Bien que 300 kt de PMMA soient produits chaque année en Europe, notre capacité de recyclage ne dépassait pas 7kt/an en 2018. L’utilisation massive de ce matériau pour la fabrication d’écrans LCD et plus récemment de barrières COVID met en avant la nécessité de relocaliser le recyclage du PMMA sur le sol européen. C’est l’objectif de MMAtwo, un projet européen qui donnera lieu à un déploiement industriel en 2023. Nous avons interviewé Robin Ronceray, Ingénieur Études Techniques et R&D chez ECOLOGIC, l’un des 16 partenaires du projet.
ECOLOGIC est un éco-organisme français en charge de la collecte, la dépollution et la valorisation des DEEE sur le territoire français.
Depuis 2018, ECOLOGIC contribue au projet européen MMAtwo, dont l’objectif principal est la construction d’une nouvelle chaîne de valeur du PMMA et notamment la relocalisation du recyclage par dépolymérisation en Europe.
Ce projet vise en particulier à garantir l’approvisionnement d’unités de recyclage avec au moins 27 000 tonnes de rebuts de production en PMMA et de produits en fin de vie.
MMAtwo fait partie du programme H2020 (n°820687). Il est financé à hauteur de 6,6 M€ sur un montant total de 8,9 M€ et le consortium est composé de 16 partenaires issus de 7 pays européens.
Techniques de l’Ingénieur : Quel est le rôle joué par ECOLOGIC dans le projet MMAtwo ?
Robin RONCERAY : MMAtwo est divisé en 7 groupes de travail. En tant qu’éco-organisme, Ecologic intervient dans le work package 1 (WP1) intitulé « Collecte des déchets et prétraitement ». Notre rôle est ainsi d’évaluer le gisement de PMMA disponible, aussi bien en qualité qu’en quantité. Nous avons notamment été amenés à chiffrer le potentiel de PMMA issu des DEEE en Europe.
Quelles sont les principales sources de PMMA recyclable ?
Hormis les déchets de post-production qui représentent près de 80% du gisement de PMMA disponible, la principale source de PMMA post-consommation vient des DEEE, en particulier des écrans LCD. Le PMMA est ainsi utilisé pour ses propriétés optiques et mécaniques afin de réaliser les dalles des écrans, ce matériau représentant entre 5 et 8 % de la masse d’un écran LCD.
Quelles sont les problématiques associées au démantèlement des écrans ?
L’estimation des gisements, la collecte et le démantèlement des écrans LCD sont des tâches complexes.
Par exemple, le broyage mécanique, la méthode industrielle qui permet de traiter de forts volumes, a des inconvénients. En effet, la densité du PMMA est proche de celle des plastiques qui contiennent des retardateurs de flammes bromés, des additifs polluants qui nécessitent un tri puis une incinération en déchets dangereux. Cela obligerait à utiliser des technologies de détection avancées, comme le proche infrarouge, pour améliorer l’efficacité du tri.
La collecte des écrans en fin de vie est aussi complexe, car le taux de collecte actuel sur les écrans plats ne dépasse pas 30 %, contre 50 % pour la moyenne des DEEE. Nous savons par exemple qu’une partie des écrans échappe à la collecte et repart en Asie, ce qui pose des problèmes de traçabilité et fait chuter le taux de collecte. Par ailleurs, comme c’est le cas pour la plupart des équipements, nous constatons qu’il est difficile de chiffrer la durée de vie des écrans, ce qui est une source d’incertitude.
Quel est le potentiel du gisement de PMMA estimé en Europe pour la dépolymérisation ?
Avec les taux de collecte actuels, nous estimons le gisement européen provenant des écrans LCD à 10 000 tonnes de PMMA, dont 2 000 rien que pour la France. Comme le minimum de PMMA nécessaire au démarrage de l’usine de dépolymérisation est de 27 000 tonnes, le gisement actuel présente donc un potentiel majeur.
Mis à part les écrans LCD, d’autres gisements de PMMA existent, mais ils sont plus complexes à exploiter. Par ailleurs, l’absence d’une technologie capable de traiter les plastiques les plus pollués fait actuellement défaut. Des éléments comme les feux arrière de voiture doivent ainsi être prétraités et triés avant dépolymérisation, car ils contiennent des pigments divers et variés, dont certains peuvent poser problème à cause de leur toxicité.
Il existe aussi des gisements de PMMA hors DEEE, associés à d’autres problématiques. La collecte des panneaux d’affichage ou des barrières COVID dans les commerces par les éco-organismes en charge de la filière REP « ameublement professionnel » pose ainsi des questions logistiques, pour optimiser la massification. Ce sont des pistes étudiées par nos partenaires du work package 1 de MMAtwo.
Le déploiement à l’échelle industrielle est-il pour bientôt ?
En 2021, des campagnes d’essais pilotes ont permis d’obtenir des résultats significatifs concernant la dépolymérisation du PMMA. Plusieurs centaines de kilos de déchets de PMMA ont ainsi été dépolymérisés, avec un rendement jusqu’à 90 % en masse (de polymère à monomère). La pureté du rMMA¹ obtenu approche celle de la matière vierge, puisque chaque impureté identifiée est présente à moins de 0,1 % en masse, et que la pureté totale du MMA régénéré a atteint 99,8 % en masse.
Il a également été démontré que l’installation pilote était capable de fonctionner de manière stable sur de longues périodes.
Le projet se termine fin 2022 et nous sommes en bonne voie pour un déploiement industriel en 2023.
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¹ Résine de PMMA régénérée après recyclage chimique
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