Après plus d’un an de développement, le ministère de la Transition écologique valide la première méthodologie de labellisation « bas carbone » dédiée à la préservation des herbiers marins en France métropolitaine. Un premier projet pilote sera déployé prochainement sur les herbiers de posidonies du Parc national des Calanques.
Les herbiers marins présentent un intérêt certain en termes de stockage du carbone et de développement de la biodiversité. Dans le monde, ils représentent 2 % de la surface totale des océans, mais abriteraient de 4 à 18 % des espèces marines. Ils stockeraient aussi de 3 à 5 fois plus de carbone qu’une forêt tropicale et jusqu’à 7 fois plus qu’une forêt française de feuillus, selon EcoAct, filiale d’Atos, spécialisée en stratégie de décarbonation. Mais « on a perdu environ 10 % de leur surface dans le bassin méditerranéen ces 100 dernières années », partage Jeanne Barreyre, experte des sujets biodiversité chez EcoAct au sein de l’équipe « recherche et innovation ». Et le taux de régression moyen des herbiers de posidonies en France est estimé à 0,29 % par an en moyenne, majoritairement à cause des ancrages de bateaux.
Pour mieux protéger cette espèce, EcoAct s’est associé à Digital Realty, Schneider Electric France et le Parc national des Calanques en mars 2021 pour élaborer la première méthodologie de préservation des herbiers de posidonies en Méditerranée française. Approuvée par la Direction générale de l’Énergie et du Climat (DGEC) du ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES) en avril 2023, cette méthodologie permettra la certification de projets en France via le label bas carbone. Et il y a de quoi faire : la Méditerranée française compte 80 000 hectares d’herbiers, réparties dans les régions Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie et Corse.
Une réduction jusqu’à 700 000 tonnes d’équivalent CO2 sur 30 ans
« Ce que l’on appelle herbier de posidonies est en fait constitué de deux parties : la plante, elle-même constituée de tiges – ou rhizomes –, de faisceaux, de feuilles et de racines, et la matte, constituée de rhizomes morts, de racines et sédiments », explique Jeanne Barreyre. Les plantes stockent peu de carbone. « C’est cette matte qui stocke le plus de carbone et qu’il faut donc protéger de l’ancrage des bateaux pour assurer la séquestration », poursuit-elle.
Par défaut, EcoAct évalue les stocks de carbone à protéger à 327 tonnes par hectare d’herbiers de posidonies. Pour évaluer le potentiel de réduction associée aux futurs projets, « on a estimé la dégradation due à l’ancrage des bateaux qui a deux effets mécaniques : la régression en surface en arrachant les faisceaux, et la décomposition en profondeur de la matte à force d’ancrer au même endroit », avance Jeanne Barreyre. EcoAct évalue ainsi le potentiel de réduction des émissions carbone sur l’ensemble de la zone méditerranéenne française, grâce à la protection des herbiers face aux ancrages, à 24 000 tonnes équivalent CO2 par an. Cela offre un potentiel global d’environ 700 000 tonnes sur 30 ans, durée des projets à venir.
Un premier projet pour le Parc national des Calanques
La finalisation du premier projet issu de cette méthodologie avec le parc national des Calanques est en cours pour un lancement prévu d’ici 2025. « Nous sommes en train de définir les actions à mettre en place pour protéger les 100 hectares d’herbiers répartis sur les 700 hectares du projet, et définir les coûts de suivi associés sur 30 ans », partage Jeanne Barreyre.
Si les prix habituels de la tonne de carbone associés aux projets du label bas carbone se situent en moyenne à 40 euros la tonne de carbone, il faudra encore attendre un peu pour connaître le prix de la tonne de carbone évitée des futurs projets associés à cette méthodologie. « Le coût dépendra ici fortement de la surface des herbiers à protéger et du coût des actions mises en place pour chaque projet », explique Jeanne Barreyre.
Concrètement, quelle forme prend la protection des herbiers ? La méthodologie propose une liste de projets éligibles. Ces projets comprennent « toute activité qui va limiter l’ancrage, réguler le nombre de bateaux ou leur emplacement », résume Jeanne Barreyre. « Cela peut être l’interdiction d’ancrer, la mise en place de bouées auxquelles s’accrochent les bateaux plutôt que de jeter leurs ancres dans les fonds marins, la mise en place de zones de mouillage et d’équipements légers, ou encore le financement de la surveillance des zones de mouillage. »
Réagissez à cet article
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.
Inscrivez-vous !
Vous n'avez pas encore de compte ?
CRÉER UN COMPTE