L’avenir financier des licornes européennes peut-il se jouer à domicile ? Pour ces start-ups dont la valorisation a franchi la barre du milliard de dollars, la question de l’introduction en bourse se pose dans le cadre de leur développement. Souvent, les yeux de leurs dirigeants sont tournés vers le NASDAQ. Mais, au cours de ces cinq dernières années, Euronext, la place boursière européenne, a vu ses règles de fonctionnement évoluer. Aujourd’hui, elle souhaite attirer ces jeunes entreprises à succès, avides de rejoindre le marché américain.
Lors d’une table ronde organisée dans le cadre du sixième Sommet start-up et innovation, trois entrepreneurs européens se sont interrogés sur les perspectives d’évolution liées à une cotation au NASDAQ ou à Euronext. « Il est important de considérer que l’entrée en bourse est l’une des étapes dans la vision à long terme de la société », a confirmé Bertrand Diard, fondateur de Talend, l’une des trois sociétés françaises cotées au NASDAQ.
« C’est comme passer du collège au lycée »
Créée en 2005, la start-up leader de l’intégration de données a intégré la bourse américaine en 2016. En 2014, Bertrand Diard et son équipe ont choisi de transférer leur société aux États-Unis. Ils estimaient alors que le marché européen n’était pas assez mature pour leur projet, et que les perspectives d’avenir dans le domaine du software étaient plus faciles à envisager outre-Atlantique. « Nous envisagions un développement focalisé sur les États-Unis, car les analystes du NASDAQ étaient plus matures que ceux que l’on avait l’habitude de voir en Europe », a ajouté Bertrand Diard.
C’est aussi cette absence de frilosité des analystes boursiers américains qui a poussé Dataiku à quitter la France en 2015 pour s’installer aux États-Unis. La licorne fondée en 2013 est spécialisée dans l’extraction de données et a déjà réalisé plusieurs levées de fonds, notamment auprès de Serena, dont Bertrand Diard est partenaire. À l’heure actuelle, la start-up n’est pas encore cotée en bourse, mais elle s’y prépare. « Pour les sociétés du software, l’entrée en bourse est une étape supplémentaire dans le développement. C’est comme passer du collège au lycée », a expliqué Florian Douetteau, cofondateur de Dataiku. Pour lui, sa société aura de meilleures chances de tirer profit de son entrée en bourse aux États-Unis.
Les Américains comprennent mieux les licornes
Florian Douetteau ajoutait qu’une cotation en bourse au NASDAQ est également une manière de se positionner face à la concurrence. Ainsi, un effet de pôle s’est formé au sein de la place boursière américaine. « Une entrée en bourse fait surtout évoluer l’image d’une société sur un marché », a-t-il affirmé. L’entrepreneur estime donc qu’au-delà de la dimension financière, la cotation boursière est aussi un coup de projecteur qui relève de l’opération marketing. Pieter van der Does, lui, n’a pas ressenti ce même besoin de visibilité pour la licorne néerlandaise Adyen.
Fondée en 2005, la société commercialise une solution de paiement adoptée en France notamment par Boulanger et Etam. En 2018, elle est introduite à Euronext. « En 2014, nous avons réalisé une levée de fonds de 200 millions d’euros qui nous a permis d’acquérir une certaine notoriété », a-t-il expliqué. La crédibilité acquise lors de cette opération avait alors permis à la société de développer son réseau. « Avant l’entrée en bourse, nous avons consulté ce réseau qui nous a assuré qu’il investirait quel que soit le marché boursier sur lequel nous nous trouverons. Par simplicité, nous avons donc opté pour Euronext », a révélé le directeur général d’Adyen.
Pourtant, Pieter van der Does reconnaît que les investisseurs américains sont plus à même de financer start-ups et licornes. Après son entrée en bourse, il a effectivement remarqué que les investisseurs étaient plus souvent américains qu’européens. Florian Douetteau estime quant à lui que « les analystes de la tech en Europe ne comprennent pas le profil de certaines sociétés ». Une opinion partagée par Bertrand Diard. « Pour rivaliser avec de solides marchés comme ceux des États-Unis, l’Europe doit se renforcer et faire des efforts pour que les analystes comprennent mieux les activités de la tech », a précisé le fondateur de Talend. Mais à l’instar de Pieter van der Does, il considère que « cela prendra du temps ».
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