Utiliser la technologie satellite de la Station spatiale internationale (ISS) pour suivre en temps réel les déplacements de milliers d’animaux sauvages. C’est le principe du projet ICARUS, ou « International Cooperation for Animal Research Using Space » (« Coopération internationale pour la recherche animale utilisant l’espace »). ICARUS est un programme destiné à l’approfondissement des connaissances scientifiques au sujet des espèces sauvages. Grâce à un suivi par satellite, les scientifiques auront accès à plusieurs informations au sujet de la faune sauvage.
Conçu par un groupe de scientifiques russes et allemands, le projet est dirigé par le biologiste et ornithologue Martin Wikelski, directeur de recherche à l’Institut Max-Planck. Il est également professeur à l’université de Constance (Allemagne). Les premières observations devraient avoir lieu cet été. Le système sera pleinement déployé d’ici la fin de l’année 2020.
5 grammes, 2 cm³, 500 dollars
Les dispositifs de traçage sont conçus pour pouvoir être placés sur des animaux de petits gabarits. Pesant environ cinq grammes, ces transmetteurs peuvent être placés sur le dos d’oiseaux, de chauves-souris ou de petites tortues marines. Plusieurs éléments entrent dans la composition de ces appareils de faible volume, environ 2 cm³. Un GPS, différents capteurs qui mesurent entre autres les distances parcourues et la température des animaux, et un magnétomètre sont intégrés aux appareils. Chaque émetteur coûte environ 500 dollars, et peut fonctionner durant toute la vie d’un animal. Ainsi, ces nouveaux transmetteurs sont moins coûteux et plus durables que les précédents.
Toutes les données enregistrées par les transmetteurs sont envoyées vers une station réceptrice située au sein de l’ISS. En effet, les appareils ont une capacité de transmission allant jusqu’à 800 kilomètres. Cette technologie permettra de suivre les animaux en temps réel. Ensuite, les données sont renvoyées vers une station au sol. Enfin, elles sont transmises aux scientifiques concernés par les recherches. De plus, une base de données de l’Institut Max-Planck, nommée Movebank, assurera le partage en accès libre des informations collectées.
« Une nouvelle ère de découverte »
Le premier but que veulent atteindre les scientifiques d’ICARUS est d’en apprendre davantage sur les flux migratoires des espèces observées. Ils s’intéresseront aussi à l’étude de leurs écosystèmes, et aux raisons de leur mort. « C’est une nouvelle ère de découverte » déclare au New York Times Walter Jetz, professeur de biologie évolutive à l’université de Yale, associée au projet. « Nous découvrirons de nouvelles routes migratoires, les besoins des animaux en matière d’habitat, et des choses sur leurs comportements. Ces découvertes déboucheront sur toutes sortes de nouvelles interrogations » ajoute-t-il.
L’avantage des transmetteurs utilisés pour le projet ICARUS est de pouvoir être installés sur de nombreux animaux. La taille et le milieu de vie n’ont pas d’incidence négative sur l’utilisation des appareils. Ainsi, Nathan Senner, biologiste à l’université de Caroline du Nord, prévoit d’étudier la migration de la barge hudsonienne. Cet oiseau échassier effectue l’une des plus grandes migrations observées dans le monde. « Nous pourrions obtenir des estimations de localisations beaucoup plus précises. Cela nous aidera à développer des mesures de conservation ciblées sur le terrain » se réjouit le Pr. Senner.
Prévenir les épidémies et le braconnage
L’équipe d’ICARUS explique qu’une meilleure connaissance de ces informations pourrait permettre aux hommes de mieux appréhender leurs propres milieux de vie. Martin Wikelski avait déjà mené une étude à ce sujet en Italie. Il s’était intéressé au comportement des vaches, des moutons et des chèvres juste avant un séisme. « Nous pensons qu’ils sont capables de détecter une certaine odeur. Puis, ils se déplacent dans des zones boisées pour se mettre à l’abri » explique le Pr. Wikelski. Aujourd’hui, les chercheurs pensent que ce type d’étude comportementale pourrait aider les hommes à prévenir des catastrophes naturelles.
Le professeur Wikelski espère également que le projet ICARUS pourra contribuer à la lutte contre la propagation d’épidémies. En effet, la technologie développée permettra de suivre efficacement des espèces représentant des dangers pour la santé humaine, comme le pangolin. Cela est rendu possible par la présence d’un capteur à l’intérieur du dispositif de traçage, capable de prendre la température des animaux. « En mesurant la température de la peau des canards en Chine, nous pourrons voir si un nouvel épisode de grippe aviaire commence » explique le Pr. Wikelski. À l’inverse, ICARUS contribuera à protéger les animaux des dangers représentés par l’homme. En Afrique, le suivi des éléphants permettra de mieux surveiller les activités de braconnage.
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