on a pas d’industrie spécifique pour les traiter, et que l’on va les exporter par bateaux pour qu’ils soient traités à des milliers de kilomètres. Il est nécessaire, et c’est particulièrement vrai au niveau français, d’avoir les moyens de produire et de traiter les déchets de tous types. Ainsi, le périple du porte-avion Clémenceau est le parfait exemple de cette incohérence, au niveau français « , explique Alain Navarro. C’est même le problème fondamental. Il est nécessaire de repenser toute la chaîne de traitement des déchets, pour que celle-ci soit réellement efficace, et surtout cohérente. Le prix des matériaux a également son importance. En effet, nous l’avons encore vu récemment, l’institution d’un mode de régulation des prix des matériaux permettrait à des activités de recyclage de pérenniser. Ainsi, le prix de l’acier, très important il y a encore quelques mois, à donné lieu à un emballage incroyable. Des câbles de TGV ont été volés, ces derniers avaient une valeur marchande alors très importante. Aujourd’hui, le prix de l’acier a beaucoup baissé. Cette absence de régulation est un frein à l’installation de ce genre d’activités. Alain Navarro, lui plaide pour la mise en place d’instances de régulation : » L’installation d’une banque des matières premières, qui n’est pas une idée nouvelle, pourrait permettre de régler ce problème. » Mais ce n’est pour l’instant pas le cas. Au contraire. Ainsi, depuis quelques mois, les pays de l’est ont instauré un embargo sur les usines, aujourd’hui désaffectées, qui ont fait la gloire de l’ancien régime soviétique. En effet, le fer, qui constitue un matériau de base de ces usines, se vendra très cher dans quelques années.
La valorisation de l’agriculture est aussi une solution qui montre son intérêt depuis des années. On a beaucoup cru beaucoup au retour compost. C’est en effet une très bonne piste, même s’il est nécessaire de faire attention à son utilisation et à sa valeur énergétique, bien réelle mais parfois surestimée. La structuration des paillages est également une solution, car cette méthode évite d’abattre des arbres.Dans la même veine, la valorisation de l’alimentation animale présente un potentiel important, pour trois types de déchets :
- déchets de restauration ;
- déchets d’abattoir ;
- déchets de laiterie.
Les déchets dans l’alimentation sont un sujet très vaste, complexe. Avec l’apparition de la dioxine, de l’ECB, les préoccupations vis-à-vis de ce type de déchets sont un peu passées au second plan.Enfin, une technique utilisée consiste également à la détoxication des déchets et à leur élimination. Quatre procédés existent :
- procédés thermiques ;
- traitements physico-chimiques ;
- traitements biologiques ;
- enfouissement.
Les déchets non valorisables, ou les déchets issus de la valorisation, doivent ensuite être supprimés. Il est alors possible de brûler les déchets non valorisables, cette technique a été employée pendant très longtemps. Comme on le voit, les possibilités d’action sont nombreuses. André Navarro, pour terminer, insiste sur la nécessité de trouver une cohérence dans les actions, sous peine de voir l’efficacité générale du processus amoindrie : » Quand on voit, rien que dans les cantines scolaires par exemple, la quantité journalière de nourriture consommable gaspillée et mise aux ordures, le problème est même plus grave : il ne s’agit même plus de production de déchets mais d’un disfonctionnement criant, au regard du contexte économique actuel. Concrètement, pour des raisons d’hygiène, des tonnes de viande sont chaque jour détruites alors que de plus en plus de gens en France sont dans le besoin. » Il ne s’agit pas ici de dénoncer ces pratiques, mais de souligner l’absence de coordination des acteurs, qui ne permet pas de tirer partie des déchets de la façon la plus efficace. Et c’est là tout le problème. Par Pierre Thouverez
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