L’enneigement naturel diminue et la production de neige de culture n’est possible que lorsque les températures sont en dessous de -2°C. Face au changement climatique, les stations de ski devront donc prévoir au mieux les jours où cette production est possible. Dans ce cadre, le projet européen PROSNOW développe un logiciel pour optimiser au mieux la production de neige de culture. Samuel Morin est chercheur à Météo-France et responsable du Centre d’Études de la Neige, équipe du Centre national de recherche météorologique (CNRM), un laboratoire commun à Météo-France et au CNRS. Il est coordinateur du projet PROSNOW.
Techniques de l’Ingénieur : Pouvez-vous nous présenter le logiciel PROSNOW?
Samuel Morin : Le logiciel PROSNOW permet d’optimiser la production de neige de culture en fournissant des informations sur l’enneigement actuel et futur. Il le fait à l’échelle de quelques jours à quelques semaines, selon plusieurs tactiques de gestion : par exemple, produire ou non de la neige de culture, damer ou pas… Cela permet aux gestionnaires de mesurer les conséquences, à l’échelle de quelques jours à quelques semaines, de leurs choix de production.
Un objectif secondaire, mais important, est de faciliter l’échange d’informations entre les différents acteurs de la station – services des pistes, damage, production de neige, direction de la station, office du tourisme, marketing, collectivités – afin de partager et d’objectiver la situation de l’enneigement et des options qui peuvent être prises.
Comment prévoir les tombées de neige plusieurs mois à l’avance ?
En montagne, notamment en Europe de l’Ouest, la prévisibilité météorologique s’étend rarement au-delà d’une semaine. Mais l’évolution du manteau neigeux est prévisible au-delà, car celle-ci dépend de son état initial. Par exemple, si on a 1 m de neige, ou seulement 20 cm, le 15 décembre, il est possible de fournir une fourchette probable des conditions d’enneigement pendant les vacances de Noël, sur la base de prévisions météorologiques à court terme (J+4), de prévision saisonnière, et d’utilisation des données météorologiques des années précédentes. Les données sont fournies aux utilisateurs de PROSNOW à une haute fréquence, toutes les 3 heures, pour les premiers jours, puis seulement tous les jours au bout de quelques semaines.
Le système a été développé pour l’ensemble des Alpes, avec plusieurs systèmes de modélisation selon les pays. Il s’appuie sur les systèmes de modélisation de la neige existant, par exemple en appui de la prévision du risque d’avalanches. Le système n’a pas besoin de connaître les données d’enneigement des années précédentes. Elles sont calculées sur la base des données météorologiques du passé, couvrant la période de 1958 à nos jours.
Le premier prototype est en test pour sa première saison. Quels sont les premiers enseignements ?
Le prototype a été mis à disposition des stations pilotes depuis début novembre. En France, nous avons deux stations : Les Saisies et La Plagne. Un certain nombre de sessions de travail partagées entre les services des stations et les membres du projet ont permis d’affiner le potentiel et l’utilisation de l’interface graphique. En effet, le système de prévision est d’autant plus fiable qu’il est corrigé par les observations sur l’épaisseur de neige et de production de neige.
Cela demande de mettre en place des interfaces pour récupérer ces données auprès des prestataires des stations. Nous nous y sommes attelés, avec des progrès en cours d’hiver. Le système est déjà utile sans ces corrections en temps réel, et il bénéficie de ces corrections, qui contribuent au réalisme des résultats et de leur appropriation par les acteurs de la station.
Quels changements comprendra la prochaine version ? Êtes-vous prêts à passer à la version commerciale ?
Nous travaillons en ce moment à finaliser le modèle économique pour une exploitation commerciale, et identifier les progrès à mettre en œuvre avant ce lancement. En fait, le système tel qu’il a fonctionné cet hiver semble répondre à des problématiques concrètes des acteurs des stations. Par exemple, éviter de produire si les conditions météorologiques risquent de faire fondre la neige quelques jours plus tard, éviter de trop produire au risque d’avoir un excédent en fin de saison et donc d’avoir, de facto, gaspillé les ressources associées à la production de neige. Et donc il n’est pas sûr que nous ayons à mettre en œuvre des modifications très importantes.
Un enjeu important va être de consolider l’organisation technique, commerciale et administrative, permettant de vendre le service PROSNOW à partir de l’hiver 2020-2021. Cela pourra passer par plusieurs instances opérationnelles, notamment selon les pays. Ce sont des réflexions en cours au sein du consortium, et nous œuvrons pour pouvoir atteindre le lancement commercial au moins pour une partie du marché européen lors du salon Mountain Planet du 22 au 24 avril prochain.
Propos recueillis par Matthieu Combe
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