Ces mouvements d’hommes, ces livraisons de matières premières, leur transformation en produits intermédiaires ou finis qui seront à leur tour délivrés dans le monde entier, vont naturellement entraîner une augmentation des consommations énergétiques de la planète. La progression des échanges commerciaux, accompagnant la croissance des niveaux de vie, va se répercuter sur les consommations énergétiques globales.
La demande de pétrole devrait donc poursuivre sa progression de 0,7% par an. Cette ressource demeurant la principale ressource énergétique, affirme EXXON (figure.1).
Fig.1 : Evolution du mix énergétique de la planète entre 2010 et 2040 vue par EXXON MOBIL (l’unité est le Quadrillon de BTU ou million de milliards de BTU qui vaut 25,2 millions de TEP)
Dans cette étude, il apparaît que c’est le Gaz Naturel, abondant, de moins en moins onéreux, qui apporterait la principale contribution à la croissance des besoins énergétiques de la planète.
Par contre la contribution globale du charbon resterait stable en valeur absolue après être passée par un maximum autour de 2025, hypothèse cohérente avec l’accroissement prévu d’une contribution de l’énergie de l’atome, principalement en Asie et au Moyen-Orient. Ces prévisions sont à-peu-près en phase avec celles des Japonais de l’IEEJ qui cependant prévoient encore une croissance des consommations de charbon (jusquen 2035) en particulier en Asie et une moindre croissance de l’atome et des énergies renouvelables.
Tout cela, même si la comparaison directe des énergies ne tient pas compte des rendements d’utilisation et donne une image déformée des utilisations finales d’énergie en défaveur de l’éolien et du solaire photovoltaïque, ne prédit pas un monde suralimenté par des énergies renouvelables décentralisées et en réseau, imaginé et vulgarisé par certains.
La synergie ou l’analogie hypothétique entre Internet et les nouvelles sources d’énergies renouvelables a ses limites, elles sont fixées par l’intermittence des productions, par la non existence de moyens de stockages économiques de l’énergie électrique et par la cherté des réseaux électriques de forte puissance qu’il faudrait mettre en place pour transporter cette énergie localisée, parfois sur des milliers de kilomètres, comme aux Etats-Unis, des lieux de production venteux du Middle-West ou ensoleillés de Californie ou du Nouveau Mexique vers les grands centres de consommation de la Cote Est.
Le maillage des territoires par les centrales électriques conventionnelles à flamme ou atomiques est une qualité des réseaux existants trop souvent sous-estimée.
Cette marginalisation actuelle et projetée des ressources intermittentes d’énergie électrique est intrinsèque à leur inaptitude à maintenir un réseau électrique opérationnel 365 jours par an.
Dans le cas de notre pays, certains imaginent des stations de pompage en supposant le réseau électrique national isolé, alors que l’espace pertinent est celui de l’ouest de l’Europe décrit par l’ENTSO qui va de la Finlande au Portugal et de Chypre à l’Islande (voir la figure.2).
Ces auteurs oublient également de chiffrer le surdimensionnement de la puissance éolienne ou photovoltaïque qui serait nécessaire pour assurer à la fois les fournitures quotidiennes ainsi que la recharge par pompage dans un temps limité (quelques dizaines d’heures) de ces accumulateurs d’énergie qui ne seraient efficaces, après une longue période de disette, que lorsqu’ils auraient été au moins partiellement rechargés.
Fig.2 : Carte des gestionnaires de réseau de ENTSO-E
Avant de lancer un projet de développement, sous peine de se retrouver le bec dans l’eau en cours de route, il faut bien identifier les obstacles techniques majeurs et s’assurer de la faisabilité économique et technique des solutions imaginées.
Aujourd’hui, alimenter un réseau électrique, à plus de 20 à 30% en moyenne, avec des énergies renouvelables intermittentes n’est pas faisable sur le long terme sans mise en place d’un rationnement intempestif et onéreux des utilisateurs industriels, commerciaux et privés (trompeusement appelé « smart grid », la force du marketing réside dans les termes utilisés) ou sans l’apport d’énergie de secours provenant de grands pays voisins, comme c’est le cas pour le Danemark.
Rappelons, comme argument complémentaire, le refus, au mois d’Octobre dernier, de l’Agence fédérale de régulation de l’électricité allemande de répondre favorablement aux demandes de fermetures de centrales thermiques devenues non rentables pour les opérateurs, mais pourtant indispensables au maintien par tout temps de l’équilibre du réseau.
Un réseau allemand qui en 2012 a été alimenté en moyenne à hauteur de seulement 8,6% par ses éoliennes, chichement de 4,5% par ses nombreux panneaux solaires et largement à 59,8% par des centrales à flammes qui ont brûlé pour près des trois quarts du lignite ou du charbon nous dit l’ENTSO.
Vouloir une énergie propre est un objectif louable, savoir le faire en assurant la continuité et la qualité du service, dans des coûts raisonnables, en respectant les lois de la concurrence et les deniers des citoyens payeurs est beaucoup plus complexe. Le débat n’est que là et n’a rien de philosophique.
Le possible, issu de nos imaginations, n’est pas toujours faisable. Oublier cette évidence c’est se mettre à la merci des idéologies de tous poils.
La plaque électrique ouest-européenne déservie à ce jour aux trois quarts par les énergies fossiles et l’atome, devra pour essayer de conserver des activités industrielles et des économies compétitives au sein des pays qu’elle dessert, être alimentée majoritairement, durant de longues décennies, par l’énergie de l’atome et des centrales à flamme qui brûleront massivement comme aujourd’hui du lignite allemand, du gaz russe puis américain et du charbon américain.
Entre temps les énergies renouvelables, de moins en moins subventionnées par des Etats et des consommateurs appauvris, mais favorisées par la montée des prix de vente du MWh électrique, progresseront toujours, par exemple à l’aide de l’utilisation de l’énergie des courants marins.
Prévoir une révolution énergétique, sujet très à la mode, me semble largement relever aujourd’hui d’une vision utopique du monde à venir. Les peuples n’ont plus peur de l’enfer annoncé par certains, et surtout pas de celui relevant du climat.
par Raymond Bonnaterre
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