La pénurie de processeurs a impacté en particulier les constructeurs automobiles européens. L’Association européenne de l’industrie des semi-conducteurs (ESIA) prévoit une baisse de 4,1 % du marché mondial des semi-conducteurs en 2023. Le plus grand constructeur automobile européen, le groupe Volkswagen, a prévenu que 2023 serait une autre année difficile en raison de la pénurie de puces en cours.
Cette pénurie a fait prendre conscience à l’Europe de sa forte dépendance en matière de processeurs. La guerre en Ukraine a rappelé indirectement les projets de la Chine de mettre la main sur Taiwan.
Or, c’est sur cette île qui mesure 394 km de long et 144 km de large que se trouve l’un des éléments majeurs des nouvelles technologies : des puces haut de gamme… dont la fabrication mondiale est assurée à 90 % par Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC). Si le patron de TSMC affirme que la Chine ne serait pas capable d’exploiter le savoir-faire de son entreprise, une invasion de l’île aurait de forts impacts au niveau mondial.
Une industrie lourde
Des pans entiers de l’industrie mondiale dépendent de TSMC (mais aussi du coréen Samsung). Mais aucun pays ne peut rattraper Taiwan. Ni les États-Unis – malgré les 20 milliards de dollars d’investissements annoncés en 2021 par Intel pour ces nouveaux sites en Arizona –, ni la Chine et encore moins la Russie qui n’a jamais été un acteur significatif de l’industrie des composants électroniques, et ne le deviendra vraisemblablement pas. Rien qu’en 2022, TSMC a investi 44 milliards de dollars !
Quant à l’Europe, elle tente d’assurer sa fameuse « résilience ». Après la présentation par le Conseil européen du Chips Act, fin novembre 2022, « visant à renforcer l’écosystème européen des semi-conducteurs », une nouvelle étape a été franchie le 24 janvier 2023, lorsque les membres du Parlement européen ont adopté deux projets de loi : l’un sur le Chips Act et le second sur le « Chips Joint Undertaking ».
Les travaux du parlement européen ont porté principalement sur les semi-conducteurs de nouvelle génération et les puces quantiques. Un réseau de centres de compétences serait créé pour remédier à la pénurie de compétences et attirer de nouveaux talents en matière de recherche, de conception et de production. La législation soutiendrait également des projets visant à renforcer la sécurité d’approvisionnement de l’UE en attirant les investissements et en renforçant les capacités de production.
TSMC en Europe
« L’Europe occupe une place essentielle dans cette industrie, avec le monopole du néerlandais ASML dans les outils de lithographie permettant de graver en moins de 10 nm. Mais, il n’y a pas en Europe d’usines capables de fabriquer les composants électroniques haut de gamme. Leur fabrication est une industrie lourde, gourmande en capitaux et qui demande des compétences impossibles à acquérir rapidement. Quant à la France, elle ne peut pas espérer devenir un acteur majeur de cette industrie, même si elle dispose déjà d’entreprises de qualité comme SOITEC », souligne Louis Naugès, un spécialiste des technologies numériques.
Pour rattraper son retard, l’Europe négocie avec les deux grandes entreprises ayant des compétences dans le haut de gamme, Samsung et TSMC. Le Taiwanais devrait construire une usine en Allemagne. Mais cette première installation se ferait sur des solutions « moyenne gamme », avec des processeurs construits dans la gamme des 20 nm, et pas dans les plus avancées qui sont aujourd’hui entre 2 et 5 nm.
De son côté, Intel prévoit de créer un « méga-site » de semi-conducteurs en Allemagne en utilisant les équipements les plus avancés d’ASML. Le fondeur américain a également des projets d’investissement en France, en Pologne, en Irlande, en Italie et en Espagne.
Lourdeurs administratives
Moins connu, le fabricant de puces américain Wolfspeed a annoncé son intention de construire en Allemagne la plus grande usine de fabrication de carbure de silicium au monde. Les semi-conducteurs en carbure de silicium seront utilisés dans les véhicules électriques pour augmenter leur autonomie. Wolfspeed a récemment conclu un accord d’approvisionnement avec Mercedes-Benz et s’est associé au fournisseur automobile allemand ZF pour créer un laboratoire d’innovation commun.
« Il ne faut pas tarder, car ces projets mettent 4 à 5 ans pour être concrétisés, surtout en Europe avec les lourdeurs administratives et la guéguerre entre les pays pour savoir où seront installées ces usines », prévient Louis Naugès…
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